Une possible intervention militaire en Syrie divise les Occidentaux et la Russie
Le dossier des armes chimiques en Syrie, divise toujours plus la Russie et les Occidentaux.
Quelques jours après l’attaque chimique présumée du 21 août près de Damas, la capitale,
des pays occidentaux, les États-Unis, la Grande-Bretagne et la France en tête, étudient
une option militaire. Une option contre laquelle les deux alliés de Damas, l’Iran
et la Russie, les ont mis en garde.
"Je suis inquiet des déclarations de Paris
et Londres selon lesquelles l'Otan peut intervenir pour détruire des armes chimiques
en Syrie, sans autorisation du Conseil de sécurité de l'ONU. C'est un terrain glissant
et très dangereux", a déclaré lundi 26 août, Sergueï Lavrov, le chef de la diplomatie
russe.
Frédéric Encel, ne croit pas à une intervention militaire directe des
Occidentaux. Le docteur en géopolitique et maître de conférence à Sciences-Po Paris
évoque deux raisons. La première et "la plus importante" selon lui est "la ligne
rouge de Vladimir Poutine. Moscou a montré à plusieurs reprises une inflexibilité
sur le dossier syrien. Y compris au Conseil de sécurité des Nations unies, la Russie
a opposé, tout comme la Chine, trois fois son veto à tout type d’intervention extérieur.
Est-ce qu’on souhaite risquer une escalade avec la Russie ? La réponse est non »,
explique t-il.
Ce n'est pas la première fois que la Russie et les Occidentaux
sont divisés sur l'attitude à adopter. Déjà en 2003, la Russie s’était fermement opposée
à l’intervention en Irak. Les États-Unis et la Grande-Bretagne avaient décidé de passer
outre son avis et de mener donc, sans l’aval du Conseil de sécurité de l’ONU, une
opération militaire pour renverser Saddam Hussein.
Aujourd’hui, cette éventualité
est à nouveau envisagée par plusieurs personnalités. Parmi elles, Laurent Fabius.
Le ministre français des Affaires étrangères n’exclu pas de se passer de l'ONU "dans
certaines circonstances", tout en ayant bien à l’esprit "la légalité internationale".
Pour Frédéric Encel, certains pays occidentaux, dont la France, oublient rapidement
leur position en 2003, face à la volonté des États-Unis de mener une intervention
en Irak : « Qu’est-ce qu’on a reproché à Georges W Bush il y a 10 ans. A lui et aux
43 États dont la plupart des grandes démocraties au monde, qui sont allés en Irak
en passant outre le Conseil de sécurité ? On leur avait dit : « Mais enfin Messieurs
c’est un scandale ! C’est illégal vis-à-vis du droit international et vous allez faire
votre propre guerre en Irak ! ». Aujourd’hui on est dans un vrai paradoxe vis-à-vis
de la guerre en Irak », précise le docteur en géopolitique.
En 2011, la Russie
avait laissé les Occidentaux agir en Libye en s'abstenant de mettre son veto à une
résolution de l'ONU. Mais Moscou avait exprimé sa colère quand la résolution sur la
zone d'exclusion aérienne avait été utilisée pour bombarder les positions militaires
du dictateur libyen Mouammar Kadhafi, allié de la Russie depuis l'époque soviétique.
Selon
Frédéric Encel, la Russie et la Chine ont bien appris de ces expériences et aujourd'hui,
ils n'ont pas l'intention de laisser les Occidentaux prendre une décision sur la Syrie
sans leur accord. Frédéric Encel, docteur en géopolitique et maître de conférence
à Sciences-Po Paris, auteur De quelques idées reçues sur le monde contemporain
(aux éditions Autrement), interrogé par Audrey Radondy
(avec
agences)
(Photo : Bachar El-Assad, le 26 août, lors d'une interview
à un journal russe)