En 2013, hausse des persécutions contre les chrétiens
(RV) Entretien - Les persécutions contre les chrétiens ont augmenté partout
dans le monde en 2013. C’est le principal constat de l’Index mondial de la persécution,
publié ce mercredi comme chaque année, par l’ONG protestante Portes ouvertes. Un classement
qui rassemble les 50 pays où les chrétiens sont le plus persécutés, en raison de leur
foi. Ils seraient ainsi près de 150 millions de par le monde à être discriminés, physiquement
menacés ou pourchassés.
Et cette année, comme l’explique Michel Varton,
directeur de l’ONG Portes ouvertes, l’Index a mis en avant quatre tendances principales.
Il le confie à Audrey Radondy :
Dans
cet index mondial de la persécution 2014, vous dites que cet index a fait ressortir
quatre tendances. Est-ce que vous pouvez me les décrire ? La première tendance
est donc cette augmentation générale de la persécution dans le monde. Seulement quatre
pays ont vu une amélioration : le Mali, la Tanzanie, les Émirats et la Mauritanie.
Tous les autres pays de notre index sont soit restés à la même place que l’année
précédente soit ont vu une augmentation de la persécution. La deuxième chose qui nous
frappe, c’est ce que nous avons déjà annoncé l’année dernière, c’est-à-dire que les
pays du printemps arabe ne voient pas un printemps pour l’Église mais en fait, plutôt
un hiver pour l’Église. Un pays vraiment très frappant, c’est la Syrie qui est passée
de la sixième place, il y a quelques années, à la troisième place aujourd’hui dans
l’Index. La Libye passe à la treizième place. L’Égypte, où on a vraiment vu une augmentation
très sérieuse de la violence : elle est quatrième au niveau de la violence contre
l’Église. Ensuite, toute la situation dans les pays d’Afrique sub-saharienne qui sont
vraiment devenus un nouveau champ de bataille pour l’Église : 18 pays africains dans
l’Index des persécutions. Et finalement le constat, c’est que dans les pays en faillite,
les pays en déliquescence, c’est là où l’Église est souvent persécutée.
Vous
avez parlé des pays africains. En 2013, il y a cinq pays africains qui sont entrés
dans le classement. Comment ont-ils évolué ? La première chose, c’est la Centrafrique
où les chrétiens ont subi de plein fouet l’invasion de la Seleka : les pasteurs et
les prêtres visés, les Églises détruites, les femmes violées. Donc, vraiment, une
attaque contre l’Église lors de l’invasion de la Seleka. Ensuite des pays comme le
Nigéria où dans le nord du pays, à cause de Boko Haram, les chrétiens vivent aussi
une violence extrême. C’est vraiment d’un côté jusqu’à l’autre de l’Afrique, toute
la ligne qui suit le Sahel, de partout, il y a des persécutions contre l’Église.
Quels
sont les pays qui sont sortis du classement ? Il y a trois pays qui sont sortis
des cinquante premiers pays : l’Azerbaïdjan, le Kurdistan et l’Ouganda. Mais en fait,
ce n’est pas parce que la situation s’est améliorée dans ces pays, c’est plutôt le
fait que d’autres pays sont entrés dans l’Index puisqu’on ne prend seulement que les
cinquante premiers pays. Mais la situation ne s’est pas améliorée pour ces trois nations.
Et en fait, si on regarde vraiment la situation autour du monde, on peut plutôt compter
une soixantaine de pays où l’on peut parler de la persécution.
Vous avez
donc remarqué dans cet Index mondial de persécution que l’islamisme est largement
responsable de la persécution endurée par les chrétiens. Est-ce que vous avez quand
même des exemples où la cohabitation entre les musulmans et les chrétiens se passe
bien ? Je pense par exemple à la Jordanie où pour l’instant, l’Église a une
place et on ne parle pas d’une persécution forte contre l’Église. En général, la cohabitation
entre l’Église et l’Islam est difficile. Elle est tolérée mais souvent mise en deuxième
place dans la société. Et la difficulté la plus grande, c’est pour les musulmans qui
quittent leur foi parce qu’il y en a qui veulent devenir chrétiens et qui vivent à
ce moment-là une persécution très difficile.
Après le printemps arabe dans
certains pays musulmans, vous avez parlé d’hiver chrétien. Qu’en est-il aujourd’hui
? Justement, la Syrie, qui est aujourd’hui à la troisième place de l’Index,
subit une guerre civile. Mais il y a une deuxième guerre au sein de cette guerre civile
et ce qui est très frappant et ce que nous apprenons de nos contacts dans le pays,
c’est que les islamistes vident souvent les quartiers chrétiens, vident les églises
et c’est une façon de vider le pays de la présence chrétienne qui est là depuis les
premiers siècles, depuis l’apôtre Paul. L’Église a vraiment l’impression qu’elle est
la victime par défaut, la victime silencieuse de ce conflit. Beaucoup de chrétiens
fuient le pays et la grande crainte c’est une situation similaire à celle que l’on
a vu en Irak : il y a une dizaine d’années, il y avait un 1 300 000 chrétiens et il
en reste aujourd’hui 250 000 à 300 000.
Et quel peut être le risque pour
un pays de voir partir ses minorités, comme c’est le cas en Syrie ? C’est un
risque comme pour tout pays. Il y a un pasteur égyptien qui m’a dit il y a quelques
semaines, en parlant de la situation en Égypte: « si l’Église en Égypte n’a pas
le droit d’exister et ne peut pas vivre sa foi dans la paix, ce n’est pas simplement
une tragédie pour l’Égypte mais il y aura aussi des conséquences pour l’Occident ».
Donc, c’est important pour tout le monde.
Justement, en parlant de l’Égypte,
elle est quand même à une place assez basse dans le classement. Comment peut-on l’expliquer
alors qu’il y a eu beaucoup d’évènements contre les chrétiens ces derniers mois ? Il
y a aujourd’hui quand même une certaine liberté puisqu’on ne regarde pas simplement
la violence contre l’Église mais nous regardons aussi d’autres facteurs comme la Constitution,
la liberté attribuée à l’Église elle-même. Donc, l’Égypte gagne une certaine place
à cause du fait que l’Église elle-même a la liberté d’agir en dehors des quatre murs
de l’église. Et par exemple, aujourd’hui, la Constitution est beaucoup plus favorable
pour les chrétiens. Donc, ces points positifs contrebalancent le fait qu’il y ait
en même temps de la violence contre les chrétiens.
Quelles pourraient être
les raisons qui peuvent expliquer la hausse de ces persécutions contre les chrétiens
? C’est difficile à dire parce qu’il n’y a pas une seule cause. Justement,
l’islamisme est un moteur mais il y a d’autres causes aussi. Il y a d’autres religions
par exemple en Inde, où l’Église souffre à cause de l’agression des hindouistes radicaux.
Le Sri Lanka est un pays qui est rentré pour la première fois cette année dans l’index
à cause du bouddhisme. Donc, l’islamisme n’est pas le seul moteur. Dans d’autres pays
comme la Corée du Nord, c’est la dictature paranoïaque et aussi simplement la criminalité.
En Colombie, l’Église souffre dans les régions qui sont sous le contrôle des farcs.
Et les narcotrafiquants sont en fait ceux qui attaquent et persécutent l’Église parce
qu’elle représente une force contre la criminalité.
Est-ce qu’on peut dire
que les chrétiens sont la minorité la plus persécutée dans le monde aujourd’hui ? C’est
vraiment l’impression que nous avons mais c’est toujours difficile de donner des
chiffres précis. Mais quand on compare nos chiffres avec ce que d’autres associations,
d’autres instituts de recherche disent ailleurs dans le monde comme le Pew forum,
c’est très évident que malheureusement aujourd’hui, c’est l’Église qui est la minorité
la plus persécutée.