(RV) Entretien - Avec le Pape François, le bilan œcuménique gagne un « plus
». Le cardinal Kurt Koch, président du Conseil pontifical pour la promotion de l’unité
des chrétiens l’affirme dans un entretien accordé à l’agence Sir, le service d’information
religieuse liée à la Conférence épiscopale italienne.
À la veille de la semaine
de prière pour l’unité des chrétiens prévue du 18 au 25 janvier sur le thème « Le
Christ ne peut être divisé », le cardinal a souligné l’importance de la prochaine
visite du Pape en Terre Sainte, du 24 au 26 mai lors de laquelle est prévue une rencontre
avec le patriarche Bartholomée, 50 ans après la rencontre historique entre le Pape
Paul VI et le patriarche Athénagoras.
Quant à la possibilité d’une rencontre
avec le patriarche Kirill de Moscou, le cardinal Koch souligne l’importance de « la
phase préparatoire » pour un tel évènement parce que « ce sera la première fois
qu’un patriarche de l’Église orthodoxe russe et le Pape se rencontrent ». Enfin,
sur la question de la primauté du Pape, le cardinal affirme que depuis le Concile
Vatican II, les papes ont donné de l’importance à l’unité des chrétiens et donc «
sa primauté n’est pas un obstacle mais un grand pont pour l’œcuménisme ». «
Je pense qu’il est nécessaire de prendre au sérieux la conscience que le Christ ne
peut pas être divisé. »
Le Pape François a été la grande « nouveauté »
de 2013. Et du point de vue œcuménique, son pontificat a tout de suite bien commencé.
Lors de la fête d’inauguration, tous les représentants des Églises étaient présents.
Il y avait aussi le patriarche œcuménique de Constantinople et c’était la première
fois dans l’histoire qu’un patriarche était présent à l’inauguration d’un nouveau
pontificat.
Donc, poursuit le cardinal Koch, « cette année, le bilan œcuménique
- également grâce au Pape François - remporte un important signe “plus” ». «
Du point de vue du contenu, ajoute le cardinal, je crois qu’il y a une grande
continuité entre Benoît XVI et François parce qu’ils ont tous deux un grand cœur pour
l’œcuménisme ».
Nous vous proposons ici l’intégralité de l’entretien,
traduit en français.
À propos de contenus, dans l’Exhortation apostolique
« Evangelii Gaudium », le Pape François touche des points très importants tels que
la collégialité et la primauté du Pape. Comment ces ouvertures ont-t-elles été perçues
? Les réactions à l’Exhortation apostolique que j’ai reçues des représentants
des autres Églises sont très belles. Ils ont été très touchés, appréciant surtout
le fait que cette exhortation exprime une vision commune. Dans le paragraphe réservé
au dialogue œcuménique, on perçoit comment les catholiques peuvent apprendre des autres
Églises. Le Saint-Père cite comme exemple la collégialité de l’Église orthodoxe. Et
lors de ma récente visite, le patriarche de Moscou a justement mentionné ce point.
Il y a cinquante ans avait lieu l’accolade entre Paul VI et le patriarche
Athénagoras. Cela semblait le début d’une nouvelle histoire. Que s’est-il passé ensuite
? Ce fût un grand évènement : les dirigeants de l’Eglise orthodoxe et de l’Église
catholique se sont rencontrés après plusieurs années de séparation à Jérusalem. Cette
rencontre a provoqué un autre grand évènement, c’est-à-dire la fin de l’excommunication
sanctionnée ensemble en 1965 par les deux Églises dans la cathédrale du Phanar à Constantinople
et de Saint-Pierre à Rome. Et ainsi finit l’ère de l’excommunication et s’ouvrit l’ère
de la communion. En ce sens, la réunion de Jérusalem a consacré le début du dialogue
de la charité et de la vérité.
Pour commémorer cela, le Pape et le patriarche
se donnent rendez-vous à Jérusalem le 25 mai. Qu’attendez-vous de cette rencontre
? C’est d’abord et avant tout un acte de commémoration de ces 50 ans et j’espère
que cette réunion permettra de retrouver la passion pour l’unité présente à l’époque
de Paul VI et d’Athénagoras. Si je lis aujourd’hui les textes rassemblés dans la Tomos
Agapis, je vois émerger cette passion pour l’unité. Athénagoras dit : « Le temps est
venu. L’heure de se retrouver ensemble sur le même autel ». Il me semble que cette
passion pour retrouver la communion ecclésiale et l’Eucharistie doit être approfondie
et revitalisée.
Y aura-t-il une déclaration commune ? Quel sera
le contenu de la déclaration est une chose que le Pape François et le patriarche doivent
encore examiner pour comprendre ce qu’il faut dire en commun dans le monde et dans
l’Église. Cette rencontre vise à être une étape du voyage qu’il faut accomplir pour
le futur.
Vous avez rencontré le patriarche Kirill. Avez-vous parlé d’une
éventuelle rencontre avec le Pape ? Oui, nous avons parlé d’une éventuelle
rencontre entre le Saint Père et le patriarche Kirill mais le métropolite Hilarion
a toujours souligné que plus important que la date, c’est surtout la préparation car
ce sera la première fois dans l’histoire des relations entre Moscou et Rome qu’un
patriarche de l’Église orthodoxe russe et un Pape de Rome se rencontrent. Il est donc
nécessaire de bien préparer ce qu’ils veulent dire et ce qu’ils veulent faire et ceci
fait partie de la phase préparatoire.
Le thème de la prochaine semaine
de prière pour l’unité des chrétiens ( du 18 au 25 janvier) est « Le Christ ne peut
pas être divisé ». Quelles sont les avancées qui sont demandées de la part de chaque
Église ? Je pense qu’il est nécessaire de prendre au sérieux, prendre conscience
que le Christ ne peut pas être divisé. Le fondement de tout l’engagement œcuménique
est la prière sacerdotale de Jésus qui dit que l’unité entre les disciples du Christ
est la volonté du Seigneur. Et nous tous qui venons de Paul, Pierre et André, nous
avons le devoir et la responsabilité d’écouter la volonté de Jésus et de trouver cette
unité. Paul, Pierre et André étaient sûrement des personnes différentes, avec des
charismes différents mais ils étaient tous des amis du Christ.
Cela ne
vous semble pas un paradoxe que la primauté du Pape soit justement l’élément de division
? Paul VI disait déjà que la primauté est l’obstacle le plus profond de l’œcuménisme.
Mais c’est seulement une face de la question : l’autre est que la primauté est une
grande opportunité pour l’œcuménisme. Prenez par exemple les trois rencontres d’Assise
qu’ont tenues Jean-Paul II et Benoît XVI : qui pouvait inviter toutes les Églises
et les autres religions sinon le Pape de Rome ? Jean-Paul II a écrit dans son livre
« Franchir le seuil de l’espoir » que le ministère de Pierre est un ministère d’unité
et a un sens profond pour l’œcuménisme. Après le concile Vatican II, tous les papes,
de Paul VI à François, sont des papes œcuméniques qui veulent l’unité et dans ce sens,
leur primauté n’est pas seulement un obstacle mais aussi un grand pont pour l’œcuménisme.
Photo
: le cardinal Kurt Koch, président du Conseil Pontifical pour la Promotion de l’Unité
des Chrétiens