Désarmer et éviter les violences sectaires en Centrafrique
La tension est subitement retombée mercredi à Bangui après des journées explosives
marquées par des pillages, des lynchages et des appels à la haine entre chrétiens
et musulmans, et l'armée française a poursuivi méthodiquement le périlleux désarmement
des groupes armés.
Depuis Paris, le président français François Hollande s'est
engagé à mener à bien l'intervention armée en Centrafrique, jugeant que « ne pas
intervenir, c'était rester les bras ballants à compter les morts », à son retour
d'une brève visite à Bangui. Il a estimé que le déploiement de 1600 soldats français
était « essentiel face aux exactions, aux massacres ».
Bien que la tension
extrême des derniers jours a soudainement baissé dès mercredi matin dans la capitale
centrafricaine aux avenues et quartiers écrasés par la chaleur, des pillages ont eu
lieu dans la ville, les 48 heures précédentes.
Le père d'un des deux soldats
français tués lundi a d'ailleurs expliqué que son fils avait été témoin de scènes
de lynchage de miliciens musulmans désarmés par les militaires français. « Dès
que les soldats français désarmaient des miliciens musulmans, ils les voyaient se
faire lyncher par une foule de chrétiens, en pleine rue. Et l'armée ne pouvait rien
faire pour empêcher ça », a-t-il dit dans un entretien au quotidien français Le
Parisien.
Stéphanie, habitante de Bangui, a assisté à la destruction
d’une mosquée dans son quartier, cette semaine. Son témoignage, recueilli par téléphone
par Antonino Galofaro
Mercredi matin,
« les gens sont sortis massivement autour de chez moi », a raconté un habitant
du quartier de Ben Zvi, non loin de la Primature. « Les gens ont faim. Ils doivent
sortir », commentait un autre. Cette accalmie s'est confirmée au fil des heures.
Quelques taxis ont même recommencé à circuler dans la capitale toujours survolée par
des hélicoptères de combat français.
« Général » Séléka inhumé
Profitant
de ce répit précaire, les fidèles de la mosquée du quartier du PK-5, dans le centre-ville,
ont organisé un convoi funéraire pour aller inhumer seize d'entre eux à la sortie
de Bangui, ont constaté des journalistes de l'AFP.
Parmi les linceuls blancs
se trouvaient, selon eux, le corps d'un « général » de l'ex-rébellion Séléka, Mahamoud
Saleh, « tué » par les soldats français. Sur le terrain, outre le désarmement, les
soldats français ont désormais aussi pour tâche d'éviter une généralisation des représailles
contre les civils musulmans de la part d'une population chrétienne terrorisée pendant
des mois par les combattants de l'ex-rébellion Séléka, composée en majorité de musulmans,
parvenue au pouvoir en mars 2013.
Laurent travaille pour la Caritas centrafricaine.
Il raconte un désarmement par l'armée française, qu’il a vu à Bangui, mardi
Dans ce contexte,
le déploiement des forces françaises dans cette ancienne colonie, débuté la semaine
dernière, « durera le temps que les forces africaines prennent le relais »,
selon François Hollande, venu mardi soir à Bangui s'incliner devant les dépouilles
des deux soldats tués lundi, premiers morts de l'intervention française. « Il s'agit
de sauver des vies dans un pays où il n'y a plus ni Etat, ni administration, ni autorité,
de rétablir la sécurité », a ajouté le chef de l'Etat cité par la porte-parole
du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem.
La mission de la France en Centrafrique
est « dangereuse » mais « nécessaire » pour éviter « un carnage »,
avait souligné mardi le président Hollande lors de son étape à Bangui de retour de
l'hommage à Nelson Mandela à Johannesburg.
François Hollande a ajouté mercredi
s'être entretenu dans la capitale centrafricaine avec le président et le Premier ministre
de transition centrafricains, Michel Djotodia et Nicolas Tiangaye. « Il leur a
rappelé l'importance pour la France d'une transition politique rapide », a dit
la porte-parole du gouvernement, évoquant une situation humanitaire et sécuritaire
« catastrophique ». (Avec AFP)
Photo : dans les rues de Bangui,
la capitale centrafricaine, le mardi 10 décembre