Les funérailles de Margaret Thatcher, monstre sacré du XXe siècle, se sont déroulées
mercredi en la cathédrale Saint-Paul de Londres, imposantes et controversées à l'image
de "la Dame de fer". La reine Elizabeth II siégeait au premier rang des 2.300 invités
triés sur le volet, dans l'imposant édifice religieux, mi-classique mi-baroque.
Le
décorum des "obsèques cérémonielles" avec honneurs militaires témoignaient de la dimension
politique du Premier ministre de 1979 à 1990. Bien qu'un cran en-dessous des funérailles
nationales accordées au duc de Wellington, à l'amiral Nelson ou à Churchill, le triomphateur
du nazisme pleuré par la Nation unanime en 1965. Son enterrement avait été le dernier
auquel la reine avait assisté, à titre exceptionnel.
Présence nationale
et internationale
L'ensemble du gouvernement autour du conservateur David
Cameron, tous les ex-Premiers ministres britanniques (dont le travailliste Tony Blair
qui revendique une partie de son héritage) avaient pris place dans la nef. Downing
street a répertorié la présence de deux chefs d'Etat, 11 Premiers ministres et 17
chefs de la diplomatie en exercice. Au total, 170 pays avaient dépêché des représentants
de plus ou moins haut rang, reflétant les usages protocolaires mais aussi les appréciations
diverses de l'héritage thatchérien. Ainsi, l'Argentine et la Russie ont boycotté la
cérémonie.
Plus surprenant aux yeux des commentateurs britanniques, aucun des
anciens locataires de la Maison Blanche n'avait répondu à l'invitation de célébrer
"la relation privilégiée" anglo-américaine chère à "Mrs T". Deux fossoyeurs de la
guerre froide (le dernier président de l'URSS Mikhaïl Gorbatchev et le réunificateur
de l'Allemagne, Helmut Kohl) s'étaient excusés, pour raison de santé. En revanche,
des crooners et célébrités des années 80 parsemaient l'assistance, dont Anya Hindmarch,
la créatrice des redoutés sacs à main, centraux dans le look de "la Dame de fer".
Une
cérémonie réglée comme du papier à musique
Mme Thatcher avait tout régenté
: hymnes méthodistes de son enfance et extraits de compositeurs anglais qui attestent
de son patriotisme jusque dans ses goûts musicaux. Elle voulait une cérémonie apolitique,
mais l'évêque de Londres Richard Chartres a évoqué "l'ouragan d'opinions conflictuelles
autour de Mme Thatcher". Le service religieux n'est pas conçu pour "passer des jugements,
ce qui est le propre des politiciens" mais pour favoriser "la compassion et réconciliation",
a-t-il ajouté.
"C'est l'hommage qui convient pour un grand Premier ministre,
respectée à travers le monde", avait déclaré dans la matinée le chef du gouvernement
conservateur, David Cameron, visiblement sur la défensive. Nombre d'opposants n'en
ont pas moins exprimé mercredi leur colère contre le coût social de la révolution
libérale thatchérienne, ou leur opposition à son modèle de société, à l'instar de
nombreux jeunes sur les réseaux sociaux.
Le cercueil a défilé sur l'affût
d'un canon
Scotland Yard, qui avait déployé 4.000 policiers pour parer
à toute éventualité, a fait savoir que la contestation serait tolérée, "pourvu qu'elle
s'exerce dignement". A part les cris d'opposants, dans la foule de dizaines de milliers
de sympathisants et de badauds massés derrière des barrières métalliques, la procession
s'est déroulée sans incident.
Le cercueil de la baronne de Kesteven, née Margaret
Hilda Roberts d'un père épicier, drapé dans l'Union Jack, a entamé sa procession à
11 heures. Surmonté d'un bouquet de roses blanches accompagné d'un mot manuscrit :
à notre mère bien aimée, pour toujours dans nos coeurs", signé Mark et Carol, ses
jumeaux Il a remonté les rues de la capitale sur l'affût d'un canon de la 1ère guerre
mondiale, au son des marches funèbres de Chopin, Beethoven et Mendelssohn.
Le
carillon de Big Ben avait été réduit au silence, en signe de respect. Mais 19 coups
de canon et une cloche unique, à St Paul, ont rythmé l'approche. L'ex-Premier ministre
devait être incinérée lors d'une cérémonie privée. (AFP)