Il existe un proverbe haïtien qui dit : "ici tout se passe dans la plantation". Mangue,
noix de cajou, bananes, légumes, céréales. Sur l'île d'Haïti, le sol est riche et
plus de 50% de la population vit dans les zones rurales. Pourtant Haïti importe aujourd'hui
près de 80% des aliments qui sont consommés sur l'île.
La déforestation, les
imtempéries violentes et récurrentes, le manque d’investissement ou la corruption
provoquent des pénuries alimentaires.
Bianca Fraccalvieri, journaliste au programme
brésilien de Radio Vatican, s'est rendue sur place. Elle a rencontré les membres de
deux Congrégations brésiliennes, les Franciscaines Missionnaires de Notre-Dame qui
œuvrent auprès de personnes vulnérables. Les religieuses gèrent deux dispensaires
dédiés aux enfants souffrant de malnutrition et à leurs mères.
Sœur Marie
Agnés Aubry nous parle des structures dans lesquelles elle travaille
Il
y a le dispensaire et un centre de récupération nutritionnelle où l’on accueille les
enfants de 0 à 6 ans qui sont dans un état de malnutrition grave. Quand je suis arrivée
on s’occupait surtout des enfants au centre de nutrition mais je me suis rendue compte
qu’il fallait aussi s’occuper des mères. Lorsque l’on soignait la mère on avait de
meilleurs résultats avec l’enfant. Il faut s’occuper de son éducation et de sa santé.
Il faut lui explique pourquoi son enfant est mal nourri, les causes de sa malnutrition.
Les causes sont multiples : santé de la mère, problèmes économiques ou sociaux… Il
y a des mères qui sont dans de grande détresse. Ici les femmes sont pratiquement seules
pour élever leurs enfants, les pères disparaissent ou sont absents. Autre facteur
qui explique la malnutrition, les croyances. Beaucoup de femmes pensent qu’un esprit
malin s’est emparé de leurs enfants.
Quelles sont les causes
de la sous-nutrition ?
Pour
moi il y a plusieurs raisons. Des raisons politiques qu’il ne faut pas nier. Haïti
a un problème avec ses dirigeants qui veulent toujours détourner l’argent à leur profit
plutôt que de l’utiliser pour le pays. C’est un problème politique qui découle notamment
de la dépendance à l’égard des Etats-Unis. L’autre problème se situe au niveau des
croyances ici en Haïti et qui empêchent les gens d’évoluer. Ils pensent : « Si je
fais ça, les ancêtres vont se manifester et il va y avoir des représailles. »
Comment
aller à contre-courant de cette mentalité et combattre ces croyances ?
L’éducation
est très importante. Ces derniers mois j’ai fait beaucoup de visites à domicile. Il
faut éduquer, expliquer, prendre le temps avec chaque femme d’expliquer. Et alors
il y a quelque chose qui bouge. Il y a des femmes qui m’ont dit après : « ma sœur
tu m’as appris beaucoup de choses, maintenant je comprends mieux. » Il n’y a plus
cette fatalité. Il faut casser cette fatalité, la résignation. Les haïtiens sont résignés,
ils ne croient plus en l’avenir. L’autre chose qui tue ici, c’est l’assistanat. Il
faut éduquer la population à participer et non pas à attendre de recevoir des dons.
Comment concevoir l'évangélisation dans ce contexte ?
C’est
difficile d’évangéliser quand ils ont faim mais je crois que l’évangélisation passe
autrement. Parce qu’ici il y a beaucoup d’évangéliques qui jouent notamment sur le
ressort de la peur du diable. Mais je crois que l’on évangélise par la proximité,
par l’aide, par l’écoute, par la réflexion apportées aux populations. Mais surtout
par l’amour et la compassion.