(RV) Témoignage - La Syrie vit son troisième hiver depuis le début de la guerre
civile. Un hiver rigoureux sévit cette année encore. Deux enfants syriens, dont un
bébé de six mois, seraient déjà morts de froid.
L’arrivée de la tempête Alexa,
qui balaie en ce moment la Syrie et les pays voisins, vient compliquer la situation,
notamment pour les centaines de milliers de réfugiés syriens. Dans les régions montagneuses
du Liban, dans la vallée de la Bekaa par exemple, ils sont des milliers à vivre sous
des tentes pliant sous la neige et par des température sous la barre des zéros.
Marie
Duhamel a joint par téléphone Kamal Sioufi. Il coordonne l’aide d’urgence auprès
des réfugiés pour la Caritas Liban :
Quelle
est la situation des réfugiées syriens dans cette tempête ? On a vraiment une
tempête que l’on n’a pas l’habitude d’avoir au Liban. Les températures passent en-dessous
de zéro, surtout dans les zones de haute-montagne, dans la plaine de la Bekaa et au
nord, dans des zones où les réfugiés syriens vivent dans des tentes. On est en train
de les aider autant que possible car ils sont dans une situation dramatique et vraiment
lamentable parce qu’il y a une bonne partie de ces gens qui n’ont pas consolidé leur
tente. On n’a pas eu le temps ni les moyens de les aider à consolider ni à leur fournir
des moyens pour se chauffer. L’année dernière, on a pu aider 1200 tentes mais
cette année, on a été pris au dépourvu. Durant la tempête, c’était difficile de se
déplacer et de venir en aide aux réfugiés mais nos équipes essaient d’être à leurs
côtés. Mais il faut malheureusement attendre la fin de la tempête pour reprendre notre
travail et une distribution et une consolidation des tentes. Malgré l’aide extérieure,
il est impossible de couvrir l’ensemble des besoins.
Quand vous dîtes que
la plupart d’entre eux vivent actuellement sous des tentes, avec des températures
aussi basses et la neige, que cela suppose-t-il en terme de conditions de vie ? Heureusement
que les réfugiés syriens sont habitués à supporter le froid dans leur pays. Ce n’est
pas le froid le plus gênant, ce sont les inondations parce qu’une bonne partie de
ces camps qui ne sont pas légaux, sont à un niveau inférieur à celui de la route,
ce qui fait que toutes les eaux de surface passent dans les camps. Il y en a un qui
a été inondé il y a quelques jours. Il y a une couche de boue de quarante à cinquante
centimètres d’épaisseur. Ce qui n’est pas pratique pour marcher.
Ce qui
veut dire que les réfugiés vivent dans la boue dans leur tente… Oui, une partie
vit dans la boue mais une autre partie est parvenue à se protéger en mettant quelque
chose par terre ou en maçonnant quelques pierres autour de la tente. Ce sont vraiment
des moyens de fortune. Mais cela ne concerne qu’un ou deux camps.
Vous
fréquentez ces réfugiés. Quel est leur état d’esprit ? la colère, un sentiment d’humiliation
? Le problème principal au Liban, c’est que même les Libanais n’ont pas les
structures suffisantes pour se protéger. Mais les Libanais ont au moins leur maison.
Pour les Syriens, le problème numéro un est le foyer même s’il y en a d’autres comme
la santé ou l’éducation. En ce moment, ils rouspètent, ils veulent avoir un foyer.
Nos équipes ont assisté à des agressions importantes de la part des réfugiés. Mais
on les comprend. Ce sont des êtres humains qui ont besoin d’aide et nous n’arrivons
pas à la leur apporter vu leur nombre qui ne cesse de croître et vu nos ressources
financières qui restent limitées. Je compare toujours cette situation à celle
des réfugiés irakiens. C’est tout à fait différent. Avant, le nombre d’Irakiens était
très réduit et les ressources financières étaient abondantes. En plus, le gouvernement
libanais ne veut pas s’impliquer. En fait, il n’existe pas puisqu’il n’y a pas de
gouvernement. Il n’existe aucune coordination au niveau de l’Etat contrairement à
la Jordanie où le gouvernement gère tout le côté social, regroupe les réfugiés dans
des camps sécurisés où ils sont aidés par des ONG. Chez nous, au Liban, c’est le HCR
qui s’en occupe mais lui non plus n’arrive pas à répondre à tous les besoins vu le
nombre de réfugiés et le flux de travail qu’il a.
Pensez-vous que la manière
dont la communauté internationale analyse ce conflit influe de manière négative sur
ces réfugiés ? Je ne sais pas pourquoi la communauté internationale crée des
guerres. Elle est en train actuellement de financer la reconstruction de la Syrie
et d’aider les réfugiés à se nourrir. A mon avis, il fallait d’abord arrêter la guerre
avant de réfléchir à savoir comment les aider. Ce qu’il faut faire c’est aider les
Syriens qui peuvent rester dans leur pays. Il faut qu’ils y restent parce qu’ici,
au Liban, ils n’ont pas de quoi vivre. Ils ont beaucoup de problèmes à tous les niveaux.
Je ne vois pas quel serait leur avenir au Liban, surtout que le pays qui compte officiellement
quatre millions d’habitants, abrite un million et demi de réfugiés syriens, un demi-million
de Palestiniens et autant de travailleurs migrants. Ce qui fait que dans quelques
mois il y aura autant d’étrangers que de Libanais. Les infrastructures au Liban
suffisent à peine pour trois millions d’habitants. Là, on assiste déjà à des problèmes
monstres, que ce soit au niveau des infrastructures ou de la présence syrienne qui
est permanente. Et on ne voit pas le bout du tunnel.
Y-a-t-il des choses
dont vous avez besoin qui puissent être utiles sur le terrain ? On a besoin
d’équipements de chauffage. Ensuite on a besoin de soins médicaux et surtout d’aide
en matière d’hospitalisation car il y a beaucoup de malades qui n’arrivent pas à entrer
dans les hôpitaux et à être soignés à cause des aides qui n’existent pas.