Tunisie : l’égalité hommes-femmes dans la future Constitution
(RV) Entretien- L’égalité « sans discrimination des citoyens et citoyennes
». C’est ce que prévoit l’article adopté lundi en Tunisie, pour sa future Constitution.
Un texte unique dans le monde arabe. Il s’ajoute à d’autres concessions faites par
les islamistes d’Ennahda, majoritaires à l’Assemblée.
Des concessions obtenues
sous la pression de la société civile et de l’opposition laïque. Ennahda avait fait
scandale durant l’été 2012. Le parti avait annoncé vouloir introduire le concept de
« complémentarité » homme-femme. Confronté à une levée de boucliers, il avait finalement
renoncé à ce projet.
Le pays examine depuis la semaine dernière, au cas par
cas, les articles qui formeront le texte final. Il devrait être adopté avant le 14
janvier, jour du troisième anniversaire de la révolution qui a lancé le Printemps
arabe.
Audrey Radondy a interrogé Vincent Geissier. Pour ce chercheur à
l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman, cet article
est avant tout un symbole, mais qui a quand même son importance :
Ça va être
un principe constitutionnel, qui je dirais est à la fois un prolongement mais aussi
quelque chose porteur d’espoir pour l’avenir. Dès l’indépendance, la Tunisie est quand
même le premier pays à adopter un code de statut personnel, certes inspiré de la religion
mais extrêmement libéral, abolissant la polygamie, obligeant le mariage civil, abolissant
la répudiation. Mais il est vrai que c’est aussi une société méditerranéenne, c’est
une société où le poids des valeurs religieuses et conservatrices est très fort et
que de ce point de vue-là, la Constitution est un symbole fort et va produire des
effets juridiques concrets mais ne va pas avoir cette capacité à elle-seule puisqu’il
s’agit d’un texte pour former la société dans le sens de l’égalité homme-femme. Et
d’autre part, on sait que comme c’est un principe constitutionnel, les effets de droit
dans les jugements ordinaires seront réels. Et de ce point de vue-là, oui, ce n’est
pas simplement un article symbolique de la Constitution, c’est aussi un principe qui
est révélateur d’un certain état des mentalités dans la société tunisienne quant au
statut de la femme et de son rapport aux hommes mais aussi qui sera une base juridique
objective pour défendre, consolider le droit des femmes dans les années à venir en
Tunisie.
Photo : l'article 20 du projet de Constitution qui prévoit
l'égalité « sans discrimination des citoyens et citoyennes » a été adopté par 159
voix sur 169 votants