Bangladesh : les islamistes en colère après la condamnation à mort de leur leader
Faut-il craindre de nouvelles violences au Bangladesh ? Mercredi 18 septembre, des
islamistes manifestent dans plusieurs villes du Bangladesh contre la condamnation
à mort d'un de leurs dirigeants, alors que la capitale Dacca et plusieurs autres villes
tournent au ralenti au premier jour de l'appel à la grève de 48 heures lancé par le
parti Jamaat-e-Islami. Les islamistes dénoncent la condamnation à mort par la cour
suprême du pays, du quatrième plus haut dirigeant de ce parti islamiste.
Agé
de 90 ans, Abdul Quader Mollai, avait été condamné en première instance, en février
dernier, à une peine de prison à perpétuité, en raison de ses conditions de santé.
Reconnu coupable de crimes pendant la guerre d'indépendance de 1971 par le très controversé
« tribunal international des crimes », un tribunal qui serait en partie contrôlé par
le parti au pouvoir.
Un verdict sans surprise pour Jéremy Codron, politologue
et spécialiste du Bangladesh au Centre d’Etudes et de recherches internationales
Sans
remettre en question l’implication des membres du Jamaat-e-Islami pendant la guerre
d’Indépendance du Bangladesh, Jéremy Codron, politologue et spécialiste du Bangladesh
au Centre d’Etudes et de recherches internationales, estime en effet que « les juges
sont soumis aux pressions du parti au pouvoir ». Ce procès et ce tribunal ne sont
qu’une « farce de justice », dit-il.
L’objectif du parti au pouvoir, qui achève
son mandat en janvier, est vraiment « de décapiter le Jamaat-e-Islami ». Il y a d’ailleurs,
confirme-t-il « déjà eu des verdicts similaires ». Le principal parti islamique représente
10 à 12% des électeurs et représente « une sorte de troisième force ». En s’alliant
au parti dans l’opposition, le BNP pourrait faire chuter la Ligue Awami aujourd’hui
au pouvoir.
Le Jamaat-e-Islami, une menace politique pour la Ligue Awami
Le
Jamaat-e-Islami représente une menace, mais ce n’est pas encore un réel pari d’opposition
au parti laïc de awami ligue. A l’instar d’Abdul Quader Mollai, plusieurs responsables
du parti du Jamaat-e-Islami ont été reconnus coupables de massacre alors qu’ils combattaient
aux côtés du Pakistan contre l’Indépendance du Bangladesh en 1971. Aussi, le parti
islamiste essaie-t-il depuis les années 70 de se débarrasser d’une réputation de «
collaborateurs » qui ont lutté « aux côtés des perdants ». « Il y a eu un processus
de légitimation du parti, d’un parti attaché à la nation bangladaise ». Il y a donc
eu un gain de popularité notamment auprès des étudiants.
Avec des verdicts
tel que celui prononcé mardi, « le gouvernement cherche à créer une polarisation dans
l’opinion politique et de renforcer la volonté de revanche des personnes qui sont
visées récemment ». Un bras de fer s’installe donc entre d’un côté, les partisans
du parti laïc au pouvoir, musulmans, mais favorables à une séparation de la religion
et de l’Etat et à une neutralité de l’Etat face à toutes les religions, et de l’autre,
les partis menés par islamistes de la Jamaat-e-Islami qui veulent une islamisation
de l’Etat et de la justice, comme avec l’instauration d’une loi sur le blasphème.
Pour
l’instant la laïcité de l’Etat bangladais n’est pas remise en cause et le Jamaat-e-islami
n’est pas encore un challenger pour le parti au pouvoir, mais les élections de janvier
prochain ne sont pas jouées pour autant comme l’explique Jéremy Codron, politologue
et spécialiste du Bangladesh au Centre d’Etudes et de recherches internationales
(Photo
: mercredi 18 septembre, des activistes du Jamaat-e-Islami à Dacca.)