Le Président Napolitano sur Lampedusa: réagir face à l’horreur
"Journée de pleurs" en Italie ce vendredi après le naufrage de Lampedusa qui a sans
doute coûté la vie à quelque 300 migrants de la Corne de l'Afrique, ravivant le débat
sur la politique européenne d'immigration. Selon les autorités, le navire, parti de
Libye et qui a coulé tôt jeudi matin au large de la petite île sicilienne, transportait
450 à 500 migrants. Seuls 155 environ ont été sauvés, ce qui laisse craindre un bilan
d'environ 300 morts, dont des femmes et des enfants, pour la pire tragédie de l'immigration
de ces dernières années.
Cette dernière tragédie survenue à Lampedusa a profondément
touché le président de la République italienne, Giorgio Napolitano, qui a notamment
demandé à "l'Europe de stopper le trafic criminel d'êtres humains en coopération avec
les pays de provenance" et réclamé "la surveillance des côtes d'où partent ces voyages
du désespoir et de la mort".
Le président Napolitano a désiré approfondir ces
thèmes avec Radio Vatican. Un entretien réalisé par Alessandro Guarasci:
D.-
Monsieur le Président, la tragédie de Lampedusa est terrible. Selon vous, les normes
européennes et italiennes montrent des limites en ce moment? Faut-il voir plus loin?
R.-
Tout d’abord, il faut réagir et agir. Il n’y a pas de termes assez forts pour exprimer
notre sentiment face à cette tragédie. Le Pape François a dit « Honte », j’ajoute:
« Honte et horreur » et cependant nous ne pouvons pas seulement, à chaque fois, en
rester là à dénoncer ou à exprimer nos sentiments profonds du refus de la répétition
chronique de ces tragédies. Vous me demandez si c’est une question de normes: je crois
qu’il faudra rapidement vérifier quelles normes de lois constituent un obstacle à
une politique d’accueil digne de notre Pays et quelles normes de loi répondent à
des principes fondamentaux d’humanité et de solidarité. Si ces dernières années il
y a eu des choix qui ont introduit dans notre ordre juridique des normes qui empêchent
un déploiement plus clair de cette action de sauvetage et de solidarité humaine, celles-ci
doivent être modifiées. Pourtant, ce n’est pas seulement une question de normes:
c’est une question de moyens, c’est une question d’interventions, c’est une question
de responsabilités et cela ne peut être un questionnement seulement italien. Il doit
se poser également au niveau au moins européen.
D- Les habitants
de Lampedusa ont donné une grande preuve d’accueil. Vous avez été impressionné?
R.-
Je suis resté très impressionné par toutes les preuves d’accueil qu’ont données la
population de Lampedusa, de toutes les preuves d’accueil qu’ils ont aussi données
aux autres communautés lorsque, par exemple, nous avons eu ce geste généreux des baigneurs
qui se sont jetés dans l’eau pour recueillir les réfugiés qui risquaient de perdre
la vie cet été. ..Et puis, l’engagement fondamental de notre Marine Militaire et des
Gardes Côte, de notre Police des Finances, c’est-à-dire des Forces de l’État qui
s’engagent avec tous les moyens à leur disposition. Entretemps nous pouvons également
accroître les moyens à mettre à disposition de ces forces: il s’agit de plus d’hélicoptères,
de plus d’effectifs navals. Ensuite, je répète, l’engagement italien ne peut pas suffire,
il faut au moyen un engagement européen. Je dis au moins car une telle question
devrait toucher la Communauté Internationale. Il y a un tel enchevêtrement entre ces
flux de migrants et de demandeurs d’asile qui arrivent en Italie et dans d’autres
Pays européens et le cadre international, le cadre des situations et des conflits
dans diverses zones- nous sommes surtout proches, aujourd’hui, aussi bien du Nord
de l’Afrique que de la régtion de Syrie et des Pays limitrophes, qu’il faudrait avoir
une vision globale qui ne peut avoir son centre que les Nations-Unies. Il est nécessaire
d’avoir une politique européenne de l’immigration et de l’asile: je pense que nous
confondons trop souvent ces deux aspects. Il y a la personne qui cherche à atteindre
l’Europe et l’Italie pour trouver un travail et pouvoir mieux vivre- donc il fuit
certainement des conditions de vie difficiles- et puis il y a celle qui fuit dramatiquement
des Pays en guerre ou des régimes d’oppression.