Pour que Madagascar soit une terre de paix et de joie : l’appel des évêques
Le retour à la normale à Madagascar va encore prendre du temps. La Cour électorale
spéciale (CES) a ouvert la voie mardi à un report de l’élection présidentielle prévue
originellement le 24 juillet prochain. La Cour estime que la suspension des financements
des bailleurs de fonds internationaux et le rejet de trois candidatures par la communauté
internationale constituaient un « cas de force majeure ». La décision appartient maintenant
au gouvernement dirigé par Andry Rajoelina.
Le président de transition de
la Grande Ile devait théoriquement démissionner lundi de ses fonctions afin d’enclencher
pour de bon le processus de transition comme prévu par la feuille de route signé en
2011 par toutes les parties. Mais Andry Rajoelina a demandé un délai d’un mois supplémentaire
à la CES, ce qui ajoute encore un peu plus de confusion.
Dans ce contexte
troublé qui dure depuis 2009 et qui enfonce chaque davantage Madagascar dans l’instabilité
et la pauvreté, les évêques catholiques ont publié une note dans laquelle ils mettent
« en garde contre ce qui mène à la dérive » et dans laquelle ils encouragent « à suivre
le bon chemin ».
Les Malgaches dans la misère
« Voilà plus
de 50 ans que nous sommes indépendants, mais que constatons-nous ? La majorité des
Malgaches vit dans la misère, et une infime minorité seulement dans l’opulence. Il
est triste de voir les riches et les puissants profiter ainsi des pauvres. De plus,
le nombre de familles divisées, la corruption, l’insécurité et un climat général de
violence ne cessent d’augmenter », commencent par constater les évêques.
L’épiscopat
pointe le doigt sur une plaie qui affecte toute l’économie du pays : celle de l’exploitation
des richesses naturelles de l’île par des multinationales. « N’est-ce pas du vol
caractéristique ? De plus, beaucoup de ces sociétés échappent aux impôts, aussi bien
dans notre pays que dans leur pays d'origine, en plaçant leurs bénéfices dans des
paradis fiscaux, privant ainsi les communautés locales des ressources qui leur reviennent
de droit. Nos dirigeants sont complices, ne pensant qu’à s’enrichir et ne se soucient
en rien du bien commun. »
Le pays est moribond mais l’espoir est là
Les
étrangers sont également présents en politique et ce « par le manque de volonté politique
et par l’absence de tout sens patriotique de la part de nos dirigeants. L’autorité
de l’Etat est inexistante, elle ne protège plus le peuple, elle n’est plus fiable.
Le bien commun et le bien des personnes ne sont plus respectés. Un nuage inquiétant
s’étend sur les jeunes et sur des générations futures. Les essaims de criquets qui
recouvrent plus de la moitié de Madagascar, et que chacun regarde sans aucune réaction,
ne sont-ils pas l’image forte de ce que nous vivons ? Le pays est moribond ».
Malgré
ce tableau plus que négatif que les évêques dénoncent avec force, il y a des motifs
d’espérer et il s’agit des prochaines échéances électorales. « Nous demandons instamment
que les citoyens puissent exprimer librement leur choix, et que les résultats des
différents scrutins ne soient pas manipulés. »
Appels aux politiques
Les
prélats s’adressent directement aux dirigeants ou aux aspirants dirigeants. « Que
le bien commun et le respect des personnes soient au centre de vos discours et de
vos actes tout au long des campagnes électorales à venir ; que la démagogie n’y ait
pas sa place ; ne mettez pas notre pays aux enchères, soyez fidèles à la parole donnée,
et restez des personnes dignes de confiance. Vous les hommes politiques de bonne volonté,
vous les intellectuels, espoir de la nation, vous les militaires, rempart du pays,
vous les patriotes, ravivez les valeurs ancestrales : l’attachement au Fihavanana
(réconciliation et bonnes relations), l’amour de la vie et la crainte de Dieu. Cela
exigera de vous un changement de comportement, une nouvelle gouvernance de la nation,
et l’utilisation de nos richesses pour tous. Ainsi notre pays deviendra-t-il indépendant
et progressera-t-il pour le bien de tous. Nous encourageons fortement tous ceux qui
veulent réaliser cette ambition. » Un message fort et clair dans une période confuse
et par bien des aspects obscure.
Photo : « les essaims de criquets
qui recouvrent plus de la moitié de Madagascar, et que chacun regarde sans aucune
réaction, ne sont-ils pas l’image forte de ce que nous vivons ? Le pays est moribond
» ont écrit les évêques malgaches