2013-11-12 16:18:43

50 ans de dialogue interreligieux. Entretien avec le cardinal Tauran


« Le Dialogue interreligieux dans l’enseignement officiel de l’Eglise catholique (1963-2013) » c’est le titre d’un imposant ouvrage de plus de 2 000 pages présenté ce mardi en Salle de presse du Saint-Siège. Un volume qui regroupe 909 documents des papes, de Jean XXIII à Benoît XVI, sur le dialogue interreligieux depuis le Concile Vatican II. Lors de cette rencontre avec les journalistes, le cardinal Jean-Louis Tauran a notamment récusé « l’idée très répandue selon laquelle Benoît XVI n’était pas très intéressé par le dialogue interreligieux ».

Le président du Conseil Pontifical pour le dialogue interreligieux a rappelé que durant son pontificat on compte « 188 interventions sur ce thème contre 591 durant les 26 ans de pontificat de Jean-Paul II ». Il a par ailleurs déploré que le dialogue entre chrétiens et musulmans soit avant tout un dialogue entre élites et n'arrive pas au niveau de la rue, et souligné que « même s’il y a des pas positifs ils ne se traduisent pas en lois ».

Le Père Miguel Angel Ayuso Guixot, secrétaire du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux, également présent lors de la conférence de presse, et le cardinal Tauran, se sont également attardés sur la création puis l’inauguration l’année dernière à Vienne du Kaiciid, le Centre international pour le dialogue interreligieux et culturel « Roi Abdallah Ben Abdelaziz pour le dialogue interreligieux et interculturel » fondé par l’Arabie Saoudite, l’Espagne et l’Autriche, avec le Saint-Siège en tant qu’organisme observateur et fondateur.

Ils ont affirmé qu’il était intéressant d’« exploiter ce canal » pour résoudre certaines situations, sans avoir peur de « dénoncer » les obstacles et annoncé que les 18 et 19 novembre prochain, le Kaiciid organisera à Vienne, en Autriche, une conférence destinée à sensibiliser les jeunes générations à avoir une image objective, honnête et correcte de l’autre en présence de plusieurs ministres de l’éducation du monde entier. « Le chemin est encore long a indiqué le père Miguel Angel Ayuso Guixot mais avec le pape François, il continue à travers le dialogue de l'amitié ».

Hélène Destombes a interrogé le cardinal Tauran. Il revient tout d’abord sur les pas significatifs accomplis ces 50 dernières années en matière de dialogue interreligieux RealAudioMP3

(Photo: la rencontre oecuménique d'Assise, le 27 octobre 2013)


Texte de l'entretien :

D’abord, c’est la rencontre au niveau de la base, sur le terrain, parce que le dialogue interreligieux ne se passe pas ici, il se passe dans les Églises locales. Et puis ces grands évènements comme la rencontre d’Assise, c’est très important aussi. Maintenant nous avons ce contact régulier avec différentes structures de dialogue en Lybie, en Égypte et j’espère bientôt en Irak. Tout ça crée un climat neuf et je crois que tous les croyants ont à s’unir pour d’abord vivre leur foi et ensuite se respecter et comprendre que quelqu’un qui ne croit pas comme moi n’est pas nécessairement un ennemi mais c’est un partenaire, un pèlerin comme moi vers la vérité.


Est-ce que certains pas plus que d’autres, ont accordé une place privilégiée au dialogue interreligieux ?


Le pontificat de Benoît XVI est très intéressant de ce point de vue-là parce que ça va crescendo. Et là, le Pape nous laisse un magister extraordinaire qu’il faut digérer non seulement dans le dialogue interreligieux mais aussi dans d’autres domaines.


Et comment le Pape François appréhende-t-il ce vaste et délicat dossier ?


Vous savez le Pape François, il y a trois ans, il était venu me voir et il m’avait demandé de lui indiquer où il pouvait envoyer un prêtre de Buenos Aires étudier l’arabe pour avoir quelqu’un dans son diocèse, capable de dialoguer avec les musulmans en connaissance de cause. Je crois que ça indique tout à fait son intérêt. D’ailleurs, dès les premiers jours de son pontificat, il a souligné cet aspect du dialogue interreligieux. Nous sommes condamnés au dialogue.


On parle beaucoup du dialogue de l’amitié. ..


Le dialogue de la vie. Oui, ça commence toujours par là. Vous habitez dans un immeuble, vous avez des voisins musulmans. Vous allez les voir pour le Ramadan, ils viennent vous voir pour Noël. Tout est là.


Au regard du chemin parcouru ces cinquante dernières années, certains observateurs évoquent un chemin à sens unique. ..


Effectivement, la plupart des initiatives de dialogue ont été prises par les chrétiens mais il y a ce Common Word, c’est la première fois qu’ils prennent une initiative, il faut soutenir. Il y a une question de culture. C’est quand même très compliqué. Il faut se rencontrer, se regarder, voir que finalement il y a beaucoup de choses qui nous rassemblent.


Pour l’instant, ça n’est qu’un dialogue entre élite.


Je dirais oui, malheureusement. Mais il faut insister. À l’école, l’éducation est très importante.


Vous attendez beaucoup du Kaiciid qui a été inauguré il y a un an ?


Moi, je suis un homme réaliste. Le bébé commence, il faut l’accompagner.








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