Entretien - La semaine dernière, les Nations unies, ont à nouveau accusé le
Rwanda d’ingérence dans le conflit en République démocratique du Congo (RDC). L’ONU
a déclaré avoir des « informations crédibles et cohérentes » sur un soutien de l’armée
rwandaise aux rebelles du M23.
Pourquoi le Rwanda veut-il contrôler
la province du Nord Kivu ?
Pour Michel Luntumbue, chercheur au Groupe
de recherche et d’information sur la paix et la sécurité, dans le secteur « Conflit,
sécurité et gouvernance en Afrique », deux raisons peuvent l’expliquer : « initialement
c’était pour des raisons sécuritaires, pour contrer la présence de l’opposition armée
des Hutus installée dans l’est du Congo. Le Rwanda craignait qu’ils s’organisent à
partir de la RDC pour reconquérir le pouvoir au Rwanda. L’autre volet c’est l’exploitation
des ressources naturelles ».
Parmi ces ressources il y a le minerai. En 2011,
selon la banque centrale rwandaise, l’exportation minière a rapporté environ 50 millions
d’euros à l’Etat, devenant ainsi la première source de rentrée de devises, dépassant
pour la première fois, l’exportation du thé, qui a toujours été le premier secteur
d’exportation.
« Dans un contexte d’affaiblissement, le gouvernement congolais
n’est pas en mesure de garantir l’intégrité territoriale, ni la souveraineté économique.
Les ressources du Kivu trouvent un nouveau circuit de sortie essentiellement vers
le Rwanda et l’Ouganda. Donc le Rwanda tire des intérêts évidents, économiques, dans
cette ingérence en RDC », explique Michel Luntumbue.
Kigali rejette les déclarations
de l’ONU et accuse la RDC de viser des civils sur son territoire. Le jeudi 29 août,
après des chutes d’obus sur Goma, la ville de l’Est de la RDC et la ville voisine
de Gisenyi au Rwanda, Kigali a dénoncé un bombardement « inacceptable », accusant
comme elle le fait régulièrement, la RDC de viser les civils.
Le Rwanda
a promis de se défendre si besoin
Mais pour le chercheur du Groupe de
recherche et d’information sur la paix et la sécurité, « le Rwanda aujourd’hui n’a
plus les mains libres comme par le passé. Et Paul Kagame, le président rwandais, se
sert un peu de la tension régionale et de la question du Kivu comme un moyen de briser
l’isolement dans lequel il est de plus en plus. Il a de moins en moins de marge de
manœuvre aujourd’hui, du fait du tiédissement du soutien dont il disposait jusque-là.
Je ne crois pas à une confrontation directe sur le terrain parce que le contexte est
différent et encadré plus que jamais par la Communauté internationale ».
Que
faudrait-il faire pour rétablir la paix dans cette région ?
Michel Luntumbue
distingue deux clés possible pour rétablir la paix dans la région du Nord-Kivu. «
La première repose sur la consolidation de l’État congolais. Une partie de la crise
est liée à l’affaiblissement et à l’effondrement de l’État en RDC. Une économie illicite
s’est développée à laquelle se sont greffés les voisins de la RDC parmi lesquels le
Rwanda.
L’autre volet de la crise, c’est évidemment le règlement des conséquences
du génocide de 1994. L’avènement au pouvoir de Paul Kagame trouve sa légitimité historique
dans la lutte contre ceux qui ont perpétré le génocide. Mais au bout de plus d’une
décennie, il y a une usure de ce pouvoir monolithique et autoritaire. Une des dimensions
essentielle pour le retour à la paix dans la région, c’est la démocratisation du Rwanda
».
Une démocratisation qui devra se faire à travers la mise en place d’un
dialogue entre le gouvernement rwandais et ceux qui composent l’opposition. « Bien
évidemment pas ceux qui ont participé au génocide », précise Michel Luntumbue.
Michel
Luntumbue, chercheur au Groupe de recherche et d’information sur la paix et la sécurité,
interrogé par Audrey Radondy
(avec agences)
Photo
: Congolais fuyant les combats entre l'armée congolaise et les rebelles du M23 près
de Goma