Musulmans et chrétiens contre l'extrêmisme, le terrorisme et la violence
Musulmans et chrétiens ont été invités à combattre ensemble l'extrémisme, le terrorisme
et la violence, lors d'une importante réunion rassemblant quelque 70 patriarches,
délégués patriarcaux, évêques, prêtres et autres responsables des communautés chrétiennes
de la région, les 3 et 4 septembre 2013 à Amman, la capitale de la Jordanie. Cet échange
s'est tenu à l’initiative du roi Abdallah II de Jordanie.
Voulu par le souverain
jordanien, ce sommet intitulé "les défis des chrétiens arabes", a permis à l’ensemble
des représentants des diverses communautés chrétiennes de tous les pays de la région
moyen-orientale de s’exprimer et de bénéficier d’une tribune médiatique sans précédent
dans le monde arabe en cette période particulièrement troublée.
Les chrétiens,
facteur de stabilité
Le débat a été conditionné par les conflits syrien
et israélo-palestinien. Malgré ce contexte, le cardinal français Jean-Louis Tauran,
s’est dit frappé par la liberté de parole qui régnait lors des discussions.
Pour
le roi Abdallah II de Jordanie, les chrétiens participent à la stabilité de la région,
mais ils ne sont pas au service de l’Occident.
Lors de sa visite, le président
du Conseil pontifical pour le dialogue interreligieux a défini trois priorités : ne
pas vivre côte à côte, mais les uns avec les autres, poursuivre le dialogue interreligieux
et, enfin, mettre un terme aux violences, notamment celles tournées vers la religion.
Le
cardinal Jean-Louis Tauran a été reçu par le roi qui s’est défini, selon les mots
du prélat, comme « protecteur des chrétiens », avec une attention particulière pour
leurs aspirations et leurs difficultés. Le roi, qui a décoré le cardinal de l’Ordre
de la Renaissance.
Ensemble, ils ont insisté sur le caractère arabe des chrétiens
du Moyen-Orient. Le cardinal a invité ces derniers à avoir le courage de rester sur
place : « les chrétiens ont besoins de se sentir respectés », ils seraient ainsi «
plus motivés » à participer à la construction de la société. « La paix est une valeur
commune à toutes les religions », a conclu le cardinal Tauran.
"Le terrorisme
n'a pas de religion"
Les responsables chrétiens ont souligné qu'il y avait
une nécessité urgente de faire savoir que les chrétiens arabes ne dépendent pas "d'agendas
politiques" et de la vision qu'a l'Occident de la région du Moyen-Orient, peut-on
lire le 5 septembre dans le quotidien jordanien anglophone en ligne "The Jordan Times".
Ils
ont relevé que "le terrorisme n'a pas de religion", insistant sur le fait que musulmans
et chrétiens devraient se lever ensemble face à tous les appels ou les groupes qui
promeuvent le radicalisme religieux et l'étroitesse d'esprit, alors que la pluralité
dans le monde arabe est l'un de ses plus forts atouts. L'occupation par Israël et
l'activité permanente de colonisation des territoires palestiniens est une cause de
violence et d'extrémisme dans la région. Elles sont susceptibles de conduire au radicalisme
et à la violence dont les chrétiens sont devenus victimes dans certains pays arabes,
relève "The Jordan Times".
Theophilos III, patriarche orthodoxe de Jérusalem
et de toute la Palestine, a souligné pour sa part que la coexistence est "l'essence
de la vie dans la région". Il a insisté sur le fait que les chrétiens arabes étaient
natifs de la région, notant que la menace ne vient pas de la diversité mais de la
violence et de l'extrémisme, et des tentatives de porter atteinte à la liberté de
culte. Pour le patriarche orthodoxe, c'est le dialogue, et non la guerre ou la violence,
qui sont la clef de la résolution des conflits dans la région.
Parmi les
personnalités présentes, le cardinal Tauran, président du Conseil pontifical pour
le dialogue interreligieux, représentait le Saint-Siège. Le patriarche grec-orthodoxe
d’Antioche, Yohanna X al-Yazigi, ainsi que le patriarche latin de Jérusalem Fouad
Twal, ont également participé ce sommet. Mgr Fouad Twal s'est dit reconnaissant au
roi Abdallah et à son frère, le prince Ghazi, conseiller pour les affaires religieuses
et les droits culturels, d’avoir invité les chrétiens à venir à Amman. "Le roi de
Jordanie et la famille hachémite ont le titre de custode des Lieux Saints musulmans
et des Lieux chrétiens du patriarcat grec-orthodoxe", rappelle le patriarche latin
de Jérusalem.
Les chrétiens de la région vivent dans l'angoisse
"Nous
avons tellement besoin de cela: nous sommes dans un moment critique, nous vivons dans
l’angoisse. L’appel du roi Abdallah est complètement en notre faveur", a-t-il déclaré
à Radio Vatican.
"Le roi de Jordanie est de notre côté, il n’y a aucun danger.
Nous tous, les patriarches, nous avons eu le courage de parler de tous les défis,
de parler de modifier la Constitution des pays arabes disant que la charia (le droit
islamique, ndr) et le Coran en sont à l’origine, de demander des amendements pour
que les chrétiens se sentent chez eux, se sentent citoyens comme tous les autres,
avec tous les devoirs et les droits inhérents, d’obtenir l’accès aux grands médias
pour les chrétiens comme pour les autres, ce qui ne leur est pas accordé au Proche-Orient".
Le
courage d’exprimer les problèmes publiquement
Le patriarche Fouad Twal
salue le fait que les participants ont ainsi eu "le courage de dire les choses que
nous avons tenues dans notre cœur pendant tant d’années, sans avoir eu le courage
de le dire en public".
"J’espère maintenant que cela va passer dans les médias,
que cela va arriver dans les écoles". Les chefs des Eglises d’Orient ont ainsi exprimé
au grand jour leurs inquiétudes et leurs espoirs. Si, comme le rappelle Fouad Twal,
les chrétiens réussissent à trouver l’oreille des responsables musulmans, il reste
encore à toucher la base, "la rue, l’opinion publique". "Cela demande toute une éducation,
un programme dans les écoles, une collaboration entre les églises et les mosquées,
mais ce n’est pas si facile", reconnaît le patriarche latin de Jérusalem.
La
protection des droits des chrétiens dans le cadre des conflits à matrice religieuse
qui déchirent le Moyen-Orient "n’est pas une question de courtoisie, mais un devoir",
parce que "les chrétiens arabes ont joué un rôle clef dans la construction des sociétés
arabes et dans la défense des justes raisons de notre nation", avait déclaré le roi
Abdallah II de Jordanie aux participants de la conférence d'Amman intitulée portant
sur "les défis des chrétiens arabes". (apic/radvat/fides)
(Photo: à Beyrouth,
le 23 août, à l'initiative de la Croix Rouge libanaise, musulmans et chrétiens ont
allumé des bougies pour la paix en Syrie)