Une page d’Histoire se tourne. Jamais une expression si souvent galvaudée n’aura été
aussi pertinente en ce qui concerne la disparition de Giulio Andreotti. Né en 1919
l’année de naissance du fascisme, il aura vécu en tant que témoin ou acteur les grands
évènements du XXème siècle dans la péninsule. Membre de l’Assemblée constituante en
1946, à 7 reprises président du conseil, il est considéré comme l’un des pères de
la Démocratie Chrétienne qui régna sur la vie politique italienne pendant 45 ans.
Un homme politique hors du commun
Grand homme d’Etat pour ses
admirateurs, Machiavel cynique pour ses détracteurs il a occupé le devant de la scène
et les coulisses de la vie publique en Italie. 21 fois ministre, occupant presque
tous les postes de gouvernement lors des premières années de la République (8 fois
ministre de la défense, 5 fois des Affaires étrangères, 2 fois de l’économie mais
aussi de l’intérieur, du trésor…) , il est président du conseil lors de l’enlèvement
d’Aldo Moro (1978-1979) mais aussi lors du « compromis historique » avec le Parti
Communiste (1976-1977).
Lumières et zones d’ombre
Membre de
l’assemblée constituante en 1946 qui marque le retour de la démocratie en Italie
après vingt ans de fascisme, il est le bras droit à 28 ans d’Alcide de Gasperi, père
fondateur de la DC dont il sera le sous-secrétaire à la présidence du conseil, un
poste clé. Andreotti devient la figure principale de l’aile la plus conservatrice
de la toute nouvelle Démocratie Chrétienne. Fervent catholique, il a ses entrées au
Vatican et noue un dense réseau de contacts internationaux. Ministre des Affaires
étrangères du socialiste Bettino Craxi au début des années 80, il développera une
diplomatie misant sur le dialogue Est-Ouest et sur l'ouverture de l'Occident au monde
arabe. La mafia se souvient de lui comme de « l’oncle Giulio ». La collusion avec
la mafia, toujours invoquée jamais prouvée. Giulio Andreotti est accusé d'avoir commandité
à la mafia en 1979 le meurtre du trop curieux journaliste Mino Pecorelli, il est condamné
après de longues années de procédure à 24 ans de prison, mais sera finalement blanchi
en 2003 par la Cour de cassation.
L’ironie comme défense et arme politique
Ses
aphorismes font figure de véritable programme politique. « Le pouvoir use celui qui
ne l’a pas » aimait il dire. « On pèche en pensant à mal mais souvent on devine… »
répétait-il. Deux maximes qui reflète nt son gout du secret et des intrigues, ses
principales caractéristiques. Le Pape noir, Belzébuth, le Divin Giulio ou le Richelieu
italien autant de surnoms qui lui ont été donnés pour louer ou dénoncer son « transformisme
» trait indispensable pour un homme politique italien. « L’inoxydable » est un
autre surnom qui exprimait cette fois son incroyable longévité. « On me met tout
sur le dos, sauf les guerres puniques parce que j'étais trop petit », a-t-il lancé
un jour, dans une allusion ironique aux conflits qui ont opposé Rome à Carthage durant
l'Antiquité. Il est mort à Rome ce lundi 6 mai à l'âge de 94 ans.