Les "deux poumons" du christianisme, selon le Cardinal Poupard
Les échanges entre le patriarcat orthodoxe de Moscou et le Saint-Siège se multiplient,
signe d’un réchauffement des relations. Ce mardi matin, au Vatican, le pape François
a reçu en audience le métropolite Hilarion, responsable des relations extérieures
du patriarcat de Moscou. Ce même jour, le cardinal Scola, archevêque de Milan, rencontrait
à Moscou le patriarche Kirill dans le cadre des commémorations du dix-septième centenaire
de l’Edit de Milan de l’empereur romain Constantin.
Toujours ce mardi, un
concert est organisé à Rome par la Fondation Urbi et Orbi, fondation rassemblant catholiques
et orthodoxes qui travaillent ensemble dans le domaine de la culture. Autre événement
à Rome, la présentation d’un livre de l’intellectuel russe, Sergueï Averintsev, auteur
de Verbe de Dieu et paroles de l’homme, publié dans une édition bilingue italien-russe
et préfacé par le métropolite Hilarion.
Le cardinal Paul Poupard, président
émérite du Conseil pontifical pour la Culture, participe à cette présentation, ayant
bien connu l’auteur aujourd’hui décédé. Il y a quelques jours, il était lui-même à
Moscou où il a rencontré le patriarche Kirill à l’occasion d’un symposium sur le thème
de « la responsabilité sociale corporative dans la sphère de l’enseignement ».
Dans
ce contexte d’intenses échanges culturels entre catholiques et orthodoxes, le cardinal
Poupard rappelle que ce rapprochement a été initié par le pape Jean XXIII, avant
de revenir sur ce qui rapproche les « deux poumons » du christianisme
Propos recueillis
par Xavier Sartre
(Photo: le cardinal Paul Poupard)
Jean XXIII, j’allais
dire le génie grammatical pour me faire entendre, de redonner la priorité au substantif
sur l’adjectif. Nous étions tellement séparés que nous avons oublié que nous étions
frères. En nous redécouvrant frères, nous sommes encore séparés mais comme toutes
les familles, il y a eu des brouilles. Pour les retrouvailles, il faut laisser le
temps au temps mais le temps est en marche.
Vous pensiez que ce premier
pas de la culture, de ce dialogue avant tout culturel peut amener justement à aborder
par après le débat plus théologique ?
Vous savez, je crois que tout
se fait de façon contemporaine. Tout cela marche ensemble. Et l’important, c’est qu’entre
les fidèles orthodoxes et les fidèles catholiques, nous n’avons pas de contentieux
fondamental au plan théologique. Nous partageons la même foi qui s’enracine dans la
même parole de Dieu, qui est donc irriguée par la Sainte Liturgie. Nous allons dans
notre vie quotidienne, dans le « gouvernement » pour prendre ce terme, cheminer de
façon différente et voir comment il y a comme de part et d’autre un rapprochement
dans nos manières différentes de cheminer. Du côté du monde orthodoxe, il y a maintenant
la reconnaissance de l’évêque de Rome comme le « primus inter pares », le premier
parmi les pairs. Certains avaient oublié que le Pape François s’est présenté au moment
même de son élection. Les cardinaux élisent l’évêque de Rome. Et l’évêque de Rome
hérite du ministère de Pierre. Donc, le point sur lequel nous avons à nous rapprocher,
c’est ce fait de la manière de vivre ce ministère. Pour les Églises orthodoxes, il
y a la grande importance de ce que nous appelons « la collégialité », le saint-synode.
Nous sommes tout au début du pontificat du Pape François mais dans sa manière de
gouverner, il a déjà posé des jalons très significatifs en ce sens, en instituant
cette commission des cardinaux et toutes les dernières dispositions sur la manière
de potentialiser le synode des évêques qui avait été créé par le Pape Paul VI. Paul
VI disait aux évêques « vous allez nous quitter. Hier, vous n’étiez pas là et nous
n’en souffrions pas. Et maintenant, nous ressentons un grand vide. Et donc, nous
ne pouvons pas avoir un concile permanent, pour le réconfort de votre présence, l’apport
de votre sagesse.