Les obsèques du criminel nazi Erich Priebke, annulées après des incidents, tournent
au casse-tête pour l'Italie qui commémore ce mercredi le 70e anniversaire de la déportation
des juifs de Rome. Dans la matinée de mercredi, la dépouille de l'ex-SS, décédé vendredi
dernier à l'âge de 100 ans, se trouvait à l'aéroport militaire de la capitale, à Pratica
di Mare. Ses funérailles religieuses, qui devaient être célébrées la veille par des
intégristes catholiques près de Rome, ont été annulées en raison de la présence de
néo-nazis.
"Nous avons été obligés de suspendre mardi les funérailles car il
y avait le risque qu'elles se transforment en meeting néo-nazi", a déclaré mercredi
matin à la presse le préfet de Rome, Giuseppe Pecoraro. "Il ne m'appartient pas de
décider ni de l'incinération ni du lieu de l'enterrement, mais nous travaillons maintenant
pour résoudre la situation de la manière la plus opportune", a ajouté le préfet de
Rome en espérant "résoudre la question dans la journée". Selon lui, "des contacts
ont été établis ces dernières heures avec l'Allemagne".
A Berlin toutefois
le ministère des Affaires étrangères a affirmé n'avoir pas "reçu jusqu'ici de demande
des autorités italiennes". Quant au ministère italien, également interrogé par l'Afp,
il affirme qu'il revient à la famille de déposer une telle demande.
Une
tentative avortée de funérailles chez les lefebvristes
Mardi, environ 500
manifestants antifascistes avaient protesté à Albano Laziale, devant le séminaire
de l'Institut Pie X, siège en Italie de la communauté intégriste fondée dans les années
80 par Mgr Marcel Lefebvre. L'arrivée du corbillard dans la petite ville d'Albano,
aux portes de Rome, avait été huée aux cris d'"assassin". La foule s'était agitée
à l'apparition d'un groupe d'une dizaine de néofascistes et la police était intervenue
pour éviter des dérapages. Au moins deux militants néo-nazi, armés de bouteilles et
de chaînes, ont été interpellés.
De son côté, la Fraternité Saint Pie X a
tenu à préciser mercredi qu'elle avait voulu célébrer cette cérémonie, "qui devait
se tenir sous une forme privée", par "piété chrétienne et miséricorde" et non "comme
un geste idéologique", insistant "sur son refus de toute forme d'antisémitisme et
de haine raciale". Mais l'on se souviendra de Mgr Williamson, membre de la Fraternité,
et négationniste déclaré.
Priebke est l'un des responsables du massacre des
Fosses Ardéatines à Rome, dont avaient été victimes 335 civils, dont 75 Juifs, en
1944, en représailles à une attaque au cours de laquelle 33 soldats allemands avaient
été tués. Il vivait depuis près de 15 ans dans la capitale italienne, assigné à résidence
au domicile de l'un de ses avocats, après avoir été condamné à la réclusion à perpétuité.
Le lieu de sa probable crémation puis de sa sépulture reste indéterminé.En début de
semaine, le Vicariat de Rome avait interdit des funérailles religieuses dans une église
de la capitale italienne. Ni l'Allemagne, son pays natal, ni l'Argentine où il a vécu
caché pendant plus de 40 ans, ni Rome ne veulent de la dépouille de l'ex-capitaine
SS.
Ce mercredi, Rome commémore le 70 ème anniversaire de la déportation
des juifs
Cette controverse a marqué la comémoration par l'Italie de l'une
des pages les plus sombres de son histoire. Le 16 octobre 1943, plus d'un millier
de juifs avaient été déportés dans des camps d'extermination. Seuls seize (bien seize)
en étaient revenus vivants. Lors d'une cérémonie dans la grande synagogue de Rome,
en présence du président Giorgio Napolitano, le maire de Rome, Ignazio Marino, a affirmé
qu'il n'aurait "pu supporter" que les funérailles de Priebke "se transforment en une
parade révisionniste". Pour lui, Priebke était "l'un des plus atroces nazis et négationnistes".
Sans
jamais prononcer son nom "pour ne pas profaner ce lieu sacré", le dirigeant de l'Union
des communautés juives en Italie, Renzo Gattegna, a rappelé que le commandant SS "n'avait
jamais exprimé de remords". Le président de la communauté juive de Rome, Riccardo
Pacifici, a remercié les autorités d'avoir refusé les funérailles du commandant SS,
et salué un premier pas la veille au sénat pour introduire dans la loi le délit de
négationnisme des crimes contre l'humanité et de la Shoah.
De son côté, le
pape François a appelé à ne pas oublier "l'indicible atrocité de la Shoah" et "ne
jamais baisser la garde contre le racisme et l'antisémitisme". (avec Afp)