Emeutes en Suède : la fin d'un modèle d'intégration ?
Plusieurs véhicules ont de nouveau été incendiés dans la nuit de vendredi à samedi
dans des quartiers pauvres de Stockholm, la capitale suédoise. Des forces de sécurité
supplémentaires ont été déployées sur place. Les émeutes en Suède semblent même faire
tache d'huile puisque des véhicules et des bâtiments ont également été incendiés dans
les villes moyennes d'Uppsala, d'Oerebro et Linkoeping.
Le chômage des jeunes
et la difficile intégration d’immigrés explique en partie le malaise derrière ces
explosions de violence. Cette flambée de violence fait les gros titres de la presse
en Europe, peu habituée à évoquer des émeutes dans le pays scandinave. Des épisodes
de violences qui sont directement liés à l’évolution du modèle socio-économique suédois
comme nous l’explique Frédérique Harry, chercheuse au département des études scandinaves
à la Sorbonne à Paris
Pour
la chercheuse, ces émeutes s’expliquent principalement par « une montée des inégalités
continue depuis une quinzaine d’années » qui a agrandi la fracture entre « ceux qui
s’intègrent facilement et ceux qui, pour des raisons sociologiques, ont tendance à
être exclus (et de façon continue) du marché du travail. »
Depuis 25 ans,
un changement de modèle lié à une forte augmentation des inégalités
Pour
Frédérique Harry, les réformes libérales prises par la Suède à la suite de la crise
économique des années 1990 ont eu tendance à « miner un peu l’idée du collectif »
qui caractérise le modèle scandinave, au profit d’un individualisme croissant. Selon
elle, « les émeutes qui arrivent aujourd’hui sont le signe d’un problème qui existe
depuis un certain nombre d’années. »
Les questions sociales, premières raisons
des émeutes
Selon la spécialiste des études scandinaves, cela ne fait aucun
doute : « les problématiques sociales sont celles qui sont venues en priorité ». Elle
insiste notamment sur cette jeunesse marginalisée « qui se sent exclue, qui ne voit
aucune perspective pour elle et qui est touchée par un chômage de masse ». Ces émeutes
suédoises sont donc très proches de celles de France, de Londres ou de Copenhague.
La
question communautariste, si elle n’est pas parmi les causes principales des émeutes,
est canalisée par l’extrême droite pendant les émeutes : « des groupes de jeunes skinhead
ont commencé à aller dans ces banlieues, soi-disant pour assurer la sécurité mais
en réalité pour se confronter à ces émeutiers » et cela alimente la tension communautaire.
La
Suède est encore aujourd’hui un pays d’accueil
Si la Suède est toujours
une terre d’accueil, l’extrême droite se bat pour inverser cette politique d’immigration
jugée trop favorable. Et ces émeutes arrivent parfaitement dans leur calendrier puisqu’un
débat au Parlement sur les questions d’immigration est prévu pour la fin du mois,
« justement demandé par l’extrême droite qui a fait son entrée au Parlement aux dernières
élections en 2010 ». Pour contrecarrer les projets de ces groupes extrémistes,
le Premier Ministre a rappelé dès le début des événements que « la Suède est une terre
d’accueil et c’est une très bonne chose aujourd’hui ».
Propos recueillis
par Olivier Bonnel
(Photo : à Stockholm, des pompiers éteignent l'incendie
d'une école mise à feu)