Télévision publique grecque : le rôle ambigu de l’Union Européenne
L’Union Européenne a pris acte mercredi de la fermeture de l’ERT, la radio et télévision
publiques grecques, annoncée mardi par le porte-parole du gouvernement Samaras et
appliquée sans attendre. Bruxelles montre sa distance par rapport à cette décision
en affirmant que l'exécutif européen « n'a pas demandé la fermeture de l’ERT » et
rappelle que le service public audiovisuel occupe « une place essentielle dans la
démocratie européenne ». Elle salue de plus l’annonce d’un projet de loi pour la création
d’un nouvel organisme publique qui s’appellera Nerit.
Pourtant, cette décision
est intervenue dans un contexte particulier de renforcement de la pression de la troïka,
composée du FMI, de la Commission européenne et de la BCE, sur la Grèce. Ses chefs
de file se trouvaient en effet à Athènes pour contrôler les comptes grecs et les réformes
à prendre : réduction du nombre de fonctionnaires et restructuration des organismes
publics sont vivement encouragés.
Le départ de 2 000 fonctionnaires d’ici
à la fin du mois étaient demandés par les bailleurs de fond comme condition pour un
nouveau prêt de 8,8 milliards d’euros. L’arrêt forcé des services de radio et de télévision
publiques ont mis au chômage technique 2 656 employés de l’Etat : l’objectif est donc
accompli. Pour le commissaire européen Olli Rehn, cette décision du gouvernement grec
fait partie des « efforts nécessaires que les autorités font pour moderniser l’économie
grecque ». Mais à quel prix ?
Austérité et démocratie sont-elles incompatibles
?
Dans cette affaire, l’Union Européenne se trouve face à ses contradictions
: être membre de la troïka qui appelle à toujours plus d’austérité et donc de réduction
du service public, et défendre les libertés individuelles. La liberté de la presse,
la liberté d’informer et d’être informés sont touchées en Grèce par la fermeture de
la source majeure d’informations pour l’opinion publique. Le pluralisme, pourtant
crucial dans la conception européenne de la démocratie, en est affecté. La fin des
transmissions de l’ERT aggrave de plus la situation de la vie culturelle grecque,
déjà extrêmement affaiblie par la crise économique. L'archevêque orthodoxe d'Athènes
s'est lui aussi opposé à la fermeture de l'ERT, qui retransmet la messe du dimanche.
En
dépit de cette évolution délétère pour les citoyens grecs, Jean-Claude Juncker, le
premier ministre luxembourgeois et ancien chef de file de l’Eurogroup se disait mardi
optimiste pour la situation de la Grèce et félicitait l’UE d’avoir réalisé son objectif
: maintenir la Grèce dans la zone euro. « Le résultat est là » disait-il. Aux journalistes
et citoyens grecs de juger si c’est le résultat qu’ils attendaient. (J.Degosse)
(Photo
: des employés et des protestataires devant le siège de l'ERT à Athènes)