Alors que la querelle sur le port du voile à l’université risque de rebondir en France,
la « question laïque » provoque déjà des déchirements au Québec. Au Canada, chacun
peut porter librement au travail son turban, sa kippa ou le voile. Mais au Québec,
les indépendantistes au pouvoir veulent aller plus avant sur la laïcité. Selon le
principe de la neutralité de l'Etat, ils voudraient interdire le port ostentatoire
de signes religieux par les personnels des services publics. Une « Charte des valeurs
québécoises » sera présentée cet automne. Selon le ministre des Institutions démocratiques,
la meilleure façon d'assurer le respect de toutes les religions, c'est que l'Etat
soit neutre sur le plan religieux. Si la Charte devait être adoptée par les députés
québécois, les crucifix devront disparaitre des lieux publics - ministères, sociétés
d'État, corps policiers et tribunaux - et le port du voile serait interdit dans ces
mêmes lieux.
L'Eglise locale se mobilise
Pour l’Eglise
locale, cette Charte équivaudrait à nier une part importante du patrimoine national
au nom d’un athéisme officiel. Mgr Pierre-André Fournier, évêque de Rimouski, souligne
ainsi que l’athéisme officiel finit par devenir une autre religion qui ne respecte
ni l’histoire ni le patrimoine. Selon lui, l’Etat doit protéger la liberté de religion
et pas la restreindre ; sinon comment pourrait-il défendre les chrétiens d’Egypte.
«Ce qui m'agace – a-t-il dit au journal Le Soleil - c'est que certaines personnes
se servent de l'exclusion de la croix de la chrétienté pour enlever notre vécu et
restreindre une vie de plusieurs siècles, pour ensuite faire peur aux gens avec la
burqa et d'autres symboles religieux, alors que l'immigration doit être vue comme
positive». Beaucoup de Québécois ont pris des distances avec l'Église catholique,
mais n'ont pas rompu leurs liens. La Conférence des évêques fera connaître sa position
officielle à la mi-septembre, lors de sa prochaine assemblée générale. Le projet de
Charte fait également sourciller les juifs qui pensent cette question risque de diviser
la population québécoise. La neutralité religieuse – a souligné un des représentants
- ne réside pas dans les vêtements, mais dans l'esprit.
Au Québec, les catholiques
revendiquent de plus en plus leur liberté de parole. Selon Mgr Gérald Cyprien Lacroix,
archevêque de Québec, on assiste à un renouveau timide surtout parmi les jeunes. Ecoutez
ce qu'il nous a dit lors de son passage à Rome au mois de juin. Ses propos ont été
recueillis par Manuella Affejee :