Patrice de Plunkett : "François montre que l'Eglise est capable de se régénérer"
Il y a un mois, jour pour jour, le 13 mars 2013, le cardinal argentin Jorge Mario
Bergoglio devenait le 265ème successeur de Pierre, premier pape latino-américain.
Une élection, au terme de cinq scrutins, qui a créé la surprise et, évènement dans
l’évènement, c’est le nom de François que le pape jésuite a choisi.
Ce début
de pontificat a été observé, scruté avec une grande attention par les médias, plutôt
élogieux, et dans le même temps croyants comme non croyants ont manifesté un véritable
intérêt, voire un engouement à l’égard de ce nouveau souverain pontife.
Un
pape qui, s’il n’a pas encore dévoilé les grandes lignes de son action, a déjà imprimé
son style. Patrice de Plunkett, journaliste et écrivain français, auteur de plusieurs
ouvrages sur le pontificat de Benoît XVI, analyse cet enthousiame mondial pour François.
Il est interrogé par Hélène Destombes.
L'interview
en intégralité :
« Ce qui est totalement nouveau et qui suscite un
mouvement de sympathie et d’intérêt international, dépassant de très loin les seuls
milieux catholiques, c’est le style chaleureux, direct, le langage très simple et
en même temps très dense qui caractérise la pastorale du pape François. Les gens ont
compris que sur le fond, il n’y aucun hiatus entre lui et son prédécesseur, entre
lui et ses prédécesseurs, mais son style personnel répond indiscutablement à l’attente
du monde actuel, des gens d’aujourd’hui. Il est en mesure de faire passer un langage
accessible à tout le monde, l’essentiel du message de la foi. Pour résumer, Jean-Paul
II avait mis l’accent sur l’espérance, Benoît XVI sur la foi et, de toute évidence,
le pape François met l’accent sur la charité, l’amour, la miséricorde. Tout cela est
parfaitement cohérent.
Ce sont les paroles ou les gestes du pape qui touchent
le plus le cœur des croyants et des non-croyants ?
Comme dans tout apostolat
et depuis les prophètes d’Israël, ce sont évidemment les gestes. Le geste précède
le message, le geste incarne le message. Mais dans le catholicisme, le geste et le
contenu du message sont indissociables. C’est à l’apôtre, au pasteur de faire en sorte
que ses gestes soient toujours porteurs du message. Donc le fait que les gestes du
pape attirent vers lui les cœurs, c’est le préalable à toute évangélisation. Mais
d’une certaine façon, c’est l’évangélisation. Le lavement des pieds, c’est l’évangélisation.
Mais
ce style du nouveau pape qui suscite un véritable intérêt, suffira-t-il à évangéliser
?
Naturellement, ça ne suffira pas. Si les laïcs de nos pays d’Europe occidentale
ne se retroussent pas les manches, ne sortent pas de chez eux et ne font pas ce que
le cardinal Bergoglio demande, ça ne suffira pas. Lui dit qu’il faut sortir, aller
dans les parcs publics, organiser, baptiser et surtout éviter la maladie spirituelle
d’une église qui serait enfermée dans son propre monde. Cette phrase est propre au
pape et elle est essentielle, car les catholiques de nos pays, qui sont évidemment
en butte à une ambiance assez hostile, ont tendance à se replier sur eux-mêmes comme
dans un bunker. Cette attitude est catastrophique car c’est le contraire du christianisme.
Si les laïcs répondent à l’appel du pape, ça ne suffira pas (rien ne suffit jamais),
mais le travail d’évangélisation se fera.
Peut-on considérer que la première
réforme du pape François réside dans sa manière même de concevoir sa fonction ?
La
première réforme du pape François, c’est le pape Benoît XVI qui l’a faite en démissionnant.
C’est-à-dire en « désacralisant », volontairement ou délibérément, mais symboliquement,
la fonction pontificale, en montrant au monde entier que cette fonction est un service.
En arrivant, avec ce climat de simplicité franciscaine que ce jésuite a installé dès
les premières minutes de son pontificat, la réforme s’installait dans les esprits.
La grande réforme, la réforme essentielle, c’est de faire comprendre au monde
non-croyant ce qu’est réellement l’Eglise, c’est-à-dire le service de la vérité du
Christ. Tout ce qui, dans la façon de faire de l’Eglise, pourrait faire obstacle à
l’évangélisation doit être déblayé. Il faut désencombrer l’Eglise, mais le laïc doit
également désencombrer sa propre vie quotidienne de tout ce qui peut faire obstacle
à la transmission du message. C’est-à-dire au témoignage.
Quels sentiments
vous inspirent cet engouement, cet enthousiasme, qui laissent certains perplexes voire
critiques ?
Il y a des milieux conservateurs qui rechignent devant cet
enthousiasme général envers le pape. Voir le monde entier applaudir le nouveau pape…
Moi, je ne vais pas bouder mon plaisir. C’est excellent. Evidemment, cette unanimité
ne continuera pas. Mais c’est déjà énorme qu’il y ait eu une telle unanimité. C’est
très bien. Cela montre que l’Eglise est capable de se régénérer, de surprendre tout
le monde en créant l’événement alors qu’on l’enterrait déjà il y a un an (on disait
que l’Eglise catholique était en voie de disparition ou à peu près). Elle montre qu’elle
a en elle-même des énergies de renouvellement que les milieux politiques séculiers
ne possèdent pas. C’est une leçon extraordinaire. C’est cela que les gens applaudissent
: cet espèce de miracle de printemps de l’Eglise catholique qui se produit contre
toute attente. C’est cela qui soulève l’intérêt et l’enthousiasme. Alors ne boudons
pas notre plaisir. Mais cet intérêt, cet enthousiasme sont le terrain d’évangélisation
et, encore une fois, c’est à nous d’évangéliser.