Centrafrique : perpléxité autour de la dissolution de la Séléka
Le président centrafricain Michel Djotodia a annoncé vendredi soir, à l’issue d’une
réunion au palais présidentiel consacrée à la crise que traverse son pays, la dissolution
de la coalition de la Séléka. « A compter de ce jour, la coalition rebelle Séléka
et la Convention des patriotes pour la justice et la paix (CPJP, rébellion dont une
faction est alliée au Séléka) n'existent plus. Elles sont dissoutes » a-t-il déclaré,
avant d’ajouter : « tous ceux qui vont continuer à se réclamer de ces entités seront
considérés comme des bandits ».
Mais cette décision laisse perplexe dans la
mesure où la Séléka est composée de plusieurs groupes autonomes les uns des autres,
dont les hommes armés n’obéissent qu’à leurs chefs directs, sans coordination entre
eux et sans hiérarchie. Comment dans ces conditions imposer cette mesure alors que
la République centrafricaine est le théâtre de combats et d’exactions depuis que ces
anciens rebelles, dirigés par Michel Djotodia, ont pris la capitale, Bangui, le 24
mars, contraignant l’ex-président François Bozizé à fuir en France.
Une
décision qui n'a pas été prise légalement selon l'ancien président de l'ACAT
Bruno
Hyacinthe Gbiegba, avocat, conseil national de transition, ancien président de l’ACAT
Centrafrique salue cette décision car « c’était ce que tout le monde réclamait parce
que cette coalition était arrivée au pouvoir, il y avait eu beaucoup d’exactions et
de pillages et on avait souhaité que l’on puisse dissoudre cette coalition. Malheureusement
on a procédé à cette dissolution par décret. » Car au-delà de la volonté affichée
par le président Djotodia, cette mesure n’a pas été prise légalement selon l’avocat.
« Ce sont les responsables de cette association (la Séléka) qui auraient dû
se réunir et prononcer la dissolution. On ne peut pas dissoudre une association par
un décret » explique l’avocat. Le président Djotodia étant également chef de cette
coalition hétéroclite, « s’il n’y a pas d’autres voix qui s’élèvent, alors nous ne
pouvons que constater cette volonté du président de la Séléka » ajoute Bruno Hyacinthe
Gbiegba.
Une structure qui commençait à devenir embarrassante pour le président
Djotodia
Crédit est donc donné au président Djotodia de vouloir véritablement
dissoudre une structure qui commence à devenir bien embarrassante pour lui et qui
le gêne dans ses rapports avec la communauté internationale. Mais entre la parole
et les actes, il y a un monde dans un pays en pleine déliquescence, marqué par l’instabilité
et la violence. L’ancien président de l’ACAT Centrafrique estime cependant que le
président, maintenant qu’il s’est engagé, doit tout faire pour appliquer sa politique
: « c’est lui le président. Il doit se donner les moyens de faire respecter sa décision.
Quand vous êtes le président d’une structure, c’est vous qui avez l’autorité. C’est
à vous d’expliquer la pertinence de la décision » considère-t-il. « Nous ne devons
plus nous comporter comme des hors-la-loi » : voilà ce que Michel Djotodia devrait
dire à ses troupes selon maître Gbiegba.
L’enjeu est de taille : il s’agit
ni plus ni moins d’éviter « une somalisation » de la République centrafricaine. Pour
cela, les autorités de Bangui devront désarmer et contrôler les quelque 25 000 hommes
en armes, un chiffre « qu’il faut prendre avec des pincettes » prévient Bruno Hyacinthe
Gbiegba. Un recensement précis n’a pas été effectué, et ces estimations pourraient
être selon lui exagérées. Ce qui ne diminue pas pour autant l’ampleur de la tâche
qui attend Michel Djotodia s’il veut ramener l’ordre et la sécurité, afin de préparer
les prochaines échéances électorales.
(Photo : Des soldats de la Séléka à
bord d'un véhicule)