La lutte désespérée du Vatican pour sauver la paix en Irak en 2003
Le Vatican aura jusqu’au dernier moment joué la carte de la paix pour conjurer la
guerre . L’axiome de la diplomatie vaticane a été donnée par Pie XII en 1939. Le lendemain
de la signature du pacte germano-soviétique il déclare au Roi d'Italie le 24 août
« rien n'est perdu avec la Paix, tout est perdu avec la guerre ». C’est ce que le
Saint-Siège s’efforce depuis lors de faire comprendre aux dirigeants à la vieille
de chaque conflit. C’est ce qu’il a essayé de faire il y a dix ans à la vieille de
l’invasion de l’Irak par l’armée américaine.
La diplomatie vaticane joue
le tout pour le tout
Dès le début de l’année 2003 l’Eglise se mobilise
à tous les niveaux pour conjurer le spectre de la guerre. Jean-Paul II multiplie les
appels relayés par ses collaborateurs et les évêques du monde entier. Tous les canaux
diplomatiques mis à la disposition du Saint-Siège sont activés et des émissaires sont
envoyés pour inciter les américains et les irakiens à poursuivre sur la voie des négociations.
C’est le cas du cardinal Roger Etchegaray qui atterrit à Bagdad le 11 février 2003
porteur d’un message personnel pour Sadam Hussein. «La guerre ne saurait être seulement
la dernière, elle est aussi la pire des solutions et nul ne peut s’y résigner». Cette
phrase prononcée à son arrivée à un immense retentissement mais malheureusement bien
peu d’effets. Le Vatican n’a pas de divisions militaires à sa disposition ni de pressions
économiques à exercer mais elle use de la seule arme légitime dont elle dispose :
l’autorité morale et spirituelle du Pape. Le 15 janvier 1991, à la veille la première
guerre du Golfe, Jean-Paul II avait écrit à Saddam Hussein et au Président Bush, les
enjoignant de faire «un geste généreux de dernière minute» pour sauver la paix. Douze
ans après, la situation est identique.
Le prélat français est l’homme de la
situation, lui qui a été le premier évêque catholique à se rendre dans la Chine communiste.
Il est présenté comme l’homme des missions impossibles. Celle dont il est chargée
en ce mois de février 2003 peut-être plus que les autres. Il doit à la fois inciter
les autorités irakiennes à poursuivre les négociations et témoigner de la solidarité
de l’Eglise à ces frères d’Orient mais aussi au peuple irakien dans son ensemble «exténué
par plus de douze années d’embargo», comme l’a souvent répété Jean-Paul II. «Il est
important que l’on sache que les chrétiens ne veulent pas la guerre, que l’Eglise
a toujours essayé d’empêcher toute tentative de faire la guerre», affirmait en écho
Monseigneur Jean Sleiman, Archevêque catholique des latins de Bagdad
Tenter
jusqu’au bout de faire plier les Etats-Unis
C’est l’objectif du cardinal
Pio Laghi, l’envoyé du Vatican à Washington le 6 mars 2003. "La paix est la plus noble
entreprise de l'homme". Il ne cessera de le répéter aux autorités américaines, faisant
valoir le devoir de la légalité dans le contexte des résolutions des Nations Unies".
Les arguments du Saint-Siège sont, indiquait le cardinal sur les ondes de Radio Vatican,
"avant tout ceux de l'Evangile". Il rencontre le président Bush à qui il remet un
message personnel de Jean-Paul II et s’entretient avec le Secrétaire d'Etat américain,
Colin Powell. L'envoyé de Jean-Paul II, pourtant pendant dix ans nonce apostolique
aux Etats-Unis de 1980 à 1990, n’aura pu changer le cours des évènements ni faire
évoluer la position de ses interlocuteurs. Toujours au micro de Radio Vatican , il
dévoilait les arguments utilisés. « J'ai mis sur la table les différentes conséquences
possibles soit pour la population iraquienne, soit pour ce fossé qui pourrait se créer
dans le dialogue entre l'Islam et le Christianisme, ou pour tant de souffrances. J'ai
aussi parlé de la "voix" du Saint-Père et de celle de l'Episcopat américain en consonance
avec la voix du pape. Tous ces arguments, je ne sais pas s'ils auront un effet, mais
ils ont cherché au maximum le chemin de la persuasion ». En vain. Le 20 mars, l’armée
américaine envahissait l’Irak.
(Photo AP : Photo prise le 13/03/13 sur la
place Firdous à Bagdad là où la statue de Saddam Hussein avait été déboulonnée le
09/04/03 par des soldats américains)