20 ans après le génocide au Rwanda, qui a causé la mort de plus d'un million de personnes,
le travail de mémoire n’a toujours pas été fait, a affirmé Caritas Suisse le 31 octobre
dernier. La façon dont le gouvernement traite le génocide conduit à une représentation
unilatérale du passé et criminalise ceux qui mettent cette version en question, dénonce
l'œuvre d'entraide catholique. Caritas Suisse soutient les organisations qui promeuvent
la paix et incitent au débat sur le passé du pays. Le bilan du gouvernement rwandais
sous la présidence de Paul Kagame présente un double visage, affirme Caritas Suisse.
Une
histoire ambigüe et un bilan mitigé pour le gouvernement rwandais actuel
D'une
part, le gouvernement Kagame a réussi à remettre en état les infrastructures d’un
pays complètement détruit, d’autre part, il maintient la population dans la répression
et sous un contrôle absolu, assure l'œuvre d'entraide. Dans la version officielle
du génocide, les troupes du Front patriotique rwandais (FPR), qui forment aujourd’hui
le gouvernement, sont représentées comme les sauveurs et les libérateurs. En 1994,
ces troupes auraient réussi à mettre fin au génocide des Hutus contre les Tutsis et
à libérer le pays de l’hégémonie d’une élite composée de Hutus. Les tenants des versions
non officielles de l’histoire sont au contraire persuadés qu’au cours de ce processus
d’épuration, le FPR se serait livré à des massacres sur la population civile hutue.
Ils veulent savoir la vérité et réclament des comptes.
La remise en question
de l’histoire officielle est punie de l’emprisonnement à vie
La confirmation
de ce soupçon signifierait que la frontière entre bourreaux et victimes, entre Hutus
et Tutsis, n’est pas aussi claire que le prétend le gouvernement majoritairement composé
de Tutsis. Jusqu’ici, le gouvernement s’est toujours opposé, avec succès, au souhait
de la justice internationale d’examiner la situation de plus près. Il a proclamé que
la remise en question de l’histoire officielle constituait un délit pouvant être puni
d’emprisonnement à vie. Carla del Ponte, ancienne procureure suisse de la Cour pénale
internationale pour le Rwanda, a dû quitter son poste en 2003 à la suite de pressions
du gouvernement rwandais, soutenu par les Etats-Unis et la Grande Bretagne. La politicienne
rwandaise de l’opposition, Victoire Ingabire, a été pour sa part condamnée en 2012
à huit ans de prison. "Toutes deux ont fait les frais de cette politique", affirme
Caritas.
Le gouvernement rwandais veut se rendre maitre de l’histoire
Pour
l'œuvre d'entraide catholique, le gouvernement rwandais ne se contente pas de pratiquer
l’intimidation. Il a d’autres stratégies pour se rendre "maître de l’histoire" et
faire taire les critiques concernant sa légitimité. Caritas note entre autres que
le passé est édulcoré, en rebaptisant par exemple les noms de lieux et de rues. La
mauvaise conscience de la communauté internationale serait aussi constamment mise
à profit en insistant sur ses défaillances au moment du génocide.
Appuyer
les organisations de la société civile engagées dans la promotion de la paix
Dans
ce contexte, il est très important d’appuyer les organisations de la société civile
qui s’engagent dans la promotion de la paix, rappelle Caritas Suisse. L'organisation
le fait en soutenant depuis des années un réseau d’organisations régionales de veuves
et de jeunes ainsi que des organisations religieuses et non religieuses consacrées
à la promotion de la paix. "Un traitement biaisé du passé pourrait empêcher le
développement d’un cursus historique, et par là, d’une réflexion critique des jeunes
générations", conclut Caritas Suisse.