« L’hospitalité est la marque de fabrique de l’Eglise », a déclaré le cardinal Veglio
en ouverture de la XXème session plénière du Conseil pontifical pour la pastorale
des migrants et des personnes en déplacement. Elle se tient du 22 au 24 mai au Vatican
et a pour thème « La sollicitude pastorale de l’Eglise dans le contexte des migrations
forcées »
Une vue d’ensemble du phénomène migratoire
L’Eglise
est très certainement l’une des seules institutions à pouvoir proposer une vue d’ensemble
par sa présence sur tous les continents et par son action en première ligne au service
des migrants et des personnes déplacées. Elle se base sur les rapports annuels des
conférences épiscopales nationales qui permettent d’offrir une vision globale du phénomène
migratoire à l’échelle internationale. L’OIM (l’Organisation Mondiale pour les Migrations)
estime ainsi en 2011 à 214 millions le nombre de migrants dans le monde soit 3% de
la population totale de la planète. A ceux-ci s’ajoutent les 740 millions de migrants
internes, en tout 1 milliard de personnes sont donc concernées par la migration, 1/7ème
de la population du globe. Le classement des pays d’origine et des pays d’accueil
varie peu. En tête de ceux qui fournissent les plus gros bataillons de migrants l’on
retrouve le Mexique, l’Inde, la Chine, le Bangladesh ou encore les territoires palestiniens.
Ils émigrent majoritairement aux Etats-Unis mais aussi en Allemagne, Arabie Saoudite
et au Canada. En queue de classement, la France, l’Espagne et le Royaume-Uni.
Des
situations très diversifiées selon les continents : L’Europe…
Les rapports
des conférences épiscopales mettent en lumière l’extrême diversité du phénomène migratoire
selon les continents qui sont concernés. L’Europe est évidemment à la fois louée pour
les politiques d’intégration et d’assistance mises en œuvre pour l’accueil des immigrés
mais aussi pointée du doigt pour les politiques restrictives mises en œuvre ces dernières
années. La Suisse, le Royaume-Uni, le Danemark sont ainsi les premiers à avoir introduit
des quotas et imposé des critères plus stricts pour l’acquisition de la nationalité.
L’Italie et l’Espagne ont en revanche noué des accords avec des pays du Maghreb pour
enrayer le phénomène migratoire à sa source. Le problème n’a été que déplacé. A l’immigration
maritime tragiquement à la une de l’actualité régulièrement, s’ajoute désormais celle
terrestre par la Grèce et la Turquie. L’Eglise a pris depuis longtemps en compte le
fait que l’Europe était devenue multiethnique et pluri religieuse. Elle se mobilise
donc pour sensibiliser les opinions publiques à ne pas épouser les dérives racistes
et xénophobes qui ont explosé sur le continent en cette période de crise économique
aigue.
…Les Amériques…
Aux Amériques, la situation
est évidemment bien différente. L’immigration est presque intrinsèque à la vie du
contient. Aux Etats-Unis, 12% de la population est issue de l’immigration, 20% au
Canada. Une immigration qui provient en grande partie de l’Amérique Latine et des
Caraïbes. L’Amérique du Sud est, elle, caractérisée par une immigration interne. Entre
70 et 90% des flux migratoires vers l’Argentine, le Chili, le Pérou, l’Equateur ou
l’Uruguay sont d’origine et/ou à destination des pays limitrophes. Des migrations
qui s’inscrivent dans des contextes de pauvreté, de criminalité et de différences
sociales exacerbées. Au Nord comme au Sud du continent américain, l’Eglise dénonce
les dérives, les problèmes et cherche à peser sur les gouvernements pour que la dignité
humaine soit mieux prise en compte dans les législations.
…Et l’Afrique
L’Afrique
est bien sûr la première concernée par le phénomène migratoire. Mais l’Eglise ne s’arrête
pas à ce lieu commun et va à l’encontre d’idées reçues. Certains en Europe parlent
« de vagues migratoires africaines », en fait depuis 2009, seulement 20 millions d’africains
ont émigré hors du continent soit 2% de la population totale. En 2010, 64% des migrants
originaires d’Afrique Sub-Saharienne se sont déplacés dans des pays limitrophes plus
stables. La population africaine reste celle la plus mobile au monde. Mais les flux
migratoires à l’intérieur comme à l’extérieur du continent y sont extrêmement diversifiés
et complexes. Travailleurs immigrés, réfugiés suite à des conflits, travailleurs
transfrontaliers, trafic d’êtres humains… constituent une véritable mosaïque. L’Eglise
joue son rôle d’assistance humanitaire, d’accueil et de soutien des plus démunis,
de formation se substituant souvent à des organisations internationales absentes ou
insuffisantes.
Le migrant, pas un péril mais une opportunité
C’est
le Pape émérite Benoît XVI qui a le mieux exprimé le défi des migrations pour l’Eglise.
Lors de la journée mondiale du migrant et du réfugié en 2012 il avait rappelé que
« le phénomène actuel des migrations est une opportunité providentiel pour l’annonce
de l’Evangile dans le monde contemporain. Les hommes et les femmes provenant de diverses
régions de la terre, avait-il expliqué, qui n’ont pas encore rencontré le Christ ou
le connaissent seulement de manière partielle, demandent à être accueillis dans des
pays de vieille tradition chrétienne. A leur égard, il est nécessaire de trouver des
modalités adéquates pour qu’ils puissent rencontrer et connaitre le Christ et expérimenter
le don inestimable du salut qui pour tous est une source de vie en abondance. » C’est
grâce à cette démarche d’accueil et d’ouverture que les migrants pourront devenir
les protagonistes de l’annonce de l’Evangile, un élément fondamental en cette Année
de la Foi.
(Photo Reuters : migrants éthiopiens à la frontière avec
l'Arabie Saoudite en attente de rapatriement 21/05/13)