Commémoration de la "Nuit de Cristal" : l'antisémistime progresserait en Europe
L'Allemagne commémore ce weekend la « Nuit de Cristal », un pogrom contre les juifs
organisé par le régime hitlérien, il y a 75 ans, qui révéla au monde sa violence antisémite.
Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938, et toute la journée qui suivit, des commerces
tenus par des juifs furent saccagés dans tout le pays, des synagogues incendiées et
30.000 hommes arrêtés puis déportés. Ces violences firent 90 morts parmi la population
juive allemande.
« Le pire moment de l'histoire allemande, même si l'Holocauste
qui a suivi a été un évènement encore plus dramatique ». Samedi dernier, sur son site
internet, la chancelière Angela Merkel a appelé les Allemands à « faire preuve de
courage civique afin que ne soit tolérée aucune forme d’antisémitisme ».
Samedi
après-midi, le président allemand Joachim Gauck se recueille devant le mémorial de
la synagogue d'Eberswalde, près de Berlin, brûlée le 9 novembre 1938. Dimanche, le
ministre allemand de l'Intérieur prononcera un discours dans une synagogue du centre
de Berlin. Plusieurs dizaines de magasins de la capitale allemande apposeront durant
le week-end, sur leurs vitrines, un film plastique créant l'impression qu'elles sont
brisées, pour rappeler celles des commerces juifs saccagés par les nazis.
Un
juif européen sur deux redoute une agression verbale dans un lieu public
A
l’occasion de cette commémoration, l'Agence des droits fondamentaux (FRA) de l'Union
européenne a publié un rapport selon lequel trois juifs européens sur quatre, soit
76% d’entre eux, estiment que l'antisémitisme a progressé au cours des cinq dernières
années dans l'UE, en particulier par le biais de l'internet. Deux personnes interrogées
sur trois perçoivent l'antisémitisme comme un véritable problème, et ce sentiment
est le plus fort en Hongrie (91%), en France (88%) et en Belgique (88%), selon le
rapport.
Près de la moitié des personnes interrogées redoute une agression
verbale dans un lieu public, et un tiers craint une attaque physique. Mais pour 75%
d’entre elle, l'antisémitisme se manifeste essentiellement sur internet, et dans les
médias (59%).
Le président du Congrès juif européen, Moshe Kantor a appelé
les autorités compétentes à prendre les mesures nécessaires « afin de combattre réellement
ces manifestations avant qu'il ne soit trop tard ».
Vandalisme en France
ou politiques ouvertement antisémites en Hongrie
Certaines spécificités
apparaissent en fonction des pays. Ainsi en France, pour 78% des personnes interrogées,
l'antisémitisme s'exprime dans des actes de vandalisme contre les bâtiments, alors
que la moyenne européenne n'est que de 45%. « On nous demande de nous disperser rapidement
à la sortie de la synagogue, avec un service de sécurité important alors qu'à ma connaissance,
ce n'est pas nécessaire à la sortie des églises, ni des temples ou des mosquées »,
regrette une sondée française.
Pour 84% des personnes interrogées en Hongrie
(contre 44% en moyenne en Europe), l'antisémitisme est présent dans le discours politique.
Depuis avril 2010, le parti d'extrême droite Jobbik, ouvertement antisémite, dispose
de 43 des 386 députés au Parlement de Budapest.
Selon le rapport de la FRA,
82% des personnes interrogées qui se sont senties discriminées parce qu'elles étaient
juives, n'ont pas rapporté l'incident antisémite le plus grave aux autorités, 66%
estimant qu'une plainte ne servirait à rien. « Il s'agit là du constat le plus accablant
de l'étude. Les juifs européens ont une faible confiance dans l'exercice du droit,
dans le processus législatif ou judiciaire », a dénoncé Moshe Kantor.
L'antisémitisme
est un « exemple troublant » de la persistance de « certains préjugés à travers les
siècles », a dénoncé le directeur de la FRA, le Danois Morten Kjaerum: « Il n'a pas
sa place dans notre société d'aujourd'hui ».
L'enquête a été réalisée sur internet
de septembre à octobre 2012, auprès d'un peu moins de 6.000 Européens se définissant
comme étant de confession juive, et provenant de huit pays ( Allemagne, Belgique,
France, Grande-Bretagne, Hongrie, Italie, Lettonie et Suède) qui regroupent 90% des
juifs de l'UE.
L'Allemagne accueille actuellement la troisième communauté juive
d'Europe, derrière la France et la Grande-Bretagne, avec 200.000 personnes. Les juifs
étaient 560.000 en Allemagne à l'arrivée au pouvoir de Hitler en 1933. Mais, en 1950,
seuls 15.000 vivaient encore dans le pays. La communauté a connu un renouveau, après
la chute du Mur de Berlin, l'Allemagne offrant la possibilité aux juifs des pays de
l'ex-Union soviétique de s'installer chez elle. Avec AFP
Photo :
La municipalité a appelé les Berlinois à nettoyer les quelque 5.000 petits pavés dorés,
sur lesquels sont gravés le nom de juifs et la date de leur déportation, et qui sont
insérés dans les trottoirs berlinois devant leur ancienne demeure.