Il y a 35 ans, les Brigades Rouges assassinaient Aldo Moro
L’affaire Moro. C’est l’un des « mystères d’Italie » les plus célèbres. Ces pages
obscures et de l’Histoire de la péninsule toujours pas éclaircies et où les questions
sont plus nombreuses que les réponses. 9 mai 1978, via Caetani dans le cœur de Rome
à mi-chemin des sièges de la DC et du PCI est retrouvé dans le coffre d’une voiture
le corps sans vie d’Aldo Moro. Le leader de la Démocratie Chrétienne avait été enlevé
55 jours auparavant par les Brigades Rouges. « Espérons que les Brigades rouges auront,
par la froideur inhumaine avec laquelle elles commettent leurs crimes, dévoilé leur
vraie nature aux quelques individus qui avaient vu en elles des compagnons de route
» , écrivit alors Primo Levi dans « La Stampa »
Un enlèvement violent qui
bouleverse l’Italie
16 mars 1978, rue Stresa en plein Rome, un groupe de
membres de Brigades Rouges tend un guet-apens à Aldo Moro en route pour la chambre
des députés. Les parlementaires doivent discuter du vote de confiance au gouvernement
du démocrate-chrétien Giulio Andreotti qui doit obtenir la neutralité du Parti Communiste.
Un « compromis historique » honni par les franges les plus extrémistes de l’extrême
gauche. Le groupe de terroristes abat froidement les cinq gardes du corps, les agents
de police Raffaele Iozzino (1953-1978) et Giulio Rivera (1954-1978), le brigadier
de police Francesco Zizzi (1948-1978), l’appointé des carabiniers Domenico Ricci (1934-1978)
et le maréchal des carabiniers Oreste Leonardi (1926-1978). Aldo Moro, figure de premier
plan de la vie politique italienne, plusieurs fois président du Conseil est enlevé.
C’est le début d’une détention qui durera près de deux mois dans un appartement romain.
L’Italie
retient son souffle
Les Brigades rouges proposent d’épargner leur prisonnier
en échange de la libération de plusieurs de leurs compagnons emprisonnés. Aldo Moro
écrit dans le même temps une centaine de lettres à ses proches, aux principaux dirigeants
de la DC ainsi qu’au Pape Paul VI dont il était l’ami. Des missives prônant l’ouverture
et le dialogue. Elles se heurtent à l’intransigeance des terroristes et à l’exigence
de libération sans condition de la part du gouvernement. Les négociations échouent.
Son destin est scellé. Au cours d’un « procès populaire » instruit par ses geôliers,
il est condamné à mort. La découverte de son cadavre bouleverse le pays. Les premières
arrestations parmi les brigadistes responsables interviennent dès le mois d’octobre
1978. Mario Moretti, reconnu comme le principal organisateur, ne sera arrêté qu'en
1981. Les causes et les conditions de sa capture, de sa détention et de son assassinat
n’ont pas été complètement éclaircies à ce jour malgré les nombreux procès et les
multiples enquêtes. Implication de la mafia, influence des services secrets américains
ou de la Stasi Est-Allemande, les hypothèses les plus variées ont été évoquées et
jamais démenties.
Les funérailles célébrées par Paul VI
C’est
Paul VI qui préside le rite funèbre d’Aldo Moro dans la basilique Saint-Jean-de-Latran,
le 13 mai 1978. Le Pape visiblement affecté et éprouvé par la perte d’un ami prononce
alors une prière qui restera célébre. « Seigneur, écoute-nous! Et qui peut écouter
notre plainte, sinon encore Toi ô Dieu de la vie et de la mort? Tu n'as pas exaucé
notre supplication pour garder de la mort Aldo Moro, cet Homme bon, doux, sage, innocent
et ami. Mais Toi ô Seigneur, tu n'as pas abandonné son esprit immortel, empreint de
la Foi au Christ, qui est la résurrection et la vie. Pour lui, pour lui. Seigneur
écoute-nous! Fais ô Dieu, Pire de miséricorde, que ne soit pas interrompue la communion
qui, même dans les ténèbres de la mort subsiste entre les Défunts et nous. Nous qui
sommes encore vivants en cette journée d'un inexorable soleil couchant. La destinée
de notre être de rachetés n'est pas vaine: notre chair ressuscitera, notre vie sera
éternelle! Oh! que notre foi égale dès maintenant cette réalité promise. Nous les
reverrons, heureux dans le Dieu infini, Aldo Moro et tous les vivants dans le Christ! Seigneur,
écoute-nous! Et en attendant, ô Seigneur, fais que, apaisé par la vertu de ta Croix,
notre cœur sache pardonner l'outrage injuste et mortel infligé à cet Homme si cher
et à ceux qui ont subi le même sort cruel. Fais que nous recueillions tous, dans le
pur linceul de son noble souvenir, l'héritage qui demeure de sa conscience droite,
de son exemple humain et cordial, de son don à la rédemption civile et spirituelle
de la chère Nation italienne. »
(Photo : Messe de funérailles d'Aldo Moro célébrée
par le Pape Paul VI)