Un soutien plus concret et direct aux chrétiens du Proche-Orient
La 86° assemblée de la ROACO, Réunion des Œuvres d’aide aux Eglises Orientales, s’est
ouverte mardi au Vatican. Une vingtaine d’agences catholiques d’une dizaine de pays
occidentaux sont représentées ; elles écouteront avec attention les interventions
de Mgr Zenari, nonce apostolique à Damas, de S.B Mgr Louis Raphaël Ier Sako, patriarche
de Babylone des Chaldéens, et de S.B Ibrahim Isaac Sidrak, patriarche d’Alexandrie
des coptes-catholiques, qui exposeront la situation des communautés chrétiennes dans
leurs pays respectifs.
Comme à chacune de ces assemblées, la situation en
Terre Sainte ne sera pas oubliée. On compte d’ailleurs la présence du délégué apostolique
à Jérusalem, Mgr Giuseppe Lazzarotto ainsi que celle du père Pierbattista Pizzaballa,
custode de Terre Sainte.
Nous avons rencontré S.B Mgr Louis Raphaël Ier Sako,
patriarche de Babylone des Chaldéens. Il revient sur la situation des chrétiens en
Irak, sur le rôle majeur et « historique » qu’ils sont appelés à jouer, en faveur
de la réconciliation et de la paix. Il appelle surtout le Saint-Siège à un soutien
plus concret et plus direct des chrétiens du Moyen-Orient.
On l’écoute,
au micro de Manuella Affejee :
Retranscription
de l'entretien : Tout d’abord, le Saint- Siege a
un rôle à jouer, pas seulement rester comme ça, à regarder les choses soit en Irak,
soit maintenant en Syrie. La politique de l’Occident est tout à fait pour ces conflits-là
parce qu’il y a ici des intérêts économiques et politiques. Mais pour nous chrétiens,
nous n’avons que le St Siège, qui doit nous soutenir, et nous encourager à rester,
mais pas seulement par des secours, mais aussi par des choses concrètes : aider à
la réconciliation, et aussi dire que les chrétiens sont là depuis toujours, et ne
sont un danger pour personne. (…) Ils ont un rôle à jouer, et je crois même que nos
politiciens musulmans attendent quelque chose de plus actif, plus positif de la part
du Saint-Siège, donc ça c‘est très important… Puis aussi le ROACO, ce n’est pas seulement
aider ici et là, dans des cas d’émergences, mais il faut créer des petits projets
surtout dans les petits villages chrétiens, pour donner plus d’espoir aux gens, et
aider les gens à trouver un travail… Par exemple, améliorer l’agriculture : il y a
beaucoup d’eau, beaucoup de terrains, et l’infrastructure… Ca aussi aidera les chrétiens
à rester sur place, avec beaucoup plus d’espoir.
Vous insistez particulièrement
sur le rôle des laïcs chrétiens… Tant dans le devoir de dialogue avec les musulmans,
que dans le dialogue social, politique, également…pour résoudre la crise actuelle
en Irak.
Je crois que c’est un ensemble… Donc il faut faire tout…
Former un cadre politique, des politiciens chrétiens, qui peuvent jouer un véritable
rôle, parce que ce que nous avons est faible… Des gens ici et là, qui sont membres
des partis, qui n’ont pas beaucoup de formation et d’expérience, et là, ils ne peuvent
pas changer, il n’y a pas d’impact. Mais s’il y a une classe bien formée, ils peuvent
faire des miracles… Je crois. J’ai invité tous les membres du gouvernement,
du parlement , les chefs religieux à ce diner-là, et tous ont répondu ! Le Premier
ministre était tout à fait touché, même les chefs religieux, qui ont dit «vous, vraiment,
vous être autre chose»… Cela veut dire que l’influence ne dépend pas du
numéro : être majorité, ou minorité… Cela dépend de la préparation, et de la manière
de faire. Il faut chercher une manière, qui peut faire bouger les hommes.
En
gros, les chrétiens ont un rôle majeur à jouer pour l’avenir de l’Irak….
Moi
je ne dis pas seulement de l’Irak… Peut-être en Irak, nous sommes beaucoup plus préparés
(…) depuis plus de 10 ans de conflits et de guerre. Mais je crois aujourd’hui aussi
que les autres chrétiens, c’est-à-dire en Syrie, en Egypte, au lieu de s’enfuir, il
faut jouer leur rôle ! Et c’est un rôle historique… Nos pères ont joué ce rôle-là.
Si nous restons un peu isolés, nous les chrétiens du Moyen-Orient, c’est fini, c’est
fichu ! Mais si nous sommes unis, et si nous travaillons ensemble, -chaque pays a
son particularisme-, je crois, on peut beaucoup faire.
Comment envisager
le dialogue islamo-chrétien au Moyen-Orient aujourd’hui ? Est-ce que vous privilégiez
de nouvelles approches, de nouvelles perspectives ?
Pour le dialogue
avec les musulmans, je crois aussi, ça change maintenant. Moi, j’ai une longue expérience.
Parfois on utilisait un peu le Coran, les données de l’Islam pour faire un dialogue
islamo-chrétien. Aujourd’hui, eux, ils attendent de nous de présenter notre foi comme
elle est, sans compromis, et sans chercher à la rendre, disons, un peu plus compatible
à leurs concepts. Donc, dire, pour moi, comme chrétien, comment je crois que le Christ
est Fils de Dieu ! Et non pas utiliser des versets coraniques, ou des mots de la tradition
musulmane. Je crois aussi qu’il y a un travail à faire pour les théologiens, à faire
des approches théologiques plus compréhensibles, pour les chrétiens orientaux, et
les musulmans.