L'ex-basilique de Sainte-Sophie à Istanbul au coeur d'une polémique
La polémique est repartie en Turquie quant à la destinée de la plus célèbre église
byzantine du monde, l’ex-basilique Sainte-Sophie, un des grands symboles de la chrétienté
à Istanbul. L’édifice est un musée depuis 1935 mais des groupes musulmans conservateurs,
appuyés par les dirigeants turcs, voudraient la transformer en mosquée. Le mois dernier,
à l’occasion de la fête de l’Aïd, l’imam de Sultahamet, avait demandé au gouvernement
dans son sermon faire revenir Sainte-Sophie au culte musulman. Le débat s’est encore
enflammé ces jours derniers lorsque le vice-premier ministre turc Bülent Arinç a relancé
le défi en qualifiant la basilique de « mosquée de Sainte Sophie ». Si Sainte-Sophie
redevenait une mosquée, cela remettrait en cause le statut du monument décidé par
Atatürk, le père de la République turque.
Le patriarche œcuménique de Constantinople
s'oppose au projet
Ouvertement hostile à un tel projet, le patriarche œcuménique
de Constantinople, Bartholoméos 1er a averti que si l’édifice doit être rouvert au
culte alors il faudra qu’il redevienne une église chrétienne, car il a été construit
en tant qu’église et pas en tant que mosquée. Le gouvernement grec s’est rangé aux
côtés du leader spirituel orthodoxe, qualifiant les déclarations des fonctionnaires
turcs d'insulte à la sensibilité religieuse de millions de chrétiens et incompréhensibles
de la part d’un pays qui déclare vouloir participer à part entière à l’Union européenne,
dont un des principes est le respect de la liberté religieuse. Le ministère turc des
Affaires Etrangères a rétorqué dans une note qu’il n’avait aucune leçon à recevoir
de la part de la Grèce en matière de liberté religieuse. Les attaques contre la laïcité
se multiplient dans la Turquie dirigée par les islamo-conservateurs de l'AKP. A l’approche
des élections de 2014, le premier ministre turc Recep Tayyip Erdoğan pourrait être
tenté, selon les observateurs internationaux, de satisfaire ses électeurs musulmans.
Récemment deux autres églises, l’une à Nicée, l’autre à Trabzon, ont été reconverties
en mosquées.
Un symbole pour la ville d'Istanbul
Sainte-Sophie
est le symbole d’Istanbul et son monument le plus visité. Sa coupole byzantine et
ses minarets ottomans dominent le Bosphore. Elle avait été construite comme basilique
au VIe siècle, puis était devenue une mosquée après la prise de Constantinople par
les Turcs en 1453. En 1934, Atatürk, fervent défenseur d'un Etat laïc, avait décidé
de désaffecter le lieu de culte pour «l'offrir à l'humanité». Il avait fait décrocher
les grands panneaux circulaires portant le nom d'Allah, de Mahomet et des califes
: Sainte-Sophie était devenu un musée. Les panneaux à la calligraphie arabe ont été
remis en 1951. Signe des temps, déjà en mai 2012, des manifestants avaient réclamé
que Sainte-Sophie redevienne un lieu de culte musulman.