Ce mercredi, pour la Journée Mondiale de l'Alimentation, le Pape a fait parvenir un
message au Directeur de la FAO, l'Organisation des Nations-Unies pour l'Alimentation
et l'agriculture. La faim n'est jamais "un fait inéluctable auquel on peut s'habituer",
écrit le pape François dans ce message où il dénonce "la culture du rebut" et reprend
les recommandations de la FAO contre le gaspillage. "Paradoxalement, à une époque
où la globalisation permet de connaître les situations de besoin, la tendance à l'individualisme
et à la fermeture sur soi semble croître: elle porte à une indifférence envers ceux
qui souffrent de malnutrition, comme si c'était un fait inéluctable.Faim et malnutrition
ne peuvent être considérées comme des faits normaux auxquels il faut s'habituer, comme
s'ils faisaient partie du système", écrit encore le Pape.
"Le gâchis des aliments
n'est qu'un fruit parmi d'autres de la culture du rebut. C'est un triste signe de
la mondialisation de l'indifférence qui nous fait lentement nous habituer à la souffrance
de l'autre comme si elle était normale", poursuit-il. Le Pape François demande "une
éducation à la solidarité", un changement concret des habitudes de vie, y compris
alimentaires, le maintien des personnes sur leurs terres, le soutien à la famille,
lieu de la "solidarité". "Les données fournies par la FAO, fait-il remarquer, indiquent
qu'environ un tiers de la production alimentaire mondiale est indisponible en raison
de pertes et de gaspillages toujours plus étendus. Il suffirait de les éliminer pour
réduire de manière drastique le nombre des affamés", fait valoir François.
Texte
intégral du message du Pape François pour la Journée Mondiale de l'Alimentation
La
Journée Mondiale de l’Alimentation nous amène face à l'un des défis les plus sérieux
pour l’humanité : celui de la condition de vie tragique dans laquelle vivent encore
des millions d’affamés et de sous-alimentés ,parmi lesquels beaucoup d’enfants. Cette
journée assume une majeure gravité à une époque caractérisée par un progrès sans précédent
dans les différents domaines de la science et d’une possibilité de communication croissante.
C’est
un scandale qu’existent encore la faim et la malnutrition dans le monde ! Il ne s’agit
pas seulement de répondre à des urgences immédiates mais d’affronter ensemble, à tous
les niveaux, un problème qui interpelle notre conscience personnelle et sociale pour
atteindre une solution juste et durable. Personne ne devrait être obligé de quitter
sa propre terre et son propre contexte culturel à cause d’un manque de moyens essentiels
à la subsistance ! Paradoxalement, à une époque dans laquelle la globalisation permet
de connaître les situations de besoin dans le monde et de multiplier les échanges
et les rapports humains, il semble que croît la tendance à l’individualisme et au
repli sur soi-même qui engendre un certain comportement d’indifférence- au niveau
personnel, des Institutions et de l’État-vers celui qui meurt de faim ou qui souffre
de dénutrition comme si cela était inéluctable. Mais la faim et la sous-alimentation
ne peuvent jamais être considérés un fait normal auquel on devrait s’habituer comme
si cela faisait partie du système. Quelque chose doit changer en nous, dans notre
mentalité, dans notre société. Que pouvons-nous faire ? Je pense qu’une étape importante
serait d’abattre avec décision les barrières de l’individualisme, du repli sur soi-même,
de l’esclavage du profit à tous les coûts et ceci pas seulement dans les dynamiques
des relations humaines mais aussi dans les dynamiques économico-financières globales.
Aujourd’hui plus que jamais je pense qu’il est nécessaire de nous éduquer à la solidarité,
de redécouvrir la valeur et la signification de cette parole aussi incommode et souvent
tenue à l’écart et faire qu’elle devienne un comportement de fond dans les choix au
niveau politique, économique et financier, dans les rapports entre les personnes,
entre les peuples et entre les nations. C’est seulement si nous sommes solidaires
de façon concrète, en dépassant les visions égoïstes et les partis pris, que l’objectif
d’éliminer les formes d’indigence déterminées par le manque de nourriture pourra finalement
être également atteint. Une solidarité qui ne se réduit pas aux différentes formes
d’assistance mais qui œuvre pour assurer qu’un nombre toujours plus grand de personnes
puissent être économiquement indépendants . Tellement d’efforts ont été faits, dans
plusieurs Pays mais nous sommes encore loin d’un monde où chacun peut vivre dans la
dignité.
2 . Le thème choisi par la FAO pour la célébration de cette
année parle de " systèmes alimentaires durables au service de la sécurité alimentaire
et de la nutrition". Il me semble de vous lire une invitation à repenser et à rénover
nos systèmes alimentaires, dans une perspective solidaire, en dépassant la logique
de l’exploitation sauvage de la création et en orientant au mieux notre engagement
de cultiver et de garder l’environnement et ses ressources afin de garantir la sécurité
alimentaire et pour se mettre en route vers une nutrition suffisante et saine pour
tous . Ceci comporte une sérieuse interrogation sur la nécessité de modifier concrètement
nos styles de vie y compris alimentaires qui dans tant de zones de la planète sont
marqués par la consommation, le gaspillage et le gâchis d’aliments. Les données fournies
sur ce sujet par la FAO indiquent que plus ou moins un tiers de la production alimentaire
mondiale est indisponible à cause de pertes et de gaspillages toujours plus vastes.
Il suffirait de les éliminer pour réduire de façon drastique le nombre d’affamés.
Nos parents nous enseignaient la valeur de ce que nous recevons et de ce que nous
avons, considéré comme un don précieux de Dieu.
Mais le gaspillage d’aliments
est seulement un des fruits de cette « culture du rebut » qui amène souvent à sacrifier
des hommes et des femmes aux idoles du profit et de la consommation ; un triste signal
de cette « globalisation de l’indifférence » qui nous « habitue» lentement à la souffrance
de l’autre comme si cela était normal. Le défi de la faim et de la sous-alimentation
n’a pas seulement une dimension économique ou scientifique qui concerne les aspects
quantitatifs et qualitatifs de la filière alimentaire mais a aussi et surtout une
dimension éthique et anthropologique. Nous éduquer à la solidarité signifie donc nous
éduquer à l’humanité : édifier une société qui soit véritablement humaine veut dire
mettre toujours au centre la personne et sa dignité et ne jamais la brader à la logique
du profit. L’être humain et sa dignité sont « des pilastres sur lesquels construire
des règles partagées et structurées qui, dépassant le pragmatisme ou la seule donnée
technique, soient capables d’éliminer les divisions et de combler les décalages existants.
( Cfr. Discours aux participants de la 38°session de la FAO, 20 juin 2013)
3
. Nous sommes à la veille de l’Année internationale qui sur initiative de la FAO sera
dédiée à la famille rurale. Ce fait m’offre l’opportunité de proposer un troisième
élément de réflexion : l’éducation à la solidarité et à un style de vie qui dépasse
« la culture de l’élimination » et met réellement au centre chaque personne ainsi
que sa dignité comme partie de la famille. De cette première communauté éducative
nous apprenons à prendre soin de l’autre, du bien de l’autre, à aimer l’harmonie de
la création et à profiter et partager ses fruits en favorisant une consommation rationnelle,
équilibrée et de développement durable. Soutenir et protéger la famille afin d’éduquer
à la solidarité et au respect est une étape importante pour se mettre en route vers
une société plus équitable et humaine.
L’Église catholique parcourt
ces chemins avec vous, consciente que la charité, l’amour sont l’âme de sa mission.
Que la célébration d’aujourd’hui ne soit pas simplement une commémoration annuelle
mais une véritable occasion pour nous provoquer nous-mêmes et provoquer les Institutions
à œuvrer selon une culture de rencontre et de solidarité, pour donner des réponses
adéquates au problème de la faim et de la sous-alimentation et aux autres problématiques
qui concernent la dignité de chaque être humain.
En formulant, Monsieur
le Directeur Général, mon souhait le plus cordial pour que ce travail de la FAO soit
toujours plus efficace, je vous invoque à vous et à tous ceux qui collaborent à cette
mission fondamentale la Bénédiction du Dieu tout-puissant.