Le tourisme et l'eau : protéger notre futur commun
Le Conseil Pontifical pour la Pastorale des Migrants et des Personnes en Déplacement
a publié ce jeudi le message pour la Journée Mondiale du Tourisme qui sera célébrée
le 27 septembre prochain. Son thème : « Le tourisme et l’eau : protéger notre futur
commun ».
En voici le texte intégral :
Le 27 septembre, nous célébrons
la Journée Mondiale du Tourisme, selon le thème proposé cette année par l’Organisation
Mondiale du Tourisme : « Le tourisme et l’eau : protéger notre futur commun ». Cela
s’inscrit dans la ligne de l’« Année internationale de la Coopération pour l’Eau »
qui a été proclamée par l’Assemblée Générale des Nations Unies, dans le contexte de
la Décennie Internationale pour l’Action « L’eau, source de vie » (2005-2015). Le
but étant de mettre en relief « que l’eau est fondamentale pour le développement durable,
en particulier pour l’intégrité environnementale et l’élimination de la pauvreté et
de la faim, elle est indispensable pour la santé et le bien-être de l’homme, et elle
est fondamentale pour atteindre les Objectifs de Développement du Millénaire ».
Le
Saint-Siège désire lui aussi s’unir à cette commémoration, en apportant sa contribution
à partir du domaine qui lui est propre, conscient de l’importance que revêt le phénomène
du tourisme à l’heure actuelle et des défis et possibilités qu’il offre à notre action
évangélisatrice. Le tourisme est l’un des secteurs économiques qui connaît la croissance
la plus vaste et rapide au niveau mondial. Nous ne devons pas oublier que durant l’année
dernière le cap du milliard de touristes internationaux a été franchi, auquel il faut
ajouter les chiffres encore plus élevés du tourisme local.
Pour le secteur
touristique, l’eau est d’une importance cruciale, un actif et une ressource. C’est
un actif dans la mesure où les gens se sentent naturellement attirés par elle et des
millions de touristes cherchent à profiter de cet élément durant leurs jours de repos,
en choisissant comme destinations certains écosystèmes où l’eau est le trait le plus
caractéristique (zones humides, plages, fleuves, lacs, cascades, îles, glaciers ou
névés, pour en citer quelques-uns) ou en cherchant à bénéficier de ses nombreux avantages
(particulièrement dans des centres balnéaires ou thermaux). En même temps, l’eau est
aussi une ressource pour le secteur touristique, notamment pour les hôtels, les restaurants
et les activités de loisirs.
Le regard tourné vers le futur, le tourisme sera
un véritable avantage dans la mesure où il parviendra à gérer les ressources selon
les critères de l’économie verte ou green economy, c’est-à-dire une économie dont
l’impact environnemental demeure dans des limites acceptables. Nous sommes donc appelés
à promouvoir un tourisme écologique, respectueux et durable, qui peut certainement
favoriser la création d’emplois, soutenir l’économie locale et réduire la pauvreté.
Il
ne fait aucun doute que le tourisme joue un rôle fondamental dans la protection de
l’environnement, pouvant être un grand allié, mais aussi un féroce ennemi. Si, par
exemple, en vue d’un bénéfice économique facile et rapide, on permet à l’industrie
touristique de polluer un lieu, celui-ci cessera d’être une destination attirant les
touristes.
Nous savons que l’eau, clef du développement durable, est un élément
essentiel pour la vie. Sans eau, il n’y a pas de vie. « Malheureusement, les pressions
qui s’exercent sur elle augmentent d’année en année. Une personne sur trois vit déjà
dans un pays connaissant un stress hydrique modéré ou grave, et d’ici à 2030 près
de la moitié de la population du globe pourrait souffrir de pénuries d’eau – on estime
alors que la demande sera de 40 % supérieure à l’offre ». Selon les données fournies
par les Nations Unies, environ un milliard de personnes n’a pas accès à l’eau potable.
Et les défis liés à ce problème augmenteront de façon significative au cours des prochaines
années, surtout parce qu’elle est mal distribuée, polluée, gaspillée ou parce que
l’on donne la priorité à certains usages d’une manière erronée ou injuste ; sans compter
les conséquences du changement climatique qui viendront s’y ajouter. Le tourisme rivalise
souvent aussi avec d’autres secteurs pour son utilisation et, quelquefois, on constate
que l’eau est abondante et gaspillée dans les structures touristiques, tandis qu’elle
vient à manquer pour les populations environnantes.
La gestion durable de cette
ressource naturelle est un défi d’ordre social, économique et environnemental, mais
surtout de nature éthique, à partir du principe de la destination universelle des
biens de la terre, qui est un droit naturel, originel, auquel doit se soumettre tout
l’ordre juridique concernant ces biens. La Doctrine Sociale de l’Eglise insiste sur
la validité et l’application de ce principe, avec des références explicites à l’eau.
Bien
sûr, notre engagement en faveur du respect de la création naît de sa reconnaissance
comme don de Dieu fait à toute la famille humaine et de l’écoute de l’indication du
Créateur, qui nous invite à la garder, conscients d’être les administrateurs et non
les maîtres du don qu’il nous fait.
L’attention à l’égard de l’environnement
est un thème important pour le Pape François qui y a fait de nombreuses allusions.
Déjà, lors de la célébration eucharistique du début de son ministère pétrinien, il
nous invitait à être des « gardiens de la création, du dessein de Dieu inscrit dans
la nature, gardiens de l’autre, de l’environnement ; ne permettons pas - disait-il
- que des signes de destruction et de mort accompagnent la marche de notre monde »,
rappelant que « tout est confié à la garde de l’homme, et c’est une responsabilité
qui nous concerne tous ».
Approfondissant cette invitation, le Saint-Père affirmait
durant une Audience : « Cultiver et garder la création est une indication de Dieu
donnée non seulement au début de l’histoire, mais à chacun de nous; cela fait partie
de son projet ; cela signifie faire croître le monde avec responsabilité, en le transformant
afin qu’il soit un jardin, un lieu vivable pour tous [...]. Au contraire, nous sommes
souvent guidés par l’orgueil de dominer, de posséder, de manipuler, d’exploiter ;
nous ne la “ gardons ” pas, nous ne la respectons pas, nous ne la considérons pas
comme un don gratuit dont il faut prendre soin. Nous sommes en train de perdre l’attitude
de l’émerveillement, de la contemplation, de l’écoute de la création ».
Si
nous cultivons cette attitude d’écoute, nous pourrons découvrir que l’eau nous parle
aussi de son Créateur et nous rappelle son histoire d’amour pour l’humanité. La prière
de bénédiction de l’eau, utilisée dans la liturgie romaine lors de la Veillée pascale
et pour le rituel du Baptême, est éloquente à cet égard. Elle rappelle que le Seigneur
s’est servi de ce don comme signe et mémoire de sa bonté : la Création, le déluge
qui met fin au péché, le passage de la mer Rouge qui libère de l’esclavage, le Baptême
de Jésus dans le Jourdain, le lavement des pieds qui se transforme en précepte d’amour,
l’eau qui coule du côté du Crucifié, le mandat du Ressuscité de faire des disciples
et de les baptiser … ce sont des pierres milliaires de l’histoire du Salut, dans lesquelles
l’eau revêt une haute valeur symbolique.
L’eau nous parle de vie, de purification,
de régénération et de transcendance. Dans la liturgie, l’eau manifeste la vie de Dieu
qui nous est communiquée dans le Christ. Jésus lui-même se présente comme celui qui
apaise la soif, de son sein jaillissent des fleuves d’eau vive (cf. Jn 7, 38), et
dans son dialogue avec la Samaritaine, il affirme : « celui qui boit de l’eau que
je lui donnerai n’aura plus jamais soif » (Jn 4, 14). La soif évoque les désirs les
plus profonds du cœur humain, ses échecs et sa recherche d’un bonheur authentique
au-delà de soi-même. Or, le Christ est celui qui offre l’eau qui étanche la soif intérieure,
il est la source de la renaissance, il est le bain qui purifie. Il est la source d’eau
vive.
Voilà pourquoi il est important de réaffirmer que tous ceux qui sont
impliqués dans le phénomène du tourisme ont une forte responsabilité dans la gestion
de l’eau, de sorte que ce secteur soit effectivement une source de richesse au niveau
social, écologique, culturel et économique. Tandis qu’il faut travailler pour réparer
les dommages causés, il faut aussi favoriser son usage rationnel et réduire au minimum
l’impact, en promouvant des politiques adéquates et en fournissant des équipements
efficaces qui aident à protéger notre futur commun. Notre attitude envers la nature
et la mauvaise gestion que nous pouvons faire des ressources ne doivent peser ni sur
les autres, ni même et encore moins sur les générations futures.
Une plus grande
détermination est nécessaire de la part des personnes engagées en politique et des
entrepreneurs. Car, même si tous sont conscients des défis que nous pose le problème
de l’eau, nous savons aussi que cela doit encore se concrétiser par des engagements
précis, contraignants et vérifiables.
Cette situation requiert surtout un changement
de mentalité qui conduise à adopter un style de vie différent, caractérisé par la
sobriété et par l’autodiscipline. Il faut faire en sorte que le touriste soit conscient
et réfléchisse sur ses responsabilités et sur l’impact de son voyage. Il doit pouvoir
arriver à la conviction que tout n’est pas permis, même si personnellement il pourrait
en assumer le coût financier. Nous devons éduquer et encourager les petits gestes
qui nous permettent de ne pas gaspiller ou contaminer l’eau et qui nous aident, en
même temps, à apprécier davantage son importance.
Faisons nôtre le désir du
Saint-Père de prendre « tous l’engagement sérieux de respecter et de garder la création,
d’être attentifs à chaque personne, de combattre la culture du gaspillage et du rebut,
pour promouvoir une culture de la solidarité et de la rencontre ».
Avec saint
François, le pauvre d’Assise, élevons notre louange vers Dieu, en le bénissant pour
ses créatures : « Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur l’Eau, qui est très utile
et humble et précieuse et chaste ».