2013-12-18 19:41:24

Entretien exclusif - Le cardinal Marc Ouellet revient sur l'année écoulée au Vatican


(RV) Entretien - L’Eglise est vivante, elle est capable non seulement de se renouveler mais également de surprendre. Elle l’a prouvé en cette année 2013 où les évènements marquants et inattendus n’ont pas manqué. Il y a tout d'abord eu la renonciation du Pape Benoît XVI, le 11 février, un évènement historique et déterminant. Puis l’élection de son successeur.

Défiant tous les pronostics, c’est le cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio qui, le 13 mars, est apparu à la loggia de la basilique Saint-Pierre. Un pape venu « du bout du monde » qui, là aussi fait inédit, a choisi le nom de François.

Le cardinal Marc Ouellet, l’un des très proches collaborateurs de Benoît XVI, et qui vient d’être confirmé par le Pape François au poste de préfet de la Congrégation pour les évêques, nous livre sa vision de l’année écoulée et nous confie quelques clés de ce nouveau pontificat.

Il est interrogé par Hélène Destombes : RealAudioMP3

Quel a été le principal événement de cette année écoulée ?
La démission du Pape Benoît XVI a ouvert de grandes possibilités. C’est pourquoi je retiendrai que le grand évènement, c’est la démission du Pape, un geste vraiment nouveau. C’est la plus grande nouveauté dans l’histoire de l’Église qui témoigne d’une grande humilité et aussi d’une confiance en l’Esprit Saint pour la suite des choses. On doit être très reconnaissant au Pape Benoît XVI d’avoir ouvert cet horizon et d’avoir rendu possible toute la nouveauté du Pape François.

Je crois qu’il y a une continuité entre la première nouveauté et toutes celles que le Pape François a inaugurées. Quand je regarde l’année 2013, je vois que nous sommes vraiment en présence d’un grand tournant dans l’histoire de l’Église que je qualifierais de pastoral en regardant la figure du Pape François.

Comment s’opère ce tournant ?
Il a pris le nom de François, ce qui est un choix qui indique une réforme, mais une réforme par la sainteté, une réforme pas d’abord par des idées, mais par des gestes, des attitudes, des vertus et par une proximité au peuple de Dieu. La grande intention du Concile Vatican II a été l’aggiornamento de l’Église, le changement d’attitude de l’Église pour la pastorale du monde moderne. Je vois cela réalisé chez le Pape François qui ouvre comme un nouveau chapitre dans la réalisation du Concile Vatican II, dans ce que j’appellerai ce grand tournant pastoral. On le voit dans sa manière d’exercer le ministère pétrinien, il l’exerce vraiment d’une façon épiscopale, d’une façon pastorale.

La réforme réside dans cette manière de vivre l’Évangile, d’être chrétien ?
Je crois que c’est tout d’abord l’attitude-même du Pape François ; cette volonté d’établir un contact neuf, plus proche avec le peuple de Dieu. La première réforme, elle est là : aller au-delà de toutes les formes, de tous les protocoles pour établir vraiment un contact immédiat. En faisant cela, il donne aussi à tous les évêques un modèle de proximité pastorale, de recherche d’une présence pastorale qui soit chaleureuse, qui soit aussi miséricordieuse, qui apporte consolation et qui donne une nouvelle espérance.

Il y a là, dans l’attitude et dans les gestes du Pape François, une nouveauté et une promesse. Je crois aussi, plus largement, dans ce grand tournant pastoral, qu’il y a une volonté de promouvoir le dialogue et la participation. Je pense aux épiscopats, aux conférences épiscopales, aux différents conseils, même le collège des cardinaux. Il y a vraiment chez le Pape François un désir d’une nouvelle saison de participation et de dialogue à l’intérieur de l’Église et aussi, par rapport à toutes les autres réalités religieuses. Mais j’ajouterai que ce qui me semble très important dans l’année 2013, c’est la percée du Pape François dans l’opinion publique mondiale. Ça, c’est un évènement extraordinaire d’évangélisation.

Il a d’ailleurs été élu personne de l’année par le magazine américain Time...
Exactement, c’est un signe de cette influence, de ce besoin d’espérance qu’il y a dans l’humanité et qui a trouvé dans la figure du Pape François comme un point de référence. C’est une grande nouvelle, c’est une bonne nouvelle ! Je crois que nous devons tous nous en réjouir.

Depuis le début de son pontificat, il y a un véritable lien qui s’est créé avec les fidèles, un lien d’amour, peut-on même dire, un intérêt. Y a-t-il ce même intérêt au sein de l’Église, au sein de la Curie ? Comment est perçu son message et cette attitude surprenante ?
Je crois qu’il y a beaucoup de joie à constater la popularité du Pape. C’est une bonne popularité qui n’est pas simplement basée sur des choses superficielles. J’ai entendu beaucoup de commentaires, même de gens qui pourraient être surpris de certaines initiatives du Pape, mais qui se réjouissent de cette percée dans l’opinion publique, de cet accueil de la part du peuple de Dieu.

Evidemment, cela nous questionne et cela nous oblige aussi à des transformations de comportement. Le Saint-Père veut la réforme d’une certaine mentalité cléricale avec des ambitions ecclésiastiques ou des ambitions mondaines. Il combat ce carriérisme. Je crois que cela fait beaucoup de bien à tous les niveaux dans l’Église, en commençant par la Curie romaine. Nous sommes vraiment dans un moment de bénédiction et j’espère que le Saint-Esprit va lui donner la santé et la collaboration dont il a besoin pour porter en avant la réforme de l’Église et la nouvelle évangélisation.

Cette année 2013 a été, pour vous, marquée par ce passage du pontificat de Benoît XVI. Vous étiez l’un de ses très proches collaborateurs. Vous êtes aujourd’hui aux côtés du Pape François. Comment avez-vous vécu ce passage ? Comment êtes-vous en train de vivre ce changement, même s’il y a une continuité ?
L’adaptation a été relativement facile. La simplicité du Pape François et le fait que je le connaissais auparavant- nous étions des amis - rend notre collaboration hebdomadaire simple. Elle se fait en toute harmonie. C’est une joie pour moi de collaborer avec lui, de l’appuyer au maximum.

Je suis dans l’admiration de ces gestes et de cette capacité de susciter l’enthousiasme, l’accueil, la bienveillance de la part de beaucoup de personnes et de beaucoup de gens qui sont éloignés ou étrangers à l’Église. J’y vois vraiment un signe des temps. L’humanité a aussi besoin d’une figure paternelle, d’une figure qui soit proche et en même temps, qui soit une référence morale sûre mais qui soit chaleureuse et qui éveille l’espérance.

L’actualité vaticane de cette année 2013 a été particulièrement riche. Elle l’a été également au niveau international. Quels sont selon vous les dossiers les plus importants sur lesquels le Saint-Siège a pu avoir une influence, auquel il a pu être le plus sensible ?
Un des points les plus importants a été la grande convocation de prière et de jeûne pour la paix en Syrie et au Moyen-Orient. Je crois que cette initiative a fait une grande différence, même au plan de la politique mondiale. Il faut retenir cela pour que l’Église continue à être avocate de la paix dans le monde. Le beau témoignage qu’ont donné les papes Benoît XVI et François autour de l’encyclique Lumen Fidei est certainement un autre moment fort. L’Exhortation apostolique que le Saint-Père François vient de publier, qui donne vraiment le programme de son pontificat, retient aussi notre attention.

Mais certainement que le dialogue et la participation que le Pape souhaite autour des questions anthropologiques, des questions du mariage et de la famille est à l’intérieur de l’Église en particulier un point chaud, un point très important qui va polariser l’attention dans les deux prochaines années. Là, il y a beaucoup de travail à faire.

On l’a vu notamment en France avec le mariage pour tous.
Exactement, il y a comme une attente. Et des attentes sont créées. Il faudra vraiment faire une synthèse entre la tradition de l’Église et les nouvelles situations qui se sont créées depuis quelques décennies et qui demandent une attention pastorale renouvelée.







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