Le Pape François: " Soyez des gardiens des dons de Dieu "
"La vocation à protéger ne concerne pas seulement les chrétiens", et "c'est François
d'Assise qui a enseigné "à avoir du respect pour toute créature, pour l'environnement".
Dans l'homélie de la messe d'inauguration de son pontificat, le Pape François nous
invite tous "à avoir du respect pour tous, pour chaque personne, spécialement les
enfants, les personnes âgées, tous ceux qui sont les plus fragiles et qui souvent
se trouvent à la périphérie de notre coeur". "Protéger toues les situations humaines,
en tant que parents, époux, amis, dans la confiance, dans le respect et le bien".
Le
Pape François a ensuite souligné que dans l'exercice de son service, le Pape regarde
vers celui qui est "humble, concret", cette figure de Saint Joseph dont c'est ce mardi
la solennité, et comme lui le Pape ouvre les bras à l'humanité entière, en se rappelant
que le jugement dernier sera sur la charité: celui qui a faim, soif, est étranger,
nu, malade, en prison. Seul celui qui est au service avec amour, a ajouté le Pape,
sait protéger ". La messe d'inauguration avait débuté par un tour du Pape François
au milieu de la foule Place Saint-Pierre, en papamobile découverte, des milliers de
personnes acclamant le nouveau Pape.
Regard sur l'homélie avec Marie Duhamel
Vêtu
seulement de sa soutane blanche et d'une pèlerine de même couleur, le premier pape
venu des Amériques est apparu à bord d'une jeep entièrement ouverte pour un long tour
sur la Place Saint-Pierre, au son de trompettes triomphales.Très souriant et debout
dans son véhicule, il a salué la foule, plus de 150 000 personnes qui l'acclamaient
sous un grand soleil avec des drapeaux de tous les pays, levant même parfois le pouce
en signe de connivence ou embrassant des bébés. Il est même descendu de son véhicule
pour caresser le visage d'un handicapé alité.
Le Pape a prié sur la tombe
de Saint Pierre
Après ce tour sur la Place Saint-Pierre, le Pape a rejoint
la Basilique Saint Pierre, et dans la crypte il a prié devant la tombe de Saint Pierre
puis est ressorti pour la messe, précédé de ses 180 cocélébrants: cardinaux, patriarches,
archevêques.
Pallium et anneau papal, le pape François a reçu alors les emblèmes
marquant le début officiel de son pontificat. Il était 9 heures 45 lorsque le doyen
du collège cardinalice Angelo Sodano a remis au nouveau pontife, le pallium et l'anneau
du pêcheur, choisi en argent doré et non en or par souci d'humilité. La messe a commencé
juste après la litanie des Saints et le salut de six cardinaux, représentant le collège
cardinalice, que le pape recevait avec chaleur, leur donnant parfois une légère accolade.
La
cérémonie était à la fois solennelle et simple surtout avec la tenue plutôt austère
du pape: pendant la procession depuis la tombe de Saint Pierre à l'intérieur de la
Basilique vers le parvis, il portait sur sa soutane blanche une chasuble beige frappée
d'une fine croix noire à dorures et une mitre, tenue qui contrastait avec les vêtements
d'apparat de la dizaine de patriarches des églises orientales qui l'accompagnaient.
Le Pape a concélébré avec près de 200 prélats, patriarches et prêtres. Parmi eux
les supérieurs généraux des jésuites et des franciscains. Jorge Bergoglio est le premier
pape jésuite et a choisi le nom du fondateur des franciscains, Saint François d'Assise.
Plus de 30 chefs d'Etat étaient assis aux premiers rangs du parvis de la Place Saint-Pierre.
Ci-dessous,
l'homélie du Pape François en intégralité
Chers frères et sœurs
! Je remercie le Seigneur de pouvoir célébrer cette Messe de l’inauguration
de mon ministère pétrinien en la solennité de saint Joseph, époux de la Vierge Marie
et Patron de l’Église universelle : c’est une coïncidence très riche de signification,
et c’est aussi la fête de mon vénéré Prédécesseur : nous lui sommes proches par la
prière, pleins d’affection et de reconnaissance.
Je salue avec affection
les Frères Cardinaux et Évêques, les prêtres, les diacres, les religieux et les religieuses
et tous les fidèles laïcs. Je remercie de leur présence les représentants des autres
Églises et Communautés ecclésiales, de même que les représentants de la communauté
juive et d’autres communautés religieuses. J’adresse mon cordial salut aux Chefs d’État
et de Gouvernement, aux Délégations officielles de nombreux pays du monde et au Corps
diplomatique.
Nous avons entendu dans l’Évangile que « Joseph fit ce
que l’ange du Seigneur lui avait prescrit : il prit chez lui son épouse » (Mt 1, 24).
Dans ces paroles est déjà contenue la mission que Dieu confie à Joseph, celle d’être
custos, gardien. Gardien de qui ? De Marie et de Jésus ; mais c’est une garde qui
s’étend ensuite à l’Église, comme l’a souligné le bienheureux Jean-Paul II : « Saint
Joseph a pris un soin affectueux de Marie et s’est consacré avec joie à l’éducation
de Jésus Christ, de même il est le gardien et le protecteur de son Corps mystique,
l’Église, dont la Vierge sainte est la figure et le modèle » (Exhort. apost. Redemptoris
Custos, n. 1).
Comment Joseph exerce-t-il cette garde ? Avec discrétion,
avec humilité, dans le silence, mais par une présence constante et une fidélité totale,
même quand il ne comprend pas. Depuis son mariage avec Marie jusqu’à l’épisode de
Jésus, enfant de douze ans, dans le Temple de Jérusalem, il accompagne chaque moment
avec prévenance et avec amour. Il est auprès de Marie son épouse dans les moments
sereins et dans les moments difficiles de la vie, dans le voyage à Bethléem pour le
recensement et dans les heures d’anxiété et de joie de l’enfantement ; au moment dramatique
de la fuite en Égypte et dans la recherche inquiète du fils au Temple ; et ensuite
dans le quotidien de la maison de Nazareth, dans l’atelier où il a enseigné le métier
à Jésus.
Comment Joseph vit-il sa vocation de gardien de Marie, de Jésus,
de l’Église ? Dans la constante attention à Dieu, ouvert à ses signes, disponible
à son projet, non pas tant au sien propre ; et c’est cela que Dieu demande à David,
comme nous l’avons entendu dans la première Lecture : Dieu ne désire pas une maison
construite par l’homme, mais il désire la fidélité à sa Parole, à son dessein ; c’est
Dieu lui-même qui construit la maison, mais de pierres vivantes marquées de son Esprit.
Et Joseph est « gardien », parce qu’il sait écouter Dieu, il se laisse guider par
sa volonté, et justement pour cela il est encore plus sensible aux personnes qui lui
sont confiées, il sait lire avec réalisme les événements, il est attentif à ce qui
l’entoure, et il sait prendre les décisions les plus sages. En lui, chers amis, nous
voyons comment on répond à la vocation de Dieu, avec disponibilité, avec promptitude,
mais nous voyons aussi quel est le centre de la vocation chrétienne : le Christ !
Nous gardons le Christ dans notre vie, pour garder les autres, pour garder la création
!
La vocation de garder, cependant, ne nous concerne pas seulement nous
les chrétiens, elle a une dimension qui précède et qui est simplement humaine, elle
concerne tout le monde. C’est le fait de garder la création tout entière, la beauté
de la création, comme il nous est dit dans le Livre de la Genèse et comme nous l’a
montré saint François d’Assise : c’est le fait d’avoir du respect pour toute créature
de Dieu et pour l’environnement dans lequel nous vivons. C’est le fait de garder les
gens, d’avoir soin de tous, de chaque personne, avec amour, spécialement des enfants,
des personnes âgées, de celles qui sont plus fragiles et qui souvent sont dans la
périphérie de notre cœur. C’est d’avoir soin l’un de l’autre dans la famille : les
époux se gardent réciproquement, puis comme parents ils prennent soin des enfants
et avec le temps aussi les enfants deviennent gardiens des parents. C’est le fait
de vivre avec sincérité les amitiés, qui sont une garde réciproque dans la confiance,
dans le respect et dans le bien. Au fond, tout est confié à la garde de l’homme, et
c’est une responsabilité qui nous concerne tous. Soyez des gardiens des dons de Dieu
!
Et quand l’homme manque à cette responsabilité, quand nous ne prenons
pas soin de la création et des frères, alors la destruction trouve une place et le
cœur s’endurcit. À chaque époque de l’histoire, malheureusement, il y a des « Hérode
» qui trament des desseins de mort, détruisent et défigurent le visage de l’homme
et de la femme.
Je voudrais demander, s’il vous plaît, à tous ceux qui
occupent des rôles de responsabilité dans le domaine économique, politique ou social,
à tous les hommes et à toutes les femmes de bonne volonté : nous sommes « gardiens
» de la création, du dessein de Dieu inscrit dans la nature, gardiens de l’autre,
de l’environnement ; ne permettons pas que des signes de destruction et de mort accompagnent
la marche de notre monde ! Mais pour « garder » nous devons aussi avoir soin de nous-mêmes
! Rappelons-nous que la haine, l’envie, l’orgueil souillent la vie ! Garder veut dire
alors veiller sur nos sentiments, sur notre cœur, parce que c’est de là que sortent
les intentions bonnes et mauvaises : celles qui construisent et celles qui détruisent
! Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, et même pas non plus de la tendresse
!
Et ici j’ajoute alors une remarque supplémentaire : le fait de prendre
soin, de garder, demande bonté, demande d’être vécu avec tendresse. Dans les Évangiles,
saint Joseph apparaît comme un homme fort, courageux, travailleur, mais dans son âme
émerge une grande tendresse, qui n’est pas la vertu du faible, mais au contraire,
dénote une force d’âme et une capacité d’attention, de compassion, de vraie ouverture
à l’autre, d’amour. Nous ne devons pas avoir peur de la bonté, de la tendresse !
Aujourd’hui,
en même temps que la fête de saint Joseph, nous célébrons l’inauguration du ministère
du nouvel Évêque de Rome, Successeur de Pierre, qui comporte aussi un pouvoir. Certes,
Jésus Christ a donné un pouvoir à Pierre, mais de quel pouvoir s’agit-il ? À la triple
question de Jésus à Pierre sur l’amour, suit une triple invitation : sois le pasteur
de mes agneaux, sois le pasteur de mes brebis. N’oublions jamais que le vrai pouvoir
est le service et que le Pape aussi pour exercer le pouvoir doit entrer toujours plus
dans ce service qui a son sommet lumineux sur la Croix ; il doit regarder vers le
service humble, concret, riche de foi, de saint Joseph et comme lui, ouvrir les bras
pour garder tout le Peuple de Dieu et accueillir avec affection et tendresse l’humanité
tout entière, spécialement les plus pauvres, les plus faibles, les plus petits, ceux
que Matthieu décrit dans le jugement final sur la charité : celui qui a faim, soif,
est étranger, nu, malade, en prison (cf. Mt 25, 31-46). Seul celui qui sert avec amour
sait garder !
Dans la deuxième Lecture, saint Paul parle d’Abraham,
qui « espérant contre toute espérance, a cru » (Rm 4, 18). Espérant contre toute espérance
! Aujourd’hui encore devant tant de traits de ciel gris, nous avons besoin de voir
la lumière de l’espérance et de donner nous-mêmes espérance. Garder la création, tout
homme et toute femme, avec un regard de tendresse et d’amour, c’est ouvrir l’horizon
de l’espérance, c’est ouvrir une trouée de lumière au milieu de tant de nuages, c’est
porter la chaleur de l’espérance ! Et pour le croyant, pour nous chrétiens, comme
Abraham, comme saint Joseph, l’espérance que nous portons à l’horizon de Dieu qui
nous a été ouvert dans le Christ, est fondée sur le rocher qui est Dieu.
Garder
Jésus et Marie, garder la création tout entière, garder chaque personne, spécialement
la plus pauvre, nous garder nous-mêmes : voici un service que l’Évêque de Rome est
appelé à accomplir, mais auquel nous sommes tous appelés pour faire resplendir l’étoile
de l’espérance : gardons avec amour ce que Dieu nous a donné !
Je demande
l’intercession de la Vierge Marie, de saint Joseph, des saints Pierre et Paul, de
saint François, afin que l’Esprit Saint accompagne mon ministère et je vous dis à
tous : priez pour moi ! Amen.