Typhon Haiyan : témoignage du père Godefroy à Manille
301 millions de dollars. C’est la somme réclamée aujourd’hui par l’ONU pour soutenir
les Philippines, ravagées par le Typhon Haiyan. Sur place l’aide humanitaire s’organise.
Les navires américains et britanniques sont en route vers l’archipel pour notamment
apporter de l’eau et de la nourriture. Quatre jours après la catastrophe, il est encore
difficile de saisir l’ampleur du cataclysme. Le dernier bilan officiel provisoire
du gouvernement fait état de 1.774 morts, mais les Nations unies ont évoqué la mort
possible de 10.000 personnes, dans la seule ville de Tacloban, capitale de la province
de Leyte.
Le Père Daniel Godefroy, est missionnaire à Manille, la capitale.
Il témoigne, au micro d'Audrey Radondy :
(Photo
: Des survivants marchant au milieu des ruines de la ville de Tacloban, dévastée ar
le typhon Haiyan)
Texte de l'entretien:
On comprend les
angoisses des familles parce que les nouvelles sont tellement dramatiques qu’on ne
sait pas qui est vivant et qui est mort. C’est vraiment la désolation. Après quatre
jours, après avoir vécu un drame épouvantable, les survivants sont complètement perdus.
Et on s’aperçoit que les secours d’urgence ont du mal à arriver sur place parce que
les infrastructures sont détruites, les routes sont complètement encombrées ou casées.
Les secours d’urgence au niveau de la nourriture, qui devraient arriver par camion
ont du mal à arriver jusque dans les endroits très reculés.
Quelles
étaient ces personnes qui vivaient dans la zone centrale de l’archipel ?
Ceux
qui ont été touchés sont ceux qui sont dans les conditions les plus précaires . Au
bord de mer, les maisons ont été complètement ravagées. Aujourd’hui, on voit dans
les images que ce sont des gens qui essayent de courir partout où des aides leurs
ont été portées, des gens qui essayent de ramasser les morts qu’ils trouvent : des
centaines et peut-être des milliers dans les différents endroits. La ville de Tacloban,
la capitale régionale de Leyte a été complètement ravagée, elle était vraiment sur
le chemin du cyclone.
Comment réagit la population qui n’a pas été touchée
?
C’est un peu la consternation. Et même le gouvernement est complètement
dépassé parce qu’ils n’ont pas les moyens prêts pour vraiment répondre immédiatement.
Heureusement, on espère aussi qu’il va y avoir une aide internationale qui va être
mise en place, mais ça prend du temps. On s’aperçoit que beaucoup de gens qui ont
tout perdu y compris leur maison, auront du mal à retrouver une vie normale. Il y
a un traumatisme très fort, d’autant plus qu’actuellement il y a un autre cyclone
qui se prépare et qui risque d’avoir à peu près la même trajectoire même si ce n’est
pas aussi violent que le précédent. Donc, les gens sont très angoissés. On voyait
toute à l’heure à la télévision des images de gens qui voulaient monter dans les
avions pour partir. En fait, c’est une réaction qui peut se comprendre mais qui est
irrationnelle et difficile à accepter.
Selon vous, est-ce que les gens
vont se mobiliser ?
Oui, parce que les philippins ont une résilience
impressionnante car ils sont habitués aux catastrophes. Il y a beaucoup de sortes
de catastrophes. Il faut savoir qu’il y a trois semaine, c’est presque la même région
où il y a eu le tremblement de terre qui a détruit aussi beaucoup de bâtiments. Et,
les gens surmontent les épreuves de manière assez impressionnante. Il y a aussi beaucoup
de gens qui se portent volontaire mais il n’y a pas de savoir-faire organisationnel.
Quand je pense à des catastrophes comme ça, je me dis « il faudrait qu’au niveau
de l’ONU, il y a des équipes qui soient immédiatement prêtes, des gens très compétents
qui peuvent aller sur place pour organiser des aides de manière rationnelle » parce
que c’est très difficile d’apporter des aides immédiates à des gens qui sont très
éparpillés, très désorganisés . Alors, l’Église a parfois des moyens d’aider. Un des
programmes de l’Église, c’est les communautés de base. Je ne sais pas si il y a des
Églises très fortes dans cette région mais quand elles existent, ce sont de petites
cellules de gens de voisinage qui se connaissent, ce qui facilite énormément l’entraide
entre les gens. Mais, on est vraiment très démuni et aussi un peu découragé devant
cette situation. On sait que même s’il y a de bonnes volontés, des aides qui sont
apportées, ça sera vraiment une goutte d’eau dans une immensité de souffrance et de
misère parce que les gens qui ont vécu ce traumatisme, ils vont porter ça toute leur
vie. Très souvent, après des catastrophes, il y a des groupes de parole qui se créent
car c’est un besoin. Souvent ils ne veulent pas parler mais c’est un besoin qu’ils
arrivent à exprimer, des souffrances qui restent trop enfermés en eux. Ça peut avoir
des conséquences dramatiques pour leur avenir.
Donc ensuite, il faudra
veiller à ne pas oublier ces populations.
Je crois qu’il ne faut pas
en rester là. Par exemple, des missions médicales dans des régions qui ont été très
éprouvées comme ça, insistent sur le fait qu’en même temps que l’aide médicale qui
est apportée, il y ait une aide à la parole, à la fraternité pour que des gens puisent
arriver à surmonter l’épreuve psychologique que cela a représentée. Quand on voit
la destruction terrible, on se dit « mais comment des gens qui sont dans la pauvreté
vont pouvoir même reconstruire leur maison ? Ils ont tout perdu ». C’est impressionnant.
En fait, s’il n’y a pas de programmes spéciaux qui sont mis en place par l’État pour
contrôler qu’ils soient vraiment au plus proche de la vie des gens qui sont dans cette
situation, on comprend très bien que le désir immédiat des familles est de fuir. Dans
mon quartier, il y a des exemples de gens que je connais très bien qui sont venus
à Manille après avoir vécu un ou deux typhons dans leur région qui avait tout détruit.
Donc, en fait, ils disaient « la seule solution, c’est de partir. » C’est une solution
de désespoir et en même temps, ça montre aussi que devant les difficultés, la pauvreté
et les épreuves comme les cataclysmes, la réaction naturelle, c’est de dire « il
faut que je quitte pour aller chercher une vie meilleure ailleurs. »