Au Vatican, le Liban rappelle l'importance de la famille
L’importance de défendre la famille, jusqu’au Liban. A l’issue de l’audience générale
mercredi, le Pape s’est vu remettre un document par un haut responsable libanais.
Parmi les fidèles place Saint-Pierre, le ministre des télécommunications, le chrétien
Nicolas Sehnaoui. Il a remis à François un recueil rassemblant toutes les lois libanaises
concernant la famille, les femmes et les enfants.
Le document vient d’être
édité en arabe sur l’initiative d’un comité sur la famille sous l’égide du conseil
des évêques. Le ministre libanais des télécommunications, Nicolas Sehnaoui,
a expliqué à Marie Duhamel pourquoi il est important de défendre la famille même au
Liban où celle-ci est traditionnellement unie :
« Il y a un
Comité sur la Famille sous l’aile du Conseil des Evêques qui suit un peu les affaires
de la famille et qui œuvre à cimenter la famille, à la renforcer. La famille, c’est
la société en petit. Et c’est la patrie en petit. Donc, si la famille tient et si
ces valeurs sont fortes et si elle est cimentée, on peut espérer que la société va
l’être et que le pays va l’être. Si elle faiblit, si elle est divisée, la société
est aussi touchée par les mêmes maux. Donc le travail sur la famille vise aussi à
renforcer la société, à renforcer la patrie. Ce comité s’attaque à tous les problèmes
qui touchent la famille. C’est lui qui a pris l’initiative de faire ce recueil pour
aider les familles libanaises et les femmes et enfants à connaître leurs droits et
obligations et à mieux se défendre en cas de problème.
Cela veut dire que
les femmes et les enfants sont menacés ?
Comme dans toutes les sociétés
du monde, ils rencontrent des défis importants et peut-être au Liban plus qu’ailleurs
à cause de la situation sécuritaire d’un côté et à cause de l’émigration économique
de l’autre. Les familles libanaises sont écartelées. Les parents éduquent leurs enfants,
payent leur scolarité, leur université. Puis ensuite ils s’expatrient pour trouver
du travail en dehors du Liban. Et avec le temps, ils reviennent de moins en moins.
Les parents prennent leur retraite et vieillissent sans leurs enfants. Les enfants
sont déracinés, ils quittent le pays et n’y reviennent plus souvent. Le Liban perd
sa force de vivre. C’est une société écartelée.
Et vieillissante aussi.
Mais là vous parlez de la famille plus généralement. Il n’y a pas aussi, puisqu’on
en parle, des questions comme on les connait en Occident : séparations, divorces ?
Certainement.
Dans des proportions différentes mais c’est un syndrome qui touche aussi le Liban,
bien sûr. La vie moderne amène ses défis. Et c’est vrai que la famille libanaise par
rapport aux familles occidentales tient mieux. Il y a encore des liens forts et il
y a encore des valeurs solides. Mais ce que je disais, c’est qu’effectivement les
défis auxquels nous faisons face ne sont pas les mêmes. Donc l’émigration qui touche
les jeunes libanais, c’est un symptôme bien spécifique et le combattre n’est pas simple
parce qu’il faut changer le modèle économique libanais- ce qui n’est pas simple non
plus avec ce qui se passe dans la région. La tempête politique, sécuritaire qui touche
aussi toute la région ne rend pas les choses faciles. Mais c’est la croix que nous
portons. Pour en revenir au cas des femmes et des lois qui les protègent,
il y a un grand décalage aujourd’hui au Liban entre l’homme et la femme au sein de
la famille ?
Les sociétés orientales en général sont des sociétés patriarcales.
Ces sociétés où l’homme domine- dans la loi il n’a pas nécessairement plus de droits-
mais dans la pratique, il a plus de droits. Donc faire prendre connaissance aux femmes
de leurs droits les aident à imposer cette égalité plus fortement. Les crimes d’honneur
par exemple, il y a toute une bataille qui a été faite au Parlement libanais pour
que les crimes d’honneur ne soient pas impunis ou en tout cas qu’il n’y ait pas des
raisons qui amoindrissent le jugement. Ils considèrent que dans le jugement, il y
a des raisons qui font que la peine devienne symbolique. Dans la nouvelle législation,
ça a été modifié. Mais il a fallu une bataille.
Et par rapport à ces problématiques,
est-ce qu’il y a une question confessionnelle ? Est-ce que la famille chrétienne est
plus en danger que la famille musulmane par exemple ?
La société chrétienne
est en danger, certainement plus que la société musulmane du fait de la démographie
et de sa taille. Mais la famille chrétienne plus que la famille musulmane, je ne pense
pas. Elles sont toutes en danger parce que finalement ce sont des vases communicants.
C’est vrai qu’il y a des micro-cultures mais en général il y a une culture libanaise
qui rassemble tout le monde. Donc c’est presque les mêmes syndromes qui se répandent
à vitesse variable dans toutes les communautés.
Au Liban, on a beaucoup
parlé des unions civiles ces derniers mois. En tant que chrétien comment est-ce que
vous vous positionnez par rapport à cela ?
Je pense que c’est important
pour l’intégration des chrétiens en Orient qu’il puisse y avoir des unions entre les
différentes communautés. Et le mariage civil est un des ponts qui permet ces unions.
Donc le permettre désenclave les chrétiens comme il désenclave aussi d’autres minorités.
Cela a une valeur en soi mais c’est vrai qu’il y a eu une percée à ce niveau mais
elle n’est pas suffisamment solide. C’est un peu un contournement qui a eu lieu pour
permettre à ce mariage civil d’avoir lieu.
La loi sur le mariage civil a été
présentée dans les années 90 et elle est restée dans le tiroir bien qu’elle ait été
adoptée en Conseil des ministres parce que le Premier Ministre libanais de l’époque
et ceux qui l’ont suivi refusent de l’envoyer au Parlement. Ce qui est d’ailleurs
à notre avis, une violation de la Constitution. Donc la loi sur le mariage civil n’a
jamais été votée. Le contournement qui a eu lieu, qui a permis ce mariage, je pense
que c’est une bonne nouvelle, c’est une bonne chose. Et c’est bien pour les chrétiens
de se désenclaver. Il est dangereux d’aller dans les modèles du ghetto où les communautés
deviennent hermétiques parce qu’à ce moment-là : comment appartenir au même pays ?
Comment sentir que nous faisons partie d’une même nation ? Comment se protéger les
uns les autres ? Comment bâtir le droit sur la personne quelque soit sa race, sa religion,
son ethnie ? Ça nous met dans un modèle qui ne peut qu’avoir des dérives dangereuses.
Donc oui, moi, je suis pour le mariage civil.
Mais est-ce que vous comprenez
que certaines personnes voient dans cette union civile un affaiblissement des identités
et du modèle libanais ?
Je ne pense pas, parce que le mariage religieux
est solidement ancré au Liban. On n’est pas dans le modèle français où les gens se
marient en civil sans se marier à l’Église. Au Liban, si les mariés sont chrétiens
ou si le marié est chrétien, il y aura mariage à l’Église. Le mariage civil, c’est
juste pour permettre quand deux personnes veulent vivre ensemble et veulent se marier
et qu’elles ne sont pas de la même religion qu’il y ait quand même une issue. Et
ça, ça crée des liens entre les différentes communautés qui sont appréciables, qui
aident à cimenter le pays. Je pense que dans notre cas précis, ca ne va pas du tout
nuire au mariage religieux. »