Conférence de presse de François Hollande : la réaction de l’Église de France
(RV) Entretien - Au cours de la conférence de presse, donnée mardi 14 janvier
à Paris, le chef de l’État français a annoncé un projet de loi sur la fin de vie soulignant
la nécessité de bénéficier d’une assistance médicalisée pour permettre de terminer
sa vie dans la dignité. S’achemine-t-on vers une légalisation de l’euthanasie ? Proposition
de campagne numéro 21 de François Hollande, ce sujet sensible se heurte à de nombreux
avis contraires. Quoiqu’il en soit, rarement lors d’une conférence de presse à l’Elysée
autant de questions concernant l’Église ou la vie des catholiques français n’ont été
abordées.
Le président français François Hollande a dénoncé les atteintes
à la religion et notamment les actes antichrétiens. Hélène Destombes a joint Mgr
Bernard Podvin, porte-parle de la Conférence des évêques de France. Il nous livre
son sentiment suite à cette intervention du président Français.
Comment
avez-vous interprété les paroles du président français concernant les actes contre
les chrétiens ? Les paroles du président étaient très attendues par les catholiques
et par les chrétiens dans leur ensemble. Vous savez que les catholiques et les chrétiens
sont très mobilisés quand on porte atteinte à nos amis juifs et musulmans dans leurs
religions, dans leurs pratiques. Nous sommes très solidaires et il y avait une attente
très forte de la part des catholiques pour qu’une certaine équité leur soit rendue.
Et je crois que ces paroles vont compter, évidemment il faudra qu’elles soient suivies
aussi d’actes concrets, quant à une décision plus précise après, parfois des répressions
contre certains vandalismes, contre certaines atteintes mais les catholiques attendaient
qu’on dise que toute atteinte, à quelque religion que ce soit, doit être condamnée
par l’État. C’est la responsabilité de l’État. Et, ce qui me semble important, c’est
qu’ hier, dans la parole que tenait le chef de l’État, il y avait un sens de ce que
devait être la laïcité. J’espère qu’au-delà de ce discours, ce sera concret pour toutes
les sensibilités religieuses. La vraie laïcité doit être respectueuse de toutes les
confessions. Nous sommes au combat solidaire quand les autres religions sont agressées
et il était normal que la religion catholique, aussi, entende cela hier, que tous
les chrétiens l’entendent de la part du président de la République.
Concernant
précisément la laïcité, peut-on lire dans ce discours une approche plus pragmatique
? Le président Nicolas Sarkozy avait développé le concept de laïcité positive. François
Hollande est-il en train de développer la laïcité pragmatique ? Cette part
de discours est sans doute plus pragmatique mais tout ce qui est vécu en ce moment
sur la laïcité ne se résume pas à ce discours. Il y a d’autres points qui, eux, demeurent
préoccupants. Il y a encore ça et là parfois du laïcisme, une incompréhension, une
non-écoute. Et donc, les religions -pas que la religion chrétienne-, resteront vigilantes.
Ce discours est venu rééquilibrer les choses, je le crois, c’était nécessaire mais
tout n’est quand même pas inclus non plus là-dedans. Je pense qu’il est important
de se dire que les catholiques veulent une relation paisible, constructive. Le climat
dans cet ensemble qui est porté par l’Église catholique, c’est vraiment un climat
de contribution à la laïcité. Mais il faut continuer à lutter ça et là contre des
durcissements laïcistes. Je prends un simple exemple : la question des financements
de l’enseignement catholique supérieur ou concernant quelques conceptions de la laïcité
dans les questions scolaires ou dans les aumôneries d’hôpitaux, dans d’autres domaines
où il y a encore beaucoup à dire et beaucoup à progresser. Donc, un discours marquant,
un discours intéressant, important mais encore beaucoup de progrès à accomplir.
Lors de cette conférence de presse, le président François Hollande a annoncé
un projet de loi concernant la fin de vie. Tout en affirmant vouloir maintenir une
ligne claire, il a dit vouloir trouver un consensus. C’est en quelque sorte une prise
de conscience, une main tendue aux catholiques ? Beaucoup se sont dit déçus, incompris
cette année, concernant de nombreuses questions et en particulier le mariage pour
tous. Nous serons très vigilants dans les semaines qui viennent. Les communautés
religieuses seront consultées. Nous exprimerons à nouveau notre avis. Nous serons
vigilants car comment décrypter ce qui a été dit hier ? De quoi s’agit-il ? Le mot
« euthanasie » n’est pas prononcé, le mot « suicide assisté » non plus. Quels seront
ces conditions strictes ? De quoi va-t-il s’agir ? Vers quoi allons-nous ? Nous serons
vigilants et nous exprimerons bien sur notre point de vue dans les consultations à
venir.
François Hollande a également évoqué sa visite au Vatican le 24
janvier prochain et sa rencontre avec le Pape François. Il a déclaré « le Pape peut
être utile sur plusieurs sujets ». Comment avez-vous interprété ces paroles ? Quand
on entend l’éloge que fait le président Obama ou d’autres chefs d’État sur la planète,
c’est la moindre des choses qu’il soit dit par la République française l’éminente
valeur du Saint-Père dont depuis son élection comme Pape, nous pressentons bien tout
ce qu’il fait déjà pour la paix dans le monde, les actions remarquables qu’il veut
encourager. Alors, j’espère vraiment que cette visite qui se déroule dans quelques
jours sera une visite fructueuse qui permettra de se parler en vérité pour le bien
des nations, pour le bien du monde. C’est le souci qu’exprime notre chef d’État que
de rencontrer le Pape dans son autorité morale, dans tout ce qu’il incarne. Ça, ça
me semble très important. Nous avons des lignes communes à porter. Il y a énormément
de préoccupations à travers le monde et je sais que le Saint-Père, quand il rencontre
un chef d’État prend toujours très au sérieux et parle avec vérité au nom de la mission
qui lui est confiée. Je prie beaucoup pour cette visite.
Photo : le
président François Hollande devant le palais de l'Élysée ce 15 janvier