Le Premier ministre du Luxembourg contraint à la démission
Jeudi matin, Jean-Claude Junker rassemblera ses ministres, avant de présenter la démission
de son gouvernement au Grand duc du Luxembourg. Après 18 ans à la tête de l’exécutif,
le doyen des dirigeants européens a été contraint à la démission. Les socialistes,
ses alliés au gouvernement, l’ont en effet lâché mercredi après-midi en déposant une
motion demandant la dissolution de la Chambre des députés et l'organisation d'élections
anticipées dans les trois mois. Son parti chrétien social se retrouvait donc isolé
avec 26 députés sur 60.
Selon une commission d'enquête parlementaire, créée
en décembre 2012 après la révélation d'une série d'écoutes faites par le service de
renseignement du pays (SERL), « le Premier ministre, en tant que supérieur hiérarchique
du SERL, n'avait pas seulement aucune emprise sur son service, mais il a de plus trop
souvent omis d'informer la commission de contrôle parlementaire, voire le parquet
sur les irrégularités, aberrations et illégalités des opérations entreprises par le
service ».
Est-ce la raison du retrait de la confiance des socialistes ?
Qui pourrait succéder à Jean-Claude Juncker et y aura-t-il une succession ? Les explications
de Philippe Poirier
Philippe
Poirier est professeur de sciences politiques à l'Université de Luxembourg et depuis
juillet 2011, responsable de la chaire de recherche en études parlementaires de la
Chambre des Députés du Luxembourg. Il est interrogé par Marie Duhamel.
Des
élections vont être organisées, probablement en octobre. M. Juncker a indiqué aussitôt
qu'il pensait se représenter à un mandat politique dans son pays, sans préciser s'il
entendait de nouveau briguer le poste de chef du gouvernement.
« Le Premier
ministre doit prendre ses responsabilités, non pas parce qu'il est malhonnête ou incompétent
mais parce qu'il a fait les mauvais choix », avait déclaré le président du parti socialiste,
Alex Bodry. « Il y a eu de graves dysfonctionnements. La responsabilité du Premier
ministre est engagée », avait-il asséné.
30 ans à la tête du pays
Inamovible
Premier ministre du Luxembourg depuis janvier 1995, Jean-Claude Juncker, était le
dernier grand artisan de la construction européenne. A seulement 58 ans, il détenait
le record de longévité à la tête d'un gouvernement européen, ayant rejoint le club
des dirigeants de l'UE alors que François Mitterrand et Helmut Kohl étaient encore
au pouvoir.
Mis en cause par une commission parlementaire pour sa « responsabilité
politique » dans les dérives du service de renseignement (SREL), il avait accusé cette
dernière d'avoir elle aussi failli dans le contrôle des activités de ce service.
Admettant
tout au plus quelques « erreurs », il s'était presque posé en victime : « je ne suis
pas d'accord pour endosser la responsabilité, car si c'était le cas, chaque ministre
devrait alors être responsable de la moindre erreur commise par un fonctionnaire ».
Membre
du gouvernement luxembourgeois sans discontinuer depuis plus de 30 ans, Jean-Claude
Juncker est accusé par ses détracteurs d'avoir délaissé son petit pays au profit de
l'Europe, son grand engagement, et de l'euro, pour lequel il s'est battu pendant huit
ans à la tête de l'Eurogroupe.