Biennale de Venise : le Vatican veut reprendre contact avec l'art contemporain
Le Saint-Siège a inauguré son pavillon à la Biennale d’Art de Venise ce vendredi 31
mai en fin d’après-midi. C’est la première fois dans l’histoire de l’évènement que
le Vatican y participe. Le Saint-Siège a choisi le thème de la Création pour cet évènement
inédit qui se tient à l’Arsenal de Venise du 1er juin au 24 novembre 2013.
Koudelka,
Caroll et Studio Azzurro pour le Saint-Siège
Trois artistes de renom ont
accepté de relever le défi lancé par le Vatican : les italiens de Studio Azzurro,
le tchèque Josef Koudelka et l’américain Lawrence Caroll. Une condition seulement
pour ces trois créateurs : leur travail doit s’inspirer des onze chapitres du récit
biblique de la Genèse. Les œuvres sélectionnées doivent également dialoguer entre
elles. Ainsi le thème de la « Création », qui relate la création du monde et des êtres
vivants, a été confié au groupe Studio Azzurro dont le travail est essentiellement
basé sur la vidéo. Le célèbre photographe Josef Koudelka a puisé on inspiration autour
du thème de la « Dé-Création » qui raconte la « destruction éthique et matérielle
» par l’homme. Enfin la « Re-création » est l'œuvre de l'Américain d'origine australienne
Lawrence Carroll, un artiste proche du mouvement de l’Arte Povera travaillant avec
des matériaux de récupération.
La foi chrétienne doit reprendre contact
avec l'art contemporain
Pour le cardinal Ravasi, président du Conseil pontifical
de la culture il s'agit de faire réfléchir sur « le lien entre les messages religieux
et l'art », sur un texte commun au christianisme et au judaïsme qui parle aux croyants
de toutes les religions, aux agnostiques et aux athées. Un texte universel qui puisse
dialoguer avec l’art contemporain. C’est aussi une façon pour le cardinal Ravasi de
reprendre contact avec l’art.
Car en effet depuis maintenant bientôt quatre
siècles l’art et la foi chrétienne se sont éloignés. C’est le constat alarmant de
Jérôme Alexandre, théologien, auteur de "L'art contemporain, un vis-à-vis essentiel
pour la foi" paru en 2010 aux éditions Parole et Silence. « Les derniers grands
moments d’une relation entre l’art et l’Eglise, c’est le temps du Baroque » affirme
le professeur de théologie. L’Eglise s’est en effet adressé avec le temps à
des artistes toujours plus académiques et moins créatifs. « Les défis, la grande
liberté, le coté transgressif de l’art contemporain a rendu difficile le lien avec
le monde chrétien. C’est indéniable et à la fois regrettable » explique Jérôme
Alexandre. Ecoutez l'entretien dans son intégralité :
Deux
mondes qui se tournent le dos
Mais pourquoi un tel éloignement ? Evidemment
les préjugés opposent souvent l’art contemporain et la foi. Mais il y a surtout un
malentendu. Pour le théologien, « les représentants de l’Eglise sont dans un éloignement
par rapport à cette aventure car ils la comprennent mal, ils sont mal informés ».
Cette désinformation peut se transposer d’ailleurs à toute l’Eglise universelle. «
Dans le christianisme il y a une érosion de la compréhension de l’importance de la
détermination sensible esthétique au cœur même de la révélation chrétienne » explique
Jérôme Alexandre.
Les deux mondes sont pourtant à priori faits pour se comprendre.
Car comme l’affirme le théologien : « les artistes témoignent d’une recherche de
la vérité, du réel, du temps, de la vie , de la mort, de Dieu, ils travaillent en
plus dans un très profond dépouillement ». De l’autre côté, l’Eglise « avec
le Concile Vatican II a instauré un mouvement de retour aux sources, de purification.
Mais ces deux mondes ne se rencontrent pas. Il n’existe tout simplement pas de reconnaissance
».
Le patriarcat de Venise s'insurge contre une sculpture «
hors contexte »
Le Patriarcat de Venise a critiqué la proximité avec
une église d'une statue gonflable présentée dans le cadre de la Biennale de Venise
par l'artiste anglais Marc Quinn. L'œuvre représente une femme enceinte nue et sans
bras. La figure d'environ six mètres de haut est une représentation de l'artiste Alison
Lapper alors qu'elle était enceinte de huit mois, rapporte le 30 mai 2013 le quotidien
britannique "The Guardian". L'artiste est privée de bras depuis la naissance. L'œuvre
d'art a été placée à proximité d'une église de l'île vénitienne de San Giorgio Maggiore.
Le Père Gianmatteo Caputo, responsable de l'héritage culturel pour le patriarcat de
Venise, a affirmé que la statue ne lui paraissait « pas à sa place ». Il s'est
dit perplexe quant à la décision d'ériger la forme gonflable aussi près d'une église,
estimant que l'œuvre était « hors contexte » au vu de l'ensemble des autres
réalisations présentées sur l'île.
(Photo : Un visiteur passe devant les photographies
de Joseph Koudelka à la biennale de Venise 2013 dans le pavillon du Saint-Siège)