L'historique poignée de mains entre Barack Obama et Raul Castro, la première publique
entre deux présidents américain et cubain depuis un demi-siècle, pourrait marquer
un nouveau pas vers un éventuel réchauffement entre les deux pays, selon divers analystes.
"Obama salue Raul: que cette image soit le début de la fin des agressions des
Etats-Unis contre Cuba", s'est empressé de souhaiter le site officiel cubain Cubadebate.cu
dans la légende de la photo des deux hommes, qui participaient en Afrique du Sud à
un hommage au défunt leader sud-africain Nelson Mandela. "C'est extraordinairement
symbolique, et il ne faut pas perdre cette opportunité, maintenant, le prochain pas,
c'est de commencer à discuter", a estimé le politologue cubain Esteban Morales, en
ajoutant: "Ce qui s'est passé est la marque que les deux pays sont prêts à négocier". "Il
ne faut pas exagérer une simple poignée de mains", a en revanche jugé le Cubain Arturo
Perez-Levy, de l'université de Denver, aux Etats-Unis, en rappelant que Bill Clinton
et Fidel Castro s'étaient "salués" en 2000 à New York - sans se serrer la main, selon
Fidel Castro - sans que pour autant il y eût ensuite un rapprochement entre les deux
pays. Cette première poignée de mains publique entre présidents des deux pays depuis
l'avènement de la Révolution à Cuba en 1959 a été accompagnée de quelques mots, selon
les images diffusées par la télévision sud-africaine.
Des relations diplomatiques
rompues depuis 1961
Alors que les deux pays ont rompu leurs relations diplomatiques
officielles en 1961 et entretiennent depuis une longue histoire d'hostilité mutuelle. Washington
impose depuis 1962 à La Havane un sévère embargo commercial et financier qui a été
renforcé au fil des ans. Cuba est inscrit sur la liste des pays soutenant le terrorisme
établie chaque année par le département d'Etat américain, aux côtés du Soudan, de
l'Iran et de la Syrie. Depuis quinze ans, Cuba dénonce la condamnation aux Etats-Unis
à de très lourdes peines de prison pour espionnage de cinq de ses agents, considérés
par La Havane comme des "héros de la lutte anti-terroriste". Et Washington réclame
la libération "sans condition" d'un sous-traitant du département d'Etat condamné à
Cuba en 2011 à quinze ans de prison pour avoir introduit du matériel illégal de transmission
satellite. Pourtant, depuis son arrivée au pouvoir, Barack Obama s'est efforcé
de procéder à un réchauffement des relations. Les voyages à Cuba des Américano-Cubains
sont facilités, et surtout les envois d'argent à Cuba ont été libérés, faisant de
ce poste d'entrée de devises le deuxième de Cuba, avec quelque 2,5 milliards de dollars
par an. Et depuis quelques semaines, Washington a multiplié les déclarations tendant
à réviser sa politique à l'égard de Cuba. S'exprimant devant des milieux anticastristes
à Miami le 9 novembre, Barack Obama avait estimé que les Etats-Unis devaient revoir
leur politique vis-à-vis de Cuba, tout en maintenant l'objectif d'aider à une libéralisation
de l'île. "Il faut garder à l'esprit que lorsque (Fidel) Castro est arrivé au pouvoir,
je venais juste de naître. Il est insensé de croire que les mesures mises en place
en 1961 sont toujours aussi efficaces aujourd'hui, à l'ère d'internet et de Google",
avait-il déclaré. "Nous devons réactualiser notre politique", avait-il ajouté,
en prônant une politique "créative" et "réfléchie" pour Cuba. Son secrétaire d'Etat
John Kerry avait salué une semaine plus tard "certains changements" à Cuba, tout en
soulignant que le régime communiste restait "une exception" dans le paysage démocratique
d'Amérique latine.
Raul Castro ouvert aux réformes et au dialogue
Depuis
trois ans, Raul Castro, qui a succédé à son frère Fidel en 2006, s'est efforcé de
réformer le système économique en introduisant des doses d'économie de marché et a
notamment libéralisé les voyages à l'étranger, qui ne sont plus désormais soumis à
une autorisation préalable. "Ces changements ne doivent toutefois pas nous faire
oublier la réalité autoritaire qui marque la vie quotidienne des Cubains", avait ajouté
John Kerry. En rappelant que Barack Obama était à la recherche d'un "nouveau commencement"
dans sa politique envers Cuba, John Kerry avait noté que "nos gouvernements trouvent
des thèmes de coopération sur des sujets d'intérêt commun". "Il s'agit avant tout
d'éviter toute confrontation inutile", a affirmé un haut diplomate américain pour
commenter cette nouvelle orientation de l'administration américaine.