2013-05-13 19:14:15

Finance éthique ? "Tout dépend des valeurs et priorités de ses acteurs"


Un système financier orienté vers le bien commun. Le Saint-Siège souhaite que la société civile, les Etats et les multinationales agissent de concert pour mettre en place un tel système. C’est le président du Conseil pontifical Justice et Paix, le cardinal Peter Turkson, qui l’a affirmé lundi 13 mai à l’ouverture d’un colloque sur l’éthique bancaire réunissant au Vatican banquiers, chefs d’entreprise et économistes.

La finance pour le bien commun. Autrement dit : la finance éthique. Une finance qui prend en compte des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance. Et dans cette finance se trouvent évidemment les marchés. Des marchés « au service du bien commun », c’était l’un des thèmes abordés lundi.

Pour ce bien commun, les marchés et les acteurs financiers ont-ils besoin de règles ou peuvent-il s’autoréguler ? « A partir du moment où des personnes interagissent », comme c’est le cas sur les marchés, entre épargnants et investisseurs, « tout dépend des valeurs et des priorités de ces personnes ».

Règles et autorégulation, il faut donc les deux, répond Pierre de Lauzun, l’un des animateurs du colloque, directeur général adjoint de la Fédération bancaire française et délégué général de l’Association française des marchés financiers. Il a accordé un entretien à Radio Vatican, il est au micro d’Antonino Galofaro : RealAudioMP3

Des règles pour réguler la finance et ses acteurs sont indispensables selon l’économiste. « Si vous ne comptez que sur la moralité des gens, évidemment, les bandits font ce qu’ils veulent. » Démonstration par l’exemple : sur la route, « si vous ne comptez que sur les policiers et que tout le monde conduit n’importe comment, ça ne fonctionne pas. » Pour Pierre de Lauzun, il y a donc à la fois un besoin « d’intériorisation des règles », donc d’un « changement culturel le plus large possible. » Mais pour lui, il faut dans le même temps des règles pour « limiter les excès ».

Une autorité supranationale

Finance globalisée oblige, faut-il une autorité supranationale pour édicter ces règles ? L’idée avait été avancée par le cardinal Peter Turkson lui-même, en 2011. Pierre de Lauzun semble adhérer à cette idée, car pour lui, « si vous régulez correctement le marché dans un pays A et que le pays B autorise n’importe quoi, tout le monde va aller dans le second pays. » Le marché va donc se déplacer là où il est le moins régulé, « ce qui n’est pas bon ».

Mais l’économiste se veut réaliste : « prenez l’Union européenne et les Etats-Unis. Ils définissent leurs règles chacun de leur côté. Il n’est donc pas facile de les obliger à se mettre d’accord sur des règles internationales. » Selon le cardinal Peter Turkson lundi, l’idée d’une supervision des banques, notamment européennes, a perdu de sa force.

Le président du Conseil pontifical Justice et paix propose donc une politique des petits pas : commencer par favoriser la supervision des systèmes bancaires au niveau national, par pays.

Le concept de finance éthique et ses limites

Un ancien analyste ISR (Investissement socialement responsable) pour une agence de notation américaine, Gaëtan Mortier, la dénonce dans son livre « Finance éthique : le grand malentendu ». En résumé, cette politique économique n’est qu’une image, comme peut l’être le greenwashing, ce procédé marketing qui a pour but de se donner une image éco-responsable.

Pour Pierre de Lauzun, il y a bien une partie « de façade », mais « le fait qu’il y en ait une a l’avantage de l’hypocrisie : reconnaitre qu’il y a un certain bien à faire quelque part ». L’éthique donc, mais avec les réalités du milieu : il est clair pour lui que si on investit sur les marchés, « c’est pour avoir un certain rendement, sinon ce n’est pas un investissement. » C’est donc là où il faut être responsable, poursuit-il. « Mais attendre un rendement zéro, c’est accepter de gaspiller de l’argent, ce qui n’est pas bien non plus. Produire est un bien commun, pas gaspiller. »

« Il y a donc aussi une attitude éthique à avoir par rapport à ce que l’on attend en terme de résultats. »

Une journée de colloque, un pas sur une route encore longue, encore d’ailleurs « au début du processus ». De plus, reste une question, et une question centrale : « comme le rappelait Benoît XVI, se souvient Pierre de Lauzun, quand on parle d’éthique, faut-il encore savoir de quoi on parle ? »

« Si l’éthique, c’est uniquement l’environnement ou le travail, conclut-il, c’est très bien. Mais ce n’est pas du tout suffisant. Il faut regarder la manière dont on traite l’environnement politique, la société autour, les clients, les fournisseurs, les produits, et ainsi de suite. »

Antonino Galofaro

(Photo : Place boursière de Francfort)







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