Communion des divorces-remariés : un débat délicat
Le débat sur l’interdiction de la communion des divorcés-remariés a refait surface
après les propos du pape François appelant les prêtres à plus de compréhension et
de miséricorde pour ces fidèles bien particuliers.
Pour le père Cédric Burgun,
enseignant-chercheur en droit canonique, il y aurait derrière les « revendications
» d'assouplissement à l'égard des divorcés remariés une double habitude chez les fidèles.
« Si nous ne communions non pas par droit, mais par amour et par respect du Seigneur,
communierons-nous si souvent ? Je ne veux pas revenir à près de 100 ans en arrière
où les gens ne communiaient pratiquement plus du fait de conditions trop strictes.
Mais avouons que nous sommes tombés dans l’excès inverse. »
Et par ailleurs,
insiste-t-il également, « nous sortons d’une période où le mariage à l’église était
une habitude. Aujourd’hui encore, nous voyons se présenter des jeunes qui demandent
la bénédiction d’un engagement qu’ils ne mesurent plus. Retour sur cette problématique
avec le père Burgun
Le
problème de la communion des divorcés-remariés est un problème plus global, c’est-à-dire
qu’on se focalise sur les divorcés-remariés mais j’ai un certain nombre de couples
de divorcés-remariés qui me disent : « vous savez mon père, nous comprenons bien la
position de l’Église »- tous ne comprennent pas cette position- « on souffre de voir
aussi que beaucoup de chrétiens communient sans précautions ». Moi, je me souviens
que le pape Benoît XVI, quand j’étais encore séminariste, avait appelé à un certain
jeûne eucharistique, c’est-à-dire que 200 enfants devaient s’abstenir de communier
pour se ressouvenir du don immense que le Seigneur nous fait et pour éviter de communier
par habitude. La communion des divorcés-remariés serait un sujet à aborder mais dans
un cadre plus global, comment est-ce que nous communions ? Est-ce que nous ne communions
pas trop souvent par habitude ?
Pourquoi, selon vous, y-a-t-il eu cette
banalisation de la communion ces dernières années ?
Pour plusieurs raisons.
La première, c’est qu’on est passé d’un excès à un autre. L’histoire est toujours
un mouvement de balancier. On est passé d’une époque fin 19°-début 20° où on ne communiait
plus du tout, c’est-à-dire qu’il y avait tellement de conditions strictes que les
gens ne communiaient plus. Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus avait eu l’autorisation
exceptionnelle de communier quasiment tous les jours, ce qui était une exception dans
le couvents de religieux. Et on est passé à l’excès complètement inverse où aujourd’hui
les gens communient n’importe comment- certaines personnes en tout cas, je ne vais
pas faire de banalisation. Du coup, on communie sans vraiment s’être distingué. Si
on veut être très honnête, entre les files de communion et les files de confession,
il y a une telle différence qu’on voit bien aujourd’hui « est-ce qu’on a vraiment
mesuré l’enjeu de ce que l’on fait quand on communie ? ».
Justement,
en quel état devrait être les fidèles qui réclament la communion ? Quelle sont les
règles de base qu’il faut observer pour communier ?
Elles sont claires,
elles sont rappelées par le catéchisme de l’Église catholique : s’être confessé depuis
pas trop longtemps, évidemment être baptisé dans la communion de l’Église et puis,
ne pas avoir sur la conscience un péché grave ou « mortel » comme on disait avant.
Or, aujourd’hui, la conscience du pêché grave et du péché mortel, ce sont les dix
commandements. Mais quelle conscience avons-nous de notre péché ? Est-ce que nous
faisons suffisamment contrition devant Dieu ? Est-ce que nous préparons suffisamment
notre cœur ? Et cela, ce sont les conditions de base. Mais aujourd’hui, beaucoup de
gens vont communier, quel qu’ils soient , alors qu’on ne se confesse quasiment plus,
en tout cas je parle pour ce qui est de la France. Et donc, là, il y a un véritable
problème de pédagogie, de catéchèse, d’accompagnement et de témoignage surtout parce
que je pense en tout cas que certaines personnes divorcées-remariées seraient moins
choquées de la position de l’Église si elles ne se sentaient pas pointées du doigt
comme si elles étaient les seules à pécher gravement. Dans l’Église, il faut qu’on
accepte de se reconnaître pêcheur.
Est-ce que cette impréparation avant
d’aller communier remet en cause le sacrement ? Pour employer une image plus terre
à terre, est-ce que ça n’abîme pas le sacrement ?
Oui, ça l’abîme. De
toute façon, c’est ce que dit déjà saint Paul dans la parole de Dieu. Alors, il le
dit de manière un peu forte pour secouer les consciences :il y a ceux qui communient
pour la vie éternelle et il y a ceux qui communient pour la damnation éternelle. Moi,
je suis persuadé et je me le dis en conscience à chaque fois que je célèbre la messe,
que le Seigneur nous demandera ce qu’on a fait de la communion. Et donc, le sacrement
ne porte des fruits que si on l’accueille avec des dispositions du cœur qui vont lui
faire porter des fruits. Accueillir n’importe comment le sacrement, ça serait le considérer
un peu comme un acte magique : « j’ai communié donc le bon Dieu est là, il m’a donné
sa grâce ». Mais les choses ne sont pas aussi simples que cela. On sait bien que dans
toute relation d’amour, il y a la question de celui qui donne- ça, c’est du côté du
bon Dieu- mais il y a aussi la question de celui qui reçoit. Or, un amour, ça se donne
mais ça se reçoit aussi.