L'adoration eucharistique : "remède aux maux de notre temps"
C’est une première dans l’Histoire de l’Eglise, un événement inédit : dimanche, solennité
de la Fête-Dieu, aura lieu une adoration planétaire et simultanée. Pendant une heure,
de 15h à 16h (GMT), les catholiques du monde entier, et de tous les fuseaux horaires,
seront en pleine communion spirituelle avec le pape François, qui présidera l'adoration
silencieuse du Saint Sacrement sur l'autel de la Confession de la basilique Saint-Pierre.
Les
cathédrales du monde seront reliées avec la basilique vaticane en mondovision ou par
liaison Internet. L'initiative a reçu une « adhésion massive » a souligné Mgr
Rino Fisichella, qui présentait l’événement en salle de presse du Saint-Siège, mardi
dernier. L’adoration s’étend non seulement aux cathédrales, mais aussi « aux paroisses,
aux congrégations religieuses, et aux associations ». Des fidèles de toute nation
prieront ensemble pour l’Eglise et le monde souffrant, -des intentions choisies personnellement
par le pape François.
Quel est le sens de l’adoration eucharistique ? Comment
la comprendre ? S’agit-il d’une pratique désuète ? Est-elle au contraire, plus que
jamais d’actualité ?
Ecoutez Nicolas Buttet, prêtre, modérateur de la fraternité
Eucharistein, et auteur d’une trilogie sur l’Eucharistie : Aimer et faire connaître
l’amour (éd. de l’Emmanuel), Brûlé au soleil de Dieu (éd. du Cerf), et L’Eucharistie
à l’école des saints (éd. de l’Emmanuel).
Ecoutez l’intégralité de l’entretien
réalisé par Manuella Affejee :
Retranscription
de l’entretien :
L’adoration eucharistique rejoint un peu le sacrifice
d’Holocauste dans l’Ancien Testament, c’est-à-dire, brûler toute l’offrande pour Dieu
seul. Quelque part, en adorant, on brûle tout notre temps pour Dieu. Quel gaspillage
! Brûler, gaspiller du temps devant Dieu, comme ça, sans rien faire (…) qu’être en
sa Présence.
Ça c’est une manière de voir, mais une manière tellement paradoxale
qu’elle dit toute la signification, finalement… Donner du temps à Dieu… L’amour donne
du temps à l’être aimé. C’est la seule manière d’ailleurs de montrer à une personne
qu’on aime, ce n’est pas de lui offrir des cadeaux matériels, c’est de lui offrir
du temps, offrir de sa personne. Et bien c’est une manière de signifier à Dieu l’amour
qu’on a pour lui. Et c’est vrai que prendre du temps pour le Seigneur, gratuitement,
comme ça, c’est une manière d’exprimer l’amour.
Mais en même temps, c’est
profondément actif, parce que dans l’échange, dans la présence, il y a vraiment une
sortie de soi, une extase de soi. C’est une spécificité de l’adoration eucharistique,
de plonger dans le cœur de Jésus qui est devant moi, de rentrer en relation avec lui,
qui est réellement et corporellement présent en face de moi. Et donc cet extase du
« moi », cet exode du « moi » est un exercice permanent qui va à l’encontre de la
culture actuelle, qui est très égocentrée, qui est très refermée sur elle-même… Cet
enfermement sur soi, cette nouvelle trinité moderne « moi, moi, moi », et bien là,
on est « toi, toi, toi, Jésus».
D’un point de vue plus anthropologique, l’adoration
est vraiment un lieu de guérison de la personnalité, parce qu’elle nous évite ce repliement
sur nous-mêmes, pour nous mettre en extase de soi. Et ça c’est un sacré travail, que
de mettre Dieu à la première place dans notre vie, et de sortir de soi pour aimer,
jusqu’à cette folie de l’amour qui doit ensuite, bien sûr, se concrétiser dans la
vie de tous les jours, avec nos frères et sœurs en humanité.
Les catholiques,
surtout les jeunes catholiques, ont renoué depuis quelque temps avec cette forme de
prière. Pourquoi, selon vous ? A quoi est-ce que cela est dû ? Est-ce que ça correspond
à un besoin véritable, à une urgence spirituelle ?
Ils ont « renoué »,
je dirais ils ont « renouvelé », complètement. Parce que si l’on pense à « renouer
», on dirait qu’on a retrouvé une pratique ancienne. Or il me semble qu’il y a une
terrible actualité de l’adoration eucharistique. Quand on demandait à Mère Térésa
comment faire pour changer les paroisses et changer le monde, elle disait « exposez
Jésus tous les jours sur vos autels, et vous allez voir que tout va changer ». Donc,
il y a une bouleversante actualité de l’adoration eucharistique, ce n’est pas une
pratique ancienne qu’on remettrait au goût du jour, c’est une actualité prophétique
que l’on signifie par l’adoration eucharistique.
Nous adorons et nous exposons
le Seigneur, mais plus exactement, nous nous exposons au regard d’amour de Dieu.
Je crois que dans un monde très blessé comme le nôtre, dans un monde où il est difficile
de vivre notre vie de chrétien, l’adoration eucharistique est vraiment une réponse
à cela.
L’adoration eucharistique va, à la fois, nous donner un cœur d’enfant,
et redonner à l’humanité entière un cœur d’enfant. Pas un cœur puéril, mais un cœur
d’enfant de Dieu, un cœur de personne qui sait que, sans Dieu, il ne peut rien faire,
un cœur branché sur l’essentiel : sur le Christ, l’Unique.
Finalement, il y
a dans l’adoration eucharistique, le réponse aux deux tragédies de notre temps : la
présomption de bâtir un monde sans Dieu, qui mène à une catastrophe, et le désespoir
de ne plus savoir où se tourner devant les épreuves de notre monde.
Ce dimanche
aura donc lieu un événement absolument inédit, qui a été voulu par Benoît XVI, dans
le cadre de l’année de la Foi… Aura lieu une adoration planétaire et simultanée. Les
fidèles du monde entier seront en communion spirituelle avec le pape François, depuis
la basilique St Pierre, pour une heure d’adoration eucharistique. Quel est, selon
vous, quel est, pour vous, le sens de cet évènement ?
Je trouve cet événement
absolument prodigieux ! C’est une inspiration de l’Esprit-saint que Benoît XVI a eue,
et que le pape assume avec joie et détermination. Je crois vraiment, voyez-vous, le
XXe siècle a été une sorte de manifestation tragique d’un monde sans Dieu, essentiellement
en Occident d’ailleurs. Et de proposer à l’humanité, enfin à tous les chrétiens du
monde entier, à la même heure, au même moment, avec le décalage horaire, donc, tout
le monde sera présent au même moment devant le Saint sacrement pour proclamer la Seigneurie
de Dieu, pour implorer la grâce de Dieu.
Cette prière est une profession de
foi solennelle dans le primat de Dieu, dans la seigneurie de Dieu, c’est l’acte le
plus révolutionnaire que l’on puisse poser aujourd’hui. C’est vraiment comme cela
que se fera la révolution, dans le sens véritable du terme, dans le sens étymologique
du terme : un renversement complet.
L’homme ne vivra la paix, la joie, le bonheur,
ne pourra établir la justice sur la terre, que lorsqu’il se mettra humblement à genoux
devant son Dieu. La grandeur de l’homme, c’est être à genoux devant Dieu. Quand l’homme
se met à genoux devant Dieu, le plan de Dieu, l’œuvre de Dieu va pouvoir s’accomplir
dans les cœurs et dans le monde.
Au cœur d’une crise économique tragique qui
va encore empirer, au cœur de guerres et de violences, de menaces de guerre et de
bruit de bottes au Moyen-Orient, et bien au cœur de toutes ces souffrances de nos
frères et sœurs en humanité, on est en train de dire : « voilà, on va faire la révolution
!» La révolution consiste à mettre Dieu à la première place dans nos cœurs, dans nos
vies et dans la société.
(photo : le pape François bénissant les fidèles
avec le Saint-Sacrement, lors de la solennité du Corpus Domini, jeudi soir)