Plusieurs mosquées ont été détruites mercredi dans le centre de la Birmanie selon
des sources policières, alors qu'un couvre-feu a été imposé dans de nouvelles communes
de la région dans un contexte de grandes tensions religieuses. Les violences entre
bouddhistes et musulmans qui avaient fait 40 morts la semaine dernière à Meiktila,
à des centaines de kilomètres de là, se sont désormais rapprochées de l'ancienne capitale,
Rangoun.
Une mosquée a été détruite à Nattalin mardi soir et une autre mercredi
à Zeegone, deux villes de la région de Bago, ont indiqué des sources policières. "Environ
400 personnes ont détruit la mosquée et des maisons musulmanes. Les soldats et la
police ont tiré en l'air pour disperser la foule", a précisé mercredi un habitant
de Zeegone à l'AFP. Plusieurs incidents du même type impliquant, selon plusieurs
témoignages, des groupes relativement organisés attaquant des biens musulmans, ont
été déplorés depuis lundi dans d'autres communes de la région, à environ 150 kilomètres
de Rangoun, sans faire de victimes.
"Pour empêcher les conflits et les émeutes",
les autorités locales ont imposé un couvre-feu du crépuscule à l'aube dans trois localités
touchées ces derniers jours, Gyobinggauk, Oakpho et Minhla, a indiqué mercredi le
quotidien d'Etat New Light of Myanmar. Des dizaines de personnes ont été arrêtées
pour leur participation supposée à toutes ces émeutes.
Une situation dramatique
constatée par les Nations-Unies
Le représentant spécial des Nations unies
pour la Birmanie Vijay Nambiar a estimé mardi, à l'issue d'une visite dans le pays,
que les maisons et bâtiments religieux des musulmans de Meiktila avaient été visés
avec une "efficacité brutale". "La plupart des gens à qui j'ai parlé semblaient
suggérer que les attaques avaient été perpétrées par des gens qu'ils ne reconnaissaient
pas vraiment et qui pourraient être venus d'ailleurs", a-t-il ajouté, évoquant également
une "propagande incendiaire" des deux côtés.
Un vent d'espoir souffle sur la
Birmanie depuis le début des réformes politiques il y a deux ans et le départ de la
junte militaire qui a dirigé le pays pendant 50 ans. Mais ces tensions religieuses
constituent un défi de tout premier ordre pour le nouveau régime. En 2012, des
affrontements entre bouddhistes de la minorité ethnique rakhine et musulmans de la
minorité apatride des Rohingyas avaient déjà fait plus de 180 morts et 110.000 déplacés
dans l'ouest.
Quand une simple querelle met le feu aux poudres
Et
mercredi dernier, une simple querelle entre un vendeur musulman et des clients à Meiktila,
près de la capitale Naypyidaw, a dégénéré dans des conditions qui restent à élucider. Des
quartiers entiers et des mosquées sont partis en fumée, tandis que des corps calcinés
gisaient dans les rues. L'armée n'en avait repris le contrôle samedi qu'investie des
pouvoirs de l'état d'urgence. Selon l'ONU citant des estimations du gouvernement,
plus de 12.000 personnes ont été déplacées.
Dans un pays où la majorité bamar
considère le bouddhisme comme une partie intégrante de l'identité nationale, les analystes
soulignent combien cette fracture religieuse est dangereuse pour le processus de réformes
et la stabilité du pays. Mardi, les Etats-Unis ont "fortement" conseillé à leurs
ressortissants d'éviter tout déplacement dans la région de Mandalay, où est située
Meiktila, et dans plusieurs quartiers de Rangoun, qui n'a pas été touchée par les
violences mais où les rumeurs sont constantes. (AFP)