Politique : les centristes présentent leur "Alternative"
Les deux figures du centre, Jean-Louis Borloo et François Bayrou ont officialisé leur
rapprochement, mardi après-midi. « L’Alternative », c’est le nom de cette nouvelle
alliance. Leur objectif est donc clair et affiché. Ils réclament leur place, au
moment où le PS est en difficulté, l’UMP toujours sans leader et le FN en progression.
Alors
qu’est-ce qui se joue derrière cette nouvelle alliance ?
Les explications
de Thomas Guénolé, politologue et maître de conférence à Sciences Po. Il
est interrogé par Audrey Radondy :
"C'est une
entreprise de réunification du centrisme français en premier lieu. L'UDI de Jean-Louis
Borloo, c'est le centre-droit, c'est-à-dire les idées politiques du centre en
étant allié avec la droite. Tandis que le Modem de François Bayrou, c'est l'extrême
centre, c'est-à-dire les mêmes idées politiques centristes mais en étant non aligné,
c'est-à-dire en étant allié à la carte, soit avec la droite, soit avec la gauche,
c'est selon les circonstances. Sur le fond des idées politiques, il faut bien comprendre
que le coeur de la pensée centriste, c'est la recherche du juste milieu, du compromis,
de l'équilibre de la conciliation."
Qu'est-ce qui fait que cette alliance
pourrait réussir ?
C'est un détail, mais en terme de marketing politique,
le nom "l'Alternative" est excellent. Le bon nom pour un parti politique, c'est
quand il désigne précisément ce que vous voulez incarner. Ensuite plus profondément,
la crise actuelle de l'UMP, qui par ailleurs à un stade de Lepenisation annoncé, cette
situation là ouvre un boulevard à un positionnement de centre-droit, capable de récupérer
la droite modérée, totalement hostile à toute compromission avec le FN.
Par
ailleurs, il y a tout un électorat qui a voté François Hollande par rejet de Nicolas
Sarkozy et qui avait aussi voté pour lui en 2007, car il estimait que Ségolène
Royal n'avait pas la compétence pour être présidente de la République. Donc cet
électorat peut être séduit tantôt par telle ou telle offre. C'est cet électorat qui
avait par exemple fait la percée d'Europe Écologie. Donc cet électorat pourrait
notamment choisir "l'Alternative" aux élections européennes de 2014, mais cela
suppose d'aller assez loin dans un positionnement de fédéralisme européen. J'ignore
à ce stade si "l'Alternative" défendra les États-unis d'Europe.
Et quelles
sont leurs valeurs communes et leurs divergences ?
Il n'y a pas de
divergence sur le fond. Les divergences sont toujours portées sur les choix d'alliance.
A partir du moment où François Bayrou a renoncé à la position d'extrême centre,
il n'y a plus de divergences. Les valeurs, c'est tout d'abord l'humanisme, certain
dirait le personnalisme démocratique chrétien de quelqu'un comme le philosophe Etienne
Borne. Ensuite les valeurs de pacte républicain, ce qui sous entend une absence totale
de compromission avec le Front national et les idées des extrêmes, d'extrême gauche
et d'extrême droite. Une écomomie sociale de marché, c'est-à-dire la réconciliation
entre un système économique libéral et la volonté d'obtenir le progrès social. Ce
qui est assez proche de la doctrine sociale de l'Église. Vous avez l'écologie, ça
c'est un apport de Jean-Louis Borloo. Vous avez aussi un parti pris pour la société
civile, comme les associations par exemple. Ça c'est un héritage de la démocratie
chrétienne d'ailleurs.
Est-ce que Jean-Louis Borloo et François Bayrou
ne risquent pas de se déchirer au fil des mois ?
Il y a une procédure
pour éviter ça, c'est la primaire. A partir du moment où il y a une primaire pour
désigner le candidat de "l'Alternative" à la présidentielle, l'heure de l'affrontement
est programmée et l'affrontement est codifié. C'est beaucoup plus simple qu'à l'UMP
ou c'est le déchirement permanent.
Est-ce qu'ils ont les mêmes attentes
vis-à-vis de 2017 par exemple ?
Il est clair que François Bayrou, a
très probablement la volonté d'être le candidat de "l'Alternative" à l'élection
présidentielle. Jean-Louis Borloo s'est beaucoup moins sûr, parce que lui a un parti
pris parfaitement assumé de stratégie parlementaire c'est-à-dire d'avoir le groupe
parlementaire le plus important au Parlement, plutôt qu'une stratègie présidentielle.
C'est une vraie différence entre ces deux hommes. Pour résumer, il y en a un qui vise
Matignon et l'autre qui vise l'Elysée.
(Photo : François Bayrou
et Jean-Louis Borloo, présentant leur nouvelle alliance, "Alternative")