Haiyan : le témoignage d'un humanitaire de retour des Philippines
Aux Philippines, près d’une semaine après le passage du typhon qui a dévasté le centre
de l'archipel, la population enterrent ses morts. De nombreux corps ont été placés
dans des fosses communes, c’est le cas notamment à Tacloban, une ville presque entièrement
rasée par Haiyan. Dans le même temps, l’aide internationale s’accélère, le porte-avions
américain George Washington est arrivé dans les zones ravagées et la Grande-Bretagne
a procédé à l’envoi d’un porte-hélicoptères.
Mais malgré les dons et envois
de matériel par de nombreux pays et organisations internationales, les rescapés manquent
encore cruellement de vivres, d’abris et de médicaments. Il y a donc urgence et
notamment en terme d’organisation selon Antoine Besson, rédacteur en chef du magazine
Enfants du Mékong, présente depuis 15 ans aux Philippines. Il vient de quitter les
Philippines après s’être rendu auprès des sinistrés. Hélène Destombes l'a joint jeudi
par téléphone.
Pour
effectuer un don à Enfants du Mékong : rendez-vous sur l'adresse donner.enfantsdumekong.com.
Radio Vatican : Quelle est la situation sur place ?
Antoine
Besson : Il y a beaucoup d’aide et de générosité venant de partout, mais une solution
n'a pas encore été trouvée pour la faire parvenir efficacement aux lieux sinistrés.
Je prends un exemple simple : Tacloban, dont on a beaucoup parlé, est une ville qui
a été très durement frappée et qui a connu des jours difficiles, notamment avec les
pillages du centre commercial par des personnes affamées et qui devenaient violentes.
On sait qu’il y a deux jours, un convoi de nourriture de la Croix-Rouge n’a pas pu
arriver à cause de ces violences. Il y a des zones qui sont encore délicates et
auxquelles on n'accède pas forcément. Maintenant, le gouvernement est en train d’organiser
les choses de manière à trouver une solution au plus vite. À Tacloban, sur l’île de
Leyte, on sait qu’aujourd’hui, il y a mille militaires qui sont là pour remettre de
l’ordre. Alors, même si toute l’aide ne peut pas encore arriver partout, c’est quand
même encourageant. Les choses sont de plus en plus organisées. Mais, tout ça prend
du temps et on a besoin de réseaux sur place et d’informations pour pouvoir agir correctement.
RV
: L’ONU a elle-même reconnue que l’aide humanitaire n’arrivait pas assez
vite. Vous avez pu le constater, au-delà même des problèmes d’organisation ?
A.B.
: Bien sûr. À Bantayan, frappée entièrement par le typhon, il y a une partie de
l’île qui est évidemment rasée et une autre partie qui est très endommagée. On parle
de 95 à 98% des habitations détruites sur cette île. Nous savons qu’il y a des initiatives
qui ont permis l'arrivée de nourriture sur l’île. Moi, j’y étais mardi et j’ai vu
des familles qui ne se nourrissaient encore que de bananes. Donc oui, l’aide met du
temps à arriver et c’est extrêmement problématique.
RV : Vous
avez donc rencontré plusieurs sinistrés. Quels sont les témoignages, les images qui
vous ont plus particulièrement marqués ?
A.B. : Ce qui m’a énormément
marqué dans ces rencontres, c’est ce que les Philippins appellent « leur résilience
». Nous, on appelle ça le fatalisme. C’est-à-dire que j’ai croisé des familles qui,
48 heures après le typhon, étaient en train de ramasser et de trier les débris de
leurs maisons totalement détruites pour en reconstruire une nouvelle. Ils étaient
déjà attelés à la tâche. Quand je leur demandais comment ils allaient faire, si ce
n’était pas prématuré de reconstruire avec simplement des débris, ils me répondaient
« de toute façon, on reconstruit notre maison pour la prochaine catastrophe ». Ce
qui est assez frappant, c’est que ce peuple est soumis à beaucoup de difficultés,
de catastrophes. Et en même temps, dans ces catastrophes, il y a une sorte d’espérance
assez folle. La plupart des personnes que j’ai rencontrées avaient la capacité de
me sourire dans des situations dramatiques : elles me racontaient qu’elles n’avaient
pas à manger, qu’elles n’avaient pas à boire mais elles ne pouvaient pas s’empêcher
de me proposer de rester pour partager leur maigre repas ou de m’offrir un verre d’eau
alors qu’ils n’en avaient pas suffisamment pour eux. C’est tout ça qui est extrêmement
frappant et touchant quand on les rencontre.
(Photo : des passants sur
une route près de Tacloban)