Le sommet de l’Organisation de coopération de Shanghai s’est ouvert vendredi à Bichkek,
la capitale du Kirghizistan. Il s’agit d’une alliance militaire euroasiatique dans
laquelle la Russie joue un rôle central. En marge de ce sommet, son président, Vladimir
Poutine, a reçu son homologue iranien, Hassan Rohani.
Ce dernier a notamment
déclaré attendre de la Russie de « nouvelles mesures » pour résoudre la crise autour
du programme iranien. De son côté, Vladimir Poutine a souligné qu’il espérait « une
coopération fructueuse avec l’Iran ». Une coopération qui pourrait se conclure notamment
par la vente à Téhéran, de puissants missiles aériens, selon une source russe citée
par le quotidien nationale Kommersant.
Alors dans le contexte de la
crise syrienne, que cherche Moscou en voulant vendre des armes à l’Iran ? Qu’est-ce
que cette rencontre nous apprend sur les relations russo-iraniennes ?
Les
explications d’Isabelle Facon, maître de recherche à la Fondation pour la Recherche
stratégique et spécialiste des politiques de sécurité et de défense russes. Elle est
interrogée par Audrey Radondy
« Ces dernières
années, les ventes d’armes à certains pays et notamment à l’Iran ont alerté les pays
occidentaux, les États-Unis en premier lieu, mais aussi Israël. Et c’est en partie
à cause de cette pression que la Russie a, à diverses reprises au cours des dernières
années, annulé ou suspendu des ventes d’armes. Sur le dossier nucléaire, il s’agit
de coopération nucléaire civile et je crois que maintenant tout le monde en Occident
considère qu’on ne peut pas parler de contribution de la Russie au programme militaire
iranien. Quant aux ventes d’armes, la question qui se pose c’est : est-ce qu’il s’agit
des missiles S300 que la Russie a refusé de vendre à l’Iran malgré l’existence d’un
contrat ? D’une façon générale, il s’agit pour la Russie de prendre position de manière
assez forte et symbolique grâce à des coopérations militaires, à un moment où la communauté
occidentale est un peu sur les charbons ardents concernant l’instabilité au Moyen-Orient
et évidemment, le dossier nucléaire iranien fait partie des grandes questions à ce
sujet.
Est-ce que Moscou veut faire rentrer l’Iran dans la crise syrienne
?
L’Iran est très bien rentré tout seul dans la crise syrienne et de différentes
manières. Sur le plan diplomatique, c’est vrai que la Russie et l’Iran ont toujours
affiché une solidarité sur les points principaux, à savoir qu’il s’agit d’une affaire
intérieure syrienne, qu’il ne doit pas y avoir d’ingérence extérieure dans ce dossier
et donc pas d’intervention militaire occidentale pour contribuer à régler cette crise.
Donc d’une certaine façon, ça rappelle la position de la Russie qui depuis le début
considère qu’à travers l’affaiblissement du régime de Bachar al-Assad, les Occidentaux
espèrent aussi se doter d’outils de pression pour atteindre l’Iran. Je ne serai pas
du tout surprise que la Russie réitère ce qu’elle a toujours dit sur le dossier syrien,
à savoir qu’une solution qui ne prendrait pas en compte le point de vue de l’Iran
ne serait pas une bonne solution. Qu’est-ce que cette rencontre nous apprend
sur les relations entre l’Iran et la Russie ?
Il y a une relation d’amour,
du moins d’intérêts mutuels bien compris entre les deux pays. Mais ce n’est pas une
relation sans tensions. Il y a par exemple, des désaccords sur le statut légal de
la mer Caspienne. Les Iraniens se sont souvent offusqués que Moscou malgré tout, est
toujours voté les sanctions contre l’Iran sur le dossier nucléaire iranien et du côté
des Russes, il y a toujours cette inquiétude que l’Iran ait un jour l’envie de fomenter
des actions déstabilisatrices dans le voisinage de la Russie, voir en Russie même.
Si vous ajoutez à cela que la Russie quoi qu’on en dise reste quand même attentive
aux avis d’Israël et dans une autre mesure de Washington, sur les ventes d’armes à
Téhéran, c’est une relation qui n’est pas simple. Mais c’est vrai que ce sont deux
pays qui se rejoignent sur la volonté de peser de manière forte dans le jeu international,
de défendre une autre vision du monde que celle que prône les occidentaux et deux
États qui se sentent sur la défensive par rapport à l’interventionnisme présumé des
pays occidentaux. Et ça c’est vraiment un élément de solidarité suffisamment fort
sur le plan politique entre Moscou et Téhéran. (avec agences)
Photo
: Première rencontre entre le nouveau président iranien Hassan Rohani et le président
russe Vladimir Poutine