Investissements étrangers en Birmanie, un pari risqué ?
La concurrence est rude entre la Chine et les Etats-Unis pour conquérir ce marché,
en pleine expansion depuis l’ouverture économique consécutive à l’autodissolution
de la junte en 2011. La firme américaine Coca-Cola a ainsi inauguré ce mardi une première
usine dans le pays, après soixante ans d’absence. Un forum asiatique est également
en préparation ; il devra réunir plus de 900 délégués du 5 au 7 juin prochains.
Une
loi sur les investissements et la levée des sanctions internationales ont permis cette
arrivée de capitaux étrangers sur le territoire birman. Il possède beaucoup d’atouts
pour attirer les investisseurs : un marché important de 55 millions d’habitants, des
matières premières : pétrole, gaz, minéraux, de bas coûts du travail dans un des plus
pauvres pays d’Asie. Il profite également de la bonne santé économique de la sous-région,
qui connait les taux de croissance les plus rapides du monde.
De nouveaux
partenaires
La Chine, bien que premier partenaire commercial de la Birmanie,
a connu ces deux dernières années une chute spectaculaire de ses investissements dans
le pays. Le voisin inquiète les Birmans par sa puissance, tant économique que militaire,
et l’exploitation des ressources naturelles mise en place par les Chinois ces dernières
décennies a créé peu de bénéfices pour les habitants. La Chine était le seul partenaire
de la Birmanie pendant la dictature militaire. Avec la récente ouverture politique,
les locaux n’hésitent plus à se faire entendre et à manifester contre les projets
d’extraction chinois, d’autant plus que les concurrents se présentent.
En plus
des deux géants, les pays émergents cherchent également à profiter de ce nouveau marché.
Ainsi, des compagnies sud-africaines, indiennes et qataries sont en compétition pour
obtenir une licence téléphonique en Birmanie. La diffusion des téléphones portables
est quasi nulle dans le pays, rappelle le Wall Street Journal. La participation record
au forum asiatique est un signe de cet engouement. Les risques de déception sont toutefois
forts dans ce pays très archaïque: le cadre légal est inexistant, le système judiciaire
corrompu, le système bancaire embryonnaire et les infrastructures en ruines.
Instabilité
chronique
Le risque principal pour les investisseurs vient probablement
du manque de stabilité sociale : les violences entre bouddhistes et musulmans de 2012
ont fait environ deux cent morts et contraint à l’exil quelques 140 000 personnes.
Plus de deux mille réfugiés musulmans Rohingya sont bloqués dans des centres en Thaïlande
puisqu’aucun pays tiers n’est prêt à les accueillir. Cette minorité est même reconnue
par l’ONU comme l’une des plus persécutées au monde.
Bien que le président
Thein Stein ait formé un gouvernement quasi-civil, l’influence de l’armée reste colossale
dans cette ancienne dictature militaire. Ainsi, il arrive que des soldats lancent
des assauts contre les rébellions des minorités ethniques alors même que le président
organise des pourparlers en vue de la paix. L’annonce ce mardi du cessez-le-feu avec
la dernière rébellion active, celle de la minorité Kachin, est donc à surveiller.
Ces
violences très fortes entre bouddhistes et musulmans pourraient dégrader les relations
du pays avec les Etats musulmans voisins comme le Bangladesh, alors même que la stabilité
politique n’est pas assurée. Selon l’ONG « Freedom House » l'accueil le 20 mai du
président Thein Stein à la maison blanche par Barack Obama était prématuré : les réformes
vont dans le bon sens mais « nous sommes encore loin d’un processus durable de transition
démocratique », prévient l’organisation. (J.Degosse)