Dialogue en Corée : avancée stratégique de Pyongyang ?
Séoul et Pyongyang se sont mis d’accord jeudi pour la reprise du dialogue entre les
deux Etats de la péninsule, interrompu depuis 2010 du fait d’une tension à son paroxysme.
Une réunion interministérielle est prévue pour le 12 juin, dont l’agenda et les modalités
restent à définir. La Corée du Nord a affiché sa volonté de parler d’une réouverture
du centre industriel commun de Kaesong et du circuit touristique dans les montagnes
du Nord, ses deux principales sources de devises étrangères. Elle envisage également
un accord humanitaire à propos de la réunion des familles séparées par la guerre il
y a 60 ans.
Cette proposition de la Corée du Nord est arrivée jeudi matin
après des années de tension croissante sur la péninsule. Chaque incident causé par
le Nord enclenchait immédiatement des représailles de la part du Sud, à l’image de
ce touriste sud-coréen tué dans le Nord en 2008, pour lequel Séoul avait décidé la
suspension des visites dans le site montagneux. Le nouveau président nord-coréen Kim-Jong-Un
s’est montré à son tour très agressif ces derniers mois : lancement d’une nouvelle
fusée longue portée en décembre 2012 et un troisième essai nucléaire souterrain en
février 2013. Il menaçait même Washington et Séoul d’un plan d’attaques nucléaires
début avril.
Développement économique et nucléaire
Ce changement
d’attitude peut s’expliquer par les grandes difficultés économiques que connaît actuellement
la Corée du Nord.. Entre la fin de la coopération avec le Sud et les sanctions internationales,
l’économie nord-coréenne est plus qu’étouffée. Pour la première fois avec les essais
nucléaires de février, la Chine participe à ces sanctions et son irritation grandissante
se fait sentir : diminution de l’aide alimentaire, risque sur l’apport en énergie
et les investissements. Rappelons que la survie du régime de Kim Jong Un dépend essentiellement
du soutien chinois, économique et diplomatique.
Le nouveau président suit une
double stratégie de développement économique et de poursuite de l’armement nucléaire.
La proposition d’ouverture de jeudi semble venir à point pour concilier ces deux objectifs
apparemment inconciliables. Elle arrive en effet à un moment crucial : le président
chinois sera en visite à Washington vendredi 7 juin. Il pourrait bien demander à Barack
Obama des concessions pour la Corée du Nord, preuve d’ouverture à l’appui, alors que
cette dernière refuse toute avancée sur le dossier nucléaire. Vers une fin des sanctions
et un maintien du nucléaire, légitimé par une réconciliation avec la Corée du Sud
?
Intérêts chinois
Quant à la Chine, bien qu’opposée aux ambitions
nucléaires de la Corée du Nord, il n’est pas dans ses intérêts stratégiques de porter
un coup fatal au régime par un arrêt des aides. La stabilité de son voisin est essentielle
: elle redoute un afflux massif de réfugiés très pauvres en cas d’implosion de la
dictature mais aussi l’extension de l’influence américaine sur toute la péninsule
coréenne. Les deux superpuissances ont des intérêts contraires dans la région :
alors que la puissance économique et militaire de la Chine s’étend à partir de la
sous-région, la stratégie américaine consiste à maintenir et consolider son influence
en Asie. La Chine et les Etats-Unis ont toutefois un intérêt commun à coopérer sur
le dossier nord-coréen, en particulier sur la sécurisation de l’armement nucléaire.
Cette question est à l’ordre du jour du rendez-vous informel de ce vendredi. (J.Degosse)
(Photo:
la frontière entre les deux Corées, vue de Corée du Sud à Panmunjom)