CCEE : les chrétiens ont une Espérance que le monde recherche
L'Europe entre laïcité et laïcisme. Ce fut le thème central des discussions lors de
l'Assemblée plénière annuelle des Présidents des Conférences épiscopales d'Europe
qui s'est achevée le 6 octobre à Bratislava, ville choisie à l’occasion du 1150ème
anniversaire de l’arrivée des Saints Cyrille et Méthode sur sol slovaque. Pour représenter
le Saint-Siège, le Préfet de la Congrégation pour les Evêques, le Cardinal Marc Ouellet
et le Nonce Apostolique en Slovaquie, l’Archevêque Mario Giordana ont participé à
ces trois jours de réflexion.
Quel espace est aujourd’hui reconnu à la religion
en Europe ? Quel est dès lors le rôle des communautés religieuses dans les sociétés
des pays européens, qui se débattent entre laïcité et laïcisme ? Pour répondre à ces
questions, une enquête a été menée auprès des Conférences épiscopales. L’historienne
Emila Hrabovec en a présenté les conclusions qui permirent ainsi que les débats qui
ont suivi d'esquisser quelques tendances générales et de définir des perspectives
de travail.
La tentative de construire une image exclusivement négative
de l'Eglise
L’idée de laïcité, normalement acceptée comme étant la
séparation entre l'Eglise et l'État, n'exprime pas le même concept dans toutes les
cultures. Il existe d’ailleurs une grande variété de termes utilisés pour parler de
laïcité : neutralité, tolérance, séparation correcte, bienveillante, etc. Dans les
pays de l'Europe centrale et orientale, « le concept de laïcité est importé, étranger
à beaucoup de cultures locales » affirme le communiqué final de la CCEE.
L´archeveque
de Marseille et président de la Conférence épiscopale de France, Mgr Georges Pontier,
nous explique les défis que son pays doit affronter. Il est interrogé par Mario
Galgano
Il
est clair en tout cas que l'identité de la foi catholique a toujours misé sur cette
séparation entre Eglise et État. « Cela ne veut pas dire, précise le document, que
l'État se désintéresse du phénomène religieux ou bien qu'il doive y avoir une sorte
de religion d'État neutre et laïciste ».
Dans les domaines de l’éducation,
à l’université, dans les administrations, mais également enseignement de l'histoire,
l’historienne souligne qu’on remarque « souvent l'ingérence d'un certain laïcisme
et la tentative de construire une image exclusivement négative de l'Eglise et de la
foi », précise le communiqué final de la CCEE.
L’Eglise doit prendre
la parole, apporter l’Espérance
« La réponse de l'Eglise ne peut pas
être celle d'une fermeture qui la transformerait en une forteresse au sein de l'Europe
». Au contraire, les présidents des Conférences épiscopales d’Europe soulignent combien
les chrétiens ont une Espérance que le monde recherche. « Les chrétiens ont une claire
identité basée sur leur foi qui est vivante et qui réveille l'espérance (…) Les chrétiens
sont porteurs d'une expérience et d'un contenu de foi qui est intéressant pour tout
le monde » Les évêques européens ont exprimé leur conviction que cette espérance offerte
par l'Eglise est précisément ce que le monde cherche.
« Et cette même espérance
doit donner aux chrétiens le courage d'affronter les situations difficiles avec un
esprit d'ouverture aux questions que leur posent les personnes, en regardant avant
tout à la mission évangélisatrice de l'Eglise qui, en suivant Son Seigneur, se sent
interpellé par tout ce qui appartient à la vie de l'homme », expliquent les évêques.
Ils poussent ainsi à avoir une approche positive et des propositions à l'égard de
la réalité et des dynamiques sociales. L’Eglise doit consacrer une réflexion particulière
sur plusieurs secteurs prioritaires: la question de l'éducation, la pastorale des
jeunes, le thème de la pastorale de la famille et du soin de la famille, ainsi que
celui du chômage, notamment le chômage des jeunes.
Pour une laïcité
saine
Enfin, l’archevêques de Prague, le Cardinal Duka a d’ailleurs
souligné l'importance que l'Eglise participe aux débats publics, non pas pour défendre
des privilèges ou un espace au sein de la société, mais plutôt pour le bien commun
de l'Europe. Même si le monde d'aujourd'hui est sécularisé, cela ne veut pas dire
que l'Eglise ne dispose pas d'un espace dans lequel elle puisse s'exprimer. L'expérience
des régimes totalitaires que beaucoup de pays européens ont subi, pousse les fidèles
à ne pas vouloir avoir encore « une église du silence ».
En somme, pour les
Evêques, une laïcité saine garantit la liberté d'annoncer l'Évangile et la doctrine
sociale de l'Eglise, qui est la source du patrimoine d'espérance et d'humanisme qui
est à la base du tissu de la civilisation européenne.
Questions urgentes
: les chrétiens de Bosnie ou les drame de l’immigration
L’Assemblée
plénière de la CCEE est un lieu privilégié de rencontres personnelles où les présidents
des Conférences épiscopales peuvent partager leurs défis respectifs. Les Evêques ont
manifesté leur solidarité aux chrétiens de Bosnie-Herzégovine qui vivent une « injustice
non résolue » qui perdure. L'attention des Evêques a également été attirée par la
non application des décisions du tribunal de Bucarest concernant la démolition de
la part du maire de la capitale roumaine d'un grand immeuble qui a été construit à
côté de la cathédrale catholique de la ville. Un drame comme celui de Lampedusa (quelques
300 migrants ont perdu la vie jeudi dernier) ne doit plus se reproduire : « Les réfugiés
qui arrivent en Europe exige, de la part des Etats européens, une solidarité concrète
». Enfin, conséquence de la crise économique que traverse l’Europe : les communautés
chrétiennes reçoivent une telle quantité de demandes d'aide, qu'elles ne sont pas
en mesure de les satisfaire par manque de ressources. « L'appel à une plus grande
solidarité entre pays riches et pays pauvres a clairement retenti ».
Témoignages
venant du proche et moyen-Orient
Enfin, les participants ont écouté le
témoignage personnel de Mgr William Shomali, Evêque auxiliaire du Patriarcat Latin
de Jérusalem, qui a présidé une veillée de prière pour la Terre Sainte, ainsi que
celui de Sa Béatitude Ignace Youssif III Younan, Patriarche d'Antioche de l'Eglise
syriaque. Ils ont parlé de la situation dramatique au Moyen-Orient et en Terre Sainte,
ainsi que de la condition de grande souffrance que vivent les chrétiens, contraints
à abandonner leur terre. En ce qui concerne la situation en Syrie, les évêques espèrent
que les initiatives diplomatiques en cours soient efficaces et qu'il n'y ait pas d'hypocrisie
parmi ceux qui disent vouloir résoudre le problème. En union avec le Saint-Père,
les évêques demandent que la voie du dialogue soit empruntée avec plus de décision
et que, à la prière, s'ajoutent des décisions politiques qui puissent conduire à un
cessez-le-feu immédiat et à l'interruption de l'entrée d'armes dans le pays qui ne
font qu'alimenter la guerre.
Dans le message envoyé au Cardinal Péter Erdő,
le Président du CCEE, le Pape François a voulu exprimer toute son appréciation et
sa proximité à l'égard du travail que font les Conférences épiscopales en Europe,
notamment quant à la contribution qu’elles offrent à la réflexion sur le thème de
la laïcité et la promotion d'une culture « qui sache conjuguer foi et raison, vérité
et liberté, dans une harmonie constante ».