Dans une évaluation du Saint-Siège publiée ce jeudi, l'organisme du Conseil de l’Europe
Moneyval salue la mise en place d’un vaste arsenal législatif pour correspondre aux
standards internationaux en matière de transparence financière. Toutefois, le document
souligne la persistance de certaines insuffisances, notamment en ce qui concerne les
contrôles effectués sur les opérations de l’Institut pour les œuvres de religion (IOR).
Selon
un communiqué diffusé avec le rapport et l'analyse des progrès réalisés, Moneyval
« conclut qu’un vaste arsenal de mesures législatives a été mis en œuvre très rapidement
par le Saint-Siège pour corriger les insuffisances identifiées par le rapport de 2012
dans tous les domaines (…), même s’il reste certaines questions à traiter ».
Le
« rapport de progrès » du Saint-Siège a été adopté il y a quelques jours, au début
de la 43ème assemblée plénière du comité, qui se tient à Strasbourg, en France, jusqu'à
vendredi. Une longue note du Saint-Siège avait déjà mis en évidence les principaux
points positifs de l’analyse du comité, ainsi que les possibles recommandations formulées
par celui-ci en vue de la prochaine évaluation.
Passer de la théorie à la
pratique
« La structure juridique pour incriminer le blanchiment de
capitaux et le financement du terrorisme et confisquer le fruit de ces infractions
est en place et a été nettement améliorée, assure le communiqué, mais doit encore
être testée en pratique ». Moneyval salue également la mise en place de « processus
de contrôle (…) pour veiller à ce que les institutions financières sur le territoire
du Saint-Siège (y compris l’Etat de la Cité du Vatican) connaissent les détenteurs
de leurs comptes et appliquent toutes les mesures d’identification et de vigilance
à l’égard de la clientèle, conformément aux normes internationales en vigueur
», sous la supervision de l’Autorité d’information financière (AIF). Ces processus,
précise Moneyval, ont entraîné la fermeture de certains comptes et le signalement
d’un nombre significatif de transactions suspectes en 2013, en cours d’analyse par
l’AIF.
Evaluer les risques
« Les pouvoirs de l’AIF dans le
cadre de l’analyse des déclarations d’opérations suspectes sont désormais beaucoup
plus clairs », se félicite également Moneyval, qui se réjouit notamment « de
la restauration de l’autonomie de l’AIF en matière de négociations de protocoles d’entente
et de la conclusion de protocoles de ce type avec les cellules de renseignement financier
de six pays ». Toutefois, Moneyval « note que les ressources de l’AIF, en ce
qui concerne le traitement opérationnel de ses travaux d’analyse, ont besoin d’être
revues à la lumière des charges de travail actuelle et projetée ».
La
base juridique de l’indépendance des inspections, de la supervision ainsi que de l’imposition
de sanctions en matière de financement du terrorisme et du blanchiment d’argent «
a été clarifiée et renforcée », poursuit la note du comité, qui demande cependant
davantage de contrôle. Des inspections doivent encore avoir lieu à l’IOR et à l’Administration
du patrimoine du Siège apostolique (APSA). « Celles-ci devraient être menées au
plus tôt et inclure un test par échantillonnage des dossiers clients focalisé sur
les risques », souhaite Moneyval.
Le comité encourage également la publication
« des dispositions réglementaires relatives aux exigences d’intégrité et d’expertise
nécessaires pour les dirigeants des institutions financières, afin que l’AIF puisse
entamer une évaluation de leur capacité à jouer ce rôle et se pencher sur d’éventuels
conflits d’intérêts ».Conformément aux règles de Moneyval, le Saint-Siège devrait
présenter, d’ici à décembre 2015, une actualisation des mesures prises pour mettre
en œuvre les recommandations du comité. Au terme du processus, il pourrait ainsi être
inscrit sur la ‘White list’ des Etats vertueux.
Réformer en profondeur
Depuis
le début de son pontificat, le Pape François a poursuivi l’œuvre de réforme en profondeur
des institutions financières du Vatican, par la publication notamment de trois Motu
proprio et de nouvelles lois pour une clarification des compétences, dans un souci
de transparence. Quelques jours à peine avant la démission surprise du direction général
de l’IOR et de son adjoint, le Pape François avait également institué, le 26 juin
dernier, une commission chargée de l’informer sur les activités de l'IOR et d’harmoniser
les activités de cette institution avec la mission de l’Eglise. En juillet, il avait
ensuite créé une autre commission, chargée cette fois d’enquêter sur l’organisation
de la structure économique et administrative du Saint-Siège. Enfin, le 28 novembre
dernier, le souverain pontife avait choisi d’institutionnaliser le rôle de son secrétaire
particulier, le Maltais Mgr Alfred Xuereb, en faisant de lui son délégué auprès de
ces commissions.
René Brülhart, directeur de l’Autorité d’information financière
(AIF) s’est dit satisfait de l’évaluation de Moneyval sur les progrès du Saint-Siège
en matière de transparence financière. Dans une interview à Radio Vatican, René
Brülhart affirme que le Vatican a fait ses « devoirs ». Le chef de l’AIF assurenet
en outre que les inspections des instituts financiers du Vatican, requises par l’analyse
de Moneyval, sont d’ores et déjà programmées, afin de vérifier la bonne application
du nouveau dispositif législatif.